LOGODÆDALIA

Clinique d’une comitiale agitation Hiraclienne


© Dr. Lucien de Luca


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Edition de Septembre 2001





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LE SYNDROME DE JANUS



Janus est le nom d'un ancien dieu romain, représenté sur les monnaies par une tête double, avec deux visages opposés, l'un tourné vers le passé, l'autre vers l'avenir. Janus, dont le nom latin signifie passage (de janua, entrée, chemin), était le dieu des portes, encore appelé Quirinus, et a donné son nom au mois de Janvier (qui clôt l'année passée, et ouvre celle à venir). Dans un cadre psychiâtrique, le port d'une tête double pourrait s'interpréter comme une simple allégorie de dualité mentale, mais par ses origines mythologiques exprimant un concept religieux de renaissance, cette dualité voudrait réunir le monde des morts à celui des vivants (passés et à venir). Une telle conception pourrait, précisément, illustrer le vécu de cette comitiale agitation Hiraclienne – une épilepsie psychique – vécue comme un état de mort apparente et de résurrection, récurrent, Dans le lexique nostradamien, Janus (dont le nom n'est jamais employé dans les Prophéties) est la clef permettant d'ouvrir les expressions cryptiques telles que tefte double, latin paffage, communication punique, vieux chemins, tarafc deftroit, port Selyn, port incogneu, etc.



Extrait du Chapitre XIV, Cæsar, Forceps Kaput


IX-3:               La magna vaqua à Rauenne grand trouble,
                        Conduictz par quinze enferrez à Fornafe
                        A Rõme naiftre deux monftres à tefte double
                        Sang,feu,deluge, les plus grands à l’efpafe.

Rauenne serait ici un lieu-dit mis pour l’accouchement d’une grande vache (vacca en latin), avec vaqua prononcé comme aqua, vaccante, vacua (de vacuus, vide), libre, inoccupée, sans maître (GAF), comme inhabitee (cf. I-3, II-95, VII-6-41), après un grand travail, vuides (cf. I-9-82).

Comme le bœuf marin de l’Epitre à Henry Second, cette magna vaqua serait la moitié du bos Hiraclien, grand et troublé (magna, quasi Hérakleia) cher au zoo nostradamien, recopié sur ses Notes Hiéroglyphiques. Et pour amplifier le lecteur d’Horapollon, « il est rare de trouver, dans les auteurs Grecs, le nom d’Aphrodite Egyptienne, sans qu’il soit parlé en même-temps de la vache qui lui était consacrée, et qu’on nourrissait comme le symbole vivant de la Déesse ; Plutarque nous apprend aussi que le nom divin Athyr ou Athôr signifiait en langue égyptienne, Οίκον Ωρου κόσμιον, maison mondaine d’Horus. » ajoutait plus tard Champollion (Panthéon Egyptien, pl. 17) en citant Elien [1], Hésychius, et Strabon [2] .

Quinze [3] vient du latin quindecim (de quinque, cinq, et decem, dix), d’où sont dérivés les quindecimviri, les quinze prêtres romains chargés de l’interprétation des livres sybillins, à la surveillance des cultes étrangers, mais également préposés aux sacrifices, comme le culte taurobolique de Cybèle (GAF), déesse originaire de Phrygie en Asie Mineure, adoptée ensuite par les Grecs puis par les Romains sous l’apparence d’Isis. D’autres prêtres romains étaient au nombre de douze comme les prêtres saliens, et les vestales sept. Mais Quinze c’est aussi Trois fois Cinq, ou si l’on veut bien compter, Cinq trois fois très grand. Une tefte double (par le latin testis, témoin, testicule ; GAF) pourrait convenir à deux monftres, comme à deux duelles en III-16, deux duetistes ayant chacun deux teftes, dont l’vn percera le fiel en III-16.

Fornafe est apparenté à fournaise, le grand four où brûle un feu ardent (Godefroy, 1885), et à Fornax (du même nom que la constellation zodiacale), la déesse romaine du four.

L’efpafe (cf. Gargantua, VII, 74) pourrait être apparenté à l’espart qui divise ou sépare (Greimas, 1994), l’épée du spadassin pour le réglement d’une querelle où le sang est répandu épars, tandis qu’espasier signifie fontainier, constructeur d’aqueducs (Godefroy, 1885), ainsi que nous trouvons un Chef feille d’eaue, mener fon filz filer en IV-58.


V-86:               Par les deux teftes & trois bras feparés,
                        La cité grande par eaues fera vexee:
                        Des grans d’entre eulx par exil efgarés,
                        Par tefte perfe Bifance fort preffee.


(1568 : eaux/ eux).

On pourrait penser que Deux teftes & trois bras feparés pourraient difficilement appartenir à un même corps, sauf au dieu Janus ou à un monstre imaginaire tenant de la salamandre, ou à deux monftres à tefte double en IX-3. Mais, appartenant à un corps unique, mis à part en I-81, séparé par distraction (secretus, séparé, solitaire, peu commun, caché ; GAF) trois bras avec deux teftes [4] (cf. le latin testis, testicule [5], témoin, tiers ; EMA) armeraient un nay de trois bras en II-73, comme un Triumuir en V-7 avec trois fustes en VIII-21.

La cité (du latin civis) désigne l’ensemble des villageois (grec polis), réunis dans le bourg (latin urbs), dans l’enceinte garnie de tours (grec purgos) et de fortifications, du fort. Dans le vocabulaire de Nostredame il n’y a rien de plus grand que Dieu, et sa grande cité serait comme celle de Saint Augustin, une assemblée réunie autour de son Fort (du grec ekklesia, assemblée, latin comitia), la cité de Dieu. Vexee (du latin vexare, assorti à veho, transporter), la cité grande par eaues sera tourmentée [6], agitée, persécutée, attaquée, maltraitée, comme un patient égaré (lymphatus, lymphaticus, fou, délirant, de lymphae, les eaux ; GAF, BSC, EMA), mais aussi gonflée, comme l’eau fait lefponge, et… vexer les preftres en VIII-57.

Il resterait une tefte perfe, glaucomateuse et nyctalope, fort preffée d’une Bifance (cf. V-80).

Une telle tête perse pourrait bien avoir tantôt la vue perçante avec l’œil creué en I-27, par obiect en X-70 pour mieux perse voir, tantôt le cry perçant avec la percée gloze de III-62. L’orthographe de la Renaissance permettait les deux écritures, perçer pour perser [7], tant et si bien que le narrateur de selle persée ne joua que de la seconde dans le Quart Livre de 1552 : « Fuyons, guaingnons terre. Je croy que c’est le propre monstre marin qui feut jadis destiné pour devorer Andromeda. Nous sommes tous perdus. O que pour l’occire praesentement feust icy quelque vaillant Perseus. Persé jus par moy sera, respondit Pantagruel. ».

Dans un autre monde, deux têtes d’un coté et trois bras de l’autre (2.3) pourraient être les témoins d’une re-naissance (représentée par un Six dans la tradition néo-pythagoricienne), à la suite d’un mariage comme celui de Poséidon le Tridental et d’Amphitrite (double et triple), les géniteurs de Tritôn. Et la fureur des eaux tempefte, ou inonde la terre ferme de la cité, et telle une aquatique triplicité, née d’un cerveau hydrocéphalique délivré par césarienne, mystifie les astrophiles empressés, censeurs outrepassés.


I-58:                Trenché le ventre, naiftra auec deux teftes,
                        Et quatre bras: quelques ans entier viura:
                        Iour qui Alquilloye celebrera fes feftes
                        Fouffan, Turin, chief Ferrare fuyura.

(1557 : le vêtre/ Aquilloye/ fes festes,/ Foffen/ Ferrare fuyra.).

Nous voyons ensuite ici deux teftes et quatre bras comme des siamois, alors qu’en IX-3 nous avions deux monftres à teftes doubles, pour un beffon qui naîtra à moitié mort, mais fort bien élevé, vivra comme un vopifque (du latin vopiscus [8], jumeau survivant ; GAF) en I-95.

Cette naissance, difficile et monstrueuse, évoquant celle d’un Androgyn en II-45, ressemble à une description faite par Rabelais dans le chapitre VII de Gargantua : « un corps humain ayant deux têtes, l’une virée vers l’autre, quatre bras, quatre pieds,& deux culs, tel que dit Platon [9]… » (Defaux, 1994). Le texte du philosophe, avait été traduit du grec en latin par Marcile Ficin [10], décrivant ainsi cette sorte de Janus : « En premier lieu, l’humanité comportait trois genres, il n’y en avait pas seulement deux, comme aujourd’hui, mâle et femelle, mais un troisième composé des deux autres réunis. En outre, ces êtres avaient une forme sphérique, le dos et les flancs en cercle. Ils avaient quatre mains, autant de jambes et deux visages absolument semblables, unis sur un cou bien rond. Le genre masculin avait été engendré par le Soleil, le féminin par la Terre, le composé par la Lune. Ils avaient de ce fait, l’âme fière et le corps vigoureux. Aussi essayèrent-ils de lutter avec les dieux et d’escalader le Ciel. ».

Mais aucune des diverses traductions, latine ou française, n’éclaire mieux ce sujet que le Commentaire lui-même : « C’était une coutume, chez les Antiques Théologiens, de dissimuler à l’ombre des figures leurs secrets divins et purs, de peur qu’ils ne soient souillés par les profanes et les impurs, aussi ne pensons-nous pas que les faits décrits dans les figures ci-dessus rapportées et dans d’autres répondent tous pleinement au sens. (…) Maintenant voici l’essentiel de notre interprétation. Les hommes, c’est à dire les âmes des hommes. Autrefois : quand elles furent crées par Dieu. Etaient entières, c’est-à-dire douées de deux lumières, l’une innée, l’autre infuse, la première pour voir les choses qui lui sont semblables ou inférieures, la seconde pour contempler celles qui lui sont supérieures. Elles voulurent se faire égales à Dieu : elles se tournèrent vers la seule lumière innée. A cause de cela elles furent divisées : elles perdirent la lumière infuse en se tournant uniquement vers la lumière innée et aussitôt tombèrent dans des corps. Si elles deviennent plus orgueilleuses, elles seront à nouveau divisées, c’est-à-dire si elles se fient trop à leur talent naturel, elles verront s’éteindre dans une certaine mesure cette lumière innée et naturelle qui leur reste. ».

Le premier vers du quatrain contient encore une parabole médicale, tranche le ventre, décrit exactement une naissance par césarienne, comme celle d’un grand lyon par forces Céfarées [11] en I-33. Pour un médecin accoucheur de nouveaux mots, la césarienne serait aussi un forceps. Car le forceps obstétrical n’est pas seulement la cuillère fourchue, le forc (du latin furca, une fouche à deux dents ; Rey, 1994), c’est aussi tout ce qui permet de conceper, attraper, saisir, d’excepter hors, for ou fors (Greimas, 1994), en particulier pour une naissance difficile, comme en II-7 et III-42, avec deux dents en la gorge : difficile autant pour la mère que pour l’enfant et l’accoucheur, la gorge hiraclienne sortant du latin gurges, le tourbillon [12] d’eau, le gouffre [13] (Roussat, 1550, GAF, EMA), le canon du refpiral eftaige en II-75.

La naissance d’un enfant avec deux dents en la gorge évoquerait encore celle d’un ferpent en IV-93, appartenant au Panthéon egyptien [14] : « Cet être primordial reçut le nom de Bon Génie (Αγαθος Δαιμον), et on le représenta symboliquement sous la forme d’un serpent. Horapollon, confirmant le témoignage d’Eusèbe [15], nous apprend aussi qu’un serpent entier (ολοκληρον οφιν), était l’emblème de l’Esprit qui pénètre toutes les parties de l’Univers  », ce qui se retrouve sous la plume du lecteur de Salon [16] sous cette forme :

                        Comment ilz signifioient le roy victorieux de toutz
                        Signifier voulant par droict sentier
                        Le roy de toutz seigneur victorieux
                        Ilz faisoient paingdre un serpent entier
                        Parfaict, intègre, en lieu espatieulx,
                        L’esprit aussi, lequel en plusieurs lieux
                        S’eslargissant qui nostre âme circunde
                        Prenent plaisir en lieux délicieux
                        Soy dilatant en plusieurs pars du monde.   

Une naissance à deux dents dans la gorge, ce serait encore celle d’un autre monstre hiéroglyphiques tel que l’éléphant [17], tout aussi souverain que le royal serpent précédent :

                        Comment ilz signifioient l’homme fort et indagateur des choses utiles.
                        Ung homme fort en voulant dénouter,
                        Indagateur de choses à soy utiles,
                        Ung héléphant ilz faisoient nouter
                        Comme constant aux chose très utiles
                        Son prouviseau a conduyre a facile
                        Moyenent ce il sent à son debvoir,
                        Il en faict tout tant soit-il difficile
                        Il prend et garde tout se qu’il peult advoir.

                        Comment ilz signifoient le roy que fouyt le mocqueur
                        Le roy aussi qui fouyt le mocqueur
                        Ou l’homme plain de toute moucquerie
                        Par lors qu’il vient hoyr ses foulx resveurs,
                        Si signifier voulant tel resverie
                        L’héléphant paignent et le pourceau qui crie
                        Car l’héléphant à coup qu’il vient ouyr
                        Du porc la voix avec sa crierie
                        Il prend la course et soubdain s’enfouyr.

Dans ce dernier portrait, il n’est plus question de césarienne, ni de naissance à coup de serpe, mais l’accoucheur de Salon reconnaît au pachyderme sa noble extraction précédemment attribuée au lion, le roi des animaux, majestueux comme un Lucānus bōs, les deux dents dehors.

La césarienne (du latin caesar, enfant tiré du sein de sa mère par incision, de caedere, couper) était autrefois pratiquée pour récupérer la vie d’un enfant alors que sa mère était mourrante ou déjà morte, par exemple lors d’une présentation compliquée (siège, placenta praevia, etc). En 1532 Euchaire Rodion, médecin de Francfort, faisait paraître un traité d’obstétrique en latin – de partu homini –, traduit en français vingt ans avant les premières Centuries, dans lequel il décrivait brièvement cette opération [18] : « Et si la femme meurt en travaillant, l’enfant estant en vie dedans son ventre : il fault soigneusement garder et tenir la bouche de la femme mourant ouverte : et les génitales semblablement avec la matrice : affin que l’enfant par iceulx membres puisse respirer et avoir vent, ce que bien coignoissent les saiges femmes. Et puis il fault recliner le costé senestre d’icelle : et le trencher avec un rasouer : car le dextre costé n’est pas si propice à cela faire : pour le foye que la endroit est situé. Et puis on doit tirer l’enfant par l’ouverture faicte : par laquelle manière les enfans naissent sont appelez césars comme cestuy de Romme duquel la famille a esté ainsi premièrement surnommée : à cause que icelluy premier César nasquit du ventre de sa mère ayant esté trenché pour le tirer en vie. » (Rodion, 1536). Il serait donc impensable que le médecin provençal n’ait jamais entendu parler de l’opération césarienne, pratiquée post-mortem à Rome 600 avant J.C., et tentée de vivo pour la première fois en 1540 par un chirurgien écossais établi en Italie (Rullière, 1981). Et sans être carabin, il aurait suffi de lire Pline l’Ancien dans ses Histoires Naturelles [19] : « Les enfants, dont les mères meurent en leur donnant le jour, naissent sous de meilleurs auspices : tel Scipion le premier Africain et le premier des Césars, qui dut son nom à la césarienne pratiquée sur sa mère » (Livre VII, 47). Mais les cas de césarienne les plus anciens sont mythologiques, les uns grecs par la naissance de Dionysos, arraché du ventre de sa mère par Zeus qui le porta ensuite dans sa propre cuisse, ou celle d’Athéna, une sacrée crâneuse, ou encore celle d’Asclèpios, fils d’Apollon ; l’autre égyptien, raconté par un grec : « le troisième jour Typhon vint au monde, non à terme et par la voie ordinaire mais en s’élançant par le flanc de sa mère, qu’il déchira… Le troisième des jours épagomènes était regardé comme de mauvais augure à cause de la naissance de Typhon. » (Plutarque, Isis et Osiris, 12, (355 C)).

Dans le contexte nostradamien, la mère représenterait l’organe de reproduction (matrice) des régimes politiques (la mère patrie, République ou Monarchie, l’Eglise), la naissance évoque la filiation et le maillon d’une chaîne. La naissance par césarienne symboliserait donc un changement de régime politique (par le décès de la mère), et la naissance d’un monstre à tête double un certain schisme. La dédicace des premières Centuries en 1555 à un jeune fils, nommé César, affligé d’un entendement debile, car tard advenu, laisserait donc entrevoir ici l’adresse à un autre destinataire que sa première progéniture.



Extrait du Chapitre XVVII, Rhône Niliacque, Sang de Lyon


III-93:             Dans Auignon tout le chef de l’empire
                        Fera arreft pour Paris defolé:
                        Tricaft tiendra l’Annibalique ire:
                        Lyon par change fera mal confolé.

(1557 : l’Empire).

Le nom de la cité d’Avignon, fluviale et papalle, est reconnu six fois dans les Centuries, en particulier près des Thurins en I-71 (du grec θυρα, θυρις, port, porte, fenêtre, ouverture d’une grotte ; BSC), puis en III-56 entre Montauban (Mons Albanus en latin ; Cherpillod, 1991), un vrai mont blanc, albanois, quasi alpin, et Befier.

Tricaft vient de Tricastin, qui est l’ancien nom de la région qui correspond aujourd’hui à la Drôme. Mais Tricaft rappelle aussi un village de cette contrée, Saint-Paul-Trois-Châteaux, situé entre ceux de Donzère et Mondragon sur le Rhône. Trois-Châteaux serait une déformation populaire issue du nom de la population gauloise, les Tricastini, des bourgeois qui donnèrent leur nom à leur cité, Augusta Tricastinorum. Le nom de Saint-Paul aurait été ajouté par un évêque local du IVe siècle (Cherpillod, 1991). Le Tricaft nostradamien pourrait-il valoir trois châteaux, comme trois freres ou trois princes, trois fois chastes, et Sainct Pol de Manfeole en IX‑85 ? … ou encore, par la référence occultée de Saint-Paul, l’apôtre des Gentils, le Second fondateur du christianisme, celui qui fut « saisi par le Christ » pendant un état épileptique et une amaurose transitoire (Vercelletto, 1994).

L’ire annibalique serait copiée sur celle d’Hannibal le Pœnus, l’Hercule punique, le phénix hiraclien souffrant de pœna, de tourment et de souffrance (GAF), malade d’une ire ressuscitée.

Paris (pour le latin paris, de par, égal, double ; GAF) comme une cité que deux fleuues arroufe en II-97, où Seine & Marne autour vient arroufer en VI-53, serait aussi comme un pair de France à deux teftes en I-58, un efpoir Troyen en VI-52, aux deux egaux en I-54, Saturne & Mars efgaulx en IV-67.

Le Lyon sera mal confolé (en latin sublevatus, consolé, relevé, de sublevo, lever, affaiblir soulager, aider ; GAF) tombé de haut d’un mal caduc, comme par mal content en VI‑3, d’un mal’heureux tourment en I-68.

 

Extrait du Chapitre XXII, Os Coccyx, Osculum


I-18:                Par la difcorde negligence Gauloyfe
                        Sera paffaige a Mahommet ouuert:
                        De fang trempe la terre & mer Senoyfe,
                        Le port Phocen de voiles & nefs couuert.

(1557 : Gauloise/ trempé/ Senoise/ Phoce/ voilles & nefz).

Dans aucune des éditions consultées la mer Senoise n’est typographiée avec un G. A la stricte évocation géographique du golfe de Gênes ou de la Seyne, on pourrait alors préférer entendre une dysgraphie volontaire requalifiant cette mer de Senoise.

La difcorde était un défaut ancestral des Gaulois bien connu depuis César qui avait noté que ce peuple passait son temps à se disputer. Et pendant que les Gaulois se disputaient pour des choses futiles, les Romains remportaient des victoires, voilà où était la negligence gauloyfe. Et la difcorde, le divorce, un chœur à deux voix, permettrait à ce Mahommet d’emprunter un Latin paffage en V-50, une communication punique dans la Lettre à Henry Second, peut-être plus spirituelle que matérielle, et qui sembleraient aboutir ici par la terre & mer Seynoife à un port Phocen.

Le passage ouvert à Mahomet [20] serait une porte à double sens empruntée par un Roy malade en III-91, atteint d’un mal incogneu en IX-91, du grand mal en V-62, du haut mal. Le port du fardeau caduc était régulièrement attribué au prophète de l’Islam par les médecins les plus titrés de la Renaissance, et parmi ceux-là, le maître [21] de la faculté provençale ; connu depuis le Moyen Age avec Vincent de Beauvais (plusieurs fois édité en latin, puis traduit en français en 1496), ce diagnostic de notoriété publique [22] au XVIe s., bien que difficilement vérifiable, était même constamment repris par d’autres auteurs [23] après le patient docteur de Salon.

 

Extrait du Chapitre XXVI, Hercules, Biceps Caput


Dans le panthéon celtique, Mercure le Dieu suprême n’est pas synonyme d’Hercules. C’est donc à dessein que dans le quatrain X-79 Nostredame réunirait les deux symboles latins Hercules et Mercure (par similitude aux orientaux grecs Hèraklès et Hermès), ornés d’un troisième qui doit autant à la botanique sacrée des lotus (du grec lôtos) – Nymphaea lotus à fleurs blanches, nelumbo à fleurs roses), nymphéas et autres nénuphars (nymphaias, hèrakleias) – qu’à l’Histoire de France : la fleur de lys (homonyme du grec lis, lion).

Le ou les personnages au nom d’Hercules sont rencontrés quatre fois seulement dans les Centuries (cf. IX-33-93, X-27-79). Le personnage nostradamien d’Hercules pourrait être double, jumeau comme le fils aldultérin d’Alcmène par Zeus né au terme de dix mois de maturité, alors que son frère Iphiclès naquit précocément à sept mois. Duel aussi, comme le remarque Hérodote (Histoires, Euterpe, 42-44), l’un des deux serait Mercure fleur de lys, rouge et blanc, mi-homme mi-dieu, tandis que l’autre serait voué à Vénus, rouge et noir, mi-homme mi-bête. Parmi les attributs mythologiques, chacun possèderait Mars à son ascendant, le masque de la peau du Lyon, la matraque ou le marteau. Mais la dualité d’Hercules se situe aussi au plus profond de son psychisme, car le héros souffre de crises épileptiques pendant lesquelles, en descendant aux Enfers pour capturer Cerbère, le chien d’Hadès, il visite l’empire des morts avec l’Anubis grec. Ce voyage fait de lui un Janus, un homme à deux têtes, un duel comme le roman de Dostoïevski [24] le laisserait supposer [25].



Extrait du Chapitre XXXI, Coma, Koma, Khôma


II-15:              Vn peu deuant monarque trucidé?
                        Caftor Pollux en nef, aftre crinite.
                        L’aerain publiq par terre & mer vuidé,
                        Pife, Aft, Ferrare, Turin, terre interdicte.

(1557 : astre aninite/ public).

L’édition de 1555 de ce quatrain porte le numéro 14 (par erreur de numérotation, 12 bissé). Caftor Pollux, Gémeaux célestes, indiqueraient ici deux Dioscures (du grec Διοςκουροι, et κορη, jeune vierge, pupille ; BSC) dans une nef église, avec parfois le sens d’une gemellité ennemie (V-46, VI-20, VIII-93, IX-3), deux hémisphères à l’origine d’un schisme. Ainsi deux Gémeaux apparaissent au quatrain II-90, où ils sont Caftor & Pollux ennemis dans la lyce, avec un changement dans le regne d’Ongrie. Nous ignorons s’il est question d’une lice en rapport avec l’Eglise, mais il est douteux que cette Ongrie désigne l’Etat hongrois (du latin hungarus), dont le peuple connaissait la coutume de castrer [26] des Chevaux. La mission de ce Caftor ne serait-elle pas de châtrer, car le castor est un expert en matière d’élagage et d’amputation de branches et de racines. Et en latin, celui qui est castus est vertueux, pur, irréprochable, mais encore pieux et saint, sinon chaste comme les Vestales et parfois castré, comme les prêtres de Cybèle.

Le thème de la gémellité apparaît souvent dans les Centuries (deux teftes en I‑58 et V-86, enfant trouué beffon en I-95), mais il coïncide ici avec l’apparition d’un aftre crinite (τριχιας en grec ; BSC) une comète [27]. Mais si Castor-Pollux n’était lui-même qu’un astre chevelu, un Janus à tefte double, castus d’un coté, pollutus de l’autre, dans ce cas le besson [28], ne serait lui-même que la copie conforme, sinon suscitée, d’un autre beaucoup plus ancien, mort depuis longtemps.

L’aerain publiq désignerait par le bronze des finances, le bien public, ou encore une monnaie dorée, un crieur public, un hérault.


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[1] « Cur Vaccas Veneri confecrant Aegyptij. (…) Itemque Isim bubulis cornibus Aegyptij & fingunt, & pingunt.[Και αύτην δε την Ισιν Αίγύπτιοι βούκερων και πλάττουσιν και γράφουσιν ] » (Elien, 1556, De Animalium Natura, X, 27).

[2] « Les Momemphites honorent Aphrodite ; une vache sacrée est nourrie là, de la même manière que le taureau Apis à Memphis et le taureau Mnévis à Hélioplois. Ces animaux sont considérés comme des dieux… » (Strabon, Le Voyage en Egypte , XVII, 22 ; Charvet, Yoyotte, 1997).

[3] « Les Deux-hõmes furent inftituez par Tarquinius : & par fuccefsion de temps Aulus Sextius & Licinius Tribũs de la plebe mirent le nõbre iufques à dix : & alors en furent faicts & eleuz cinq de la nobleffe, & cinq du peuple : demeura ce nombre iufques au temps de Sylla, qui en feit adioufter encores cinq : & toufiours furent depuis quinze hommes pour faire les facrifices. Leur charge eftoit de lire les liures facrez, & vers de la Sybille, & d’interpreter les chofes & accidẽts, qui furuenoyent au peuple de Rome. Et fi prefidoyent aux facrifices, que l’on faifoit à Apollo. » (Du Choul, 1556).

[4] Qui ha deux teftes, Biceps. (R. Estienne, 1549).

[5] Teftes, colei (…) GAL. Couillons, animelles. (Junius, Nomencl. Octiling., De partibus Hominis ; Nicot, 1606).

[6] Vexer, & tormenter, Vexare, Conuexare, Diuexare. (R. Estienne, 1549).

[7] Perfer, cerchez Percer. (R. Estienne, 1549).
« mettre vne fille en Perce, i. la defpuceler » (Oudin, 1640 ; p. 408).

[8] « On appelait vopiscus celui des deux jumeaux qui restait dans l’utérus, l’autre ayant péri par un avortement, et venait à terme. » (Pline, Hist. Nat. VII, 8).

[9] Le Banquet (XIV, 189e).

[10] Commentaire sur le Banquet de Platon .Trad. R. Marcel, (Ficin, 1978).

[11] Cf. Hérodote  : « …la lionne, animal des plus forts et des plus hardis, ne met bas qu’une fois en sa vie, et un seul petit, car en mettant bas elle expulse à la fois son fruit et sa matrice. La raison en est que le lionceau, lorsqu’il commence à remuer dans le ventre de sa mère, lui laboure la matrice de ses griffes, beaucoup plus aigües chez lui que chez tout autre animal ; en se développant, il la déchire de plus en plus ; aussi, au moment où la lionne va mettre bas, l’organe est-il complètement détruit. Il en est de même pour les vipères et les serpents ailés de l’Arabie : s’ils se reproduisaient comme le veut leur espèce, l’homme ne pourrait plus vivre sur la terre. En fait, dans l’accouplement, au moment même où le mâle féconde la femelle, celle-ci le saisit à la gorge et ne lâche prise avant de l’avoir entièrement dévoré. Le mâle périt de cette façon, mais la femelle s’en trouve bien punie et les petits vengent leur père, car, encore au ventre de leur mère, ils la dévorent en lui rongeant les entrailles ». (Histoire, III, 108, 109). Cf. Aristote, Histoire des Animaux, VI, 31, 579.

[12] Cf. I-3 : « la lictiere du tourbillon verfee ».

[13] Gouffre, Baratrum, Gurges, Vorago. (R. Estienne, 1549).

[14] Champollion , Panthéon Egyptien (Nef, Noub, Noum), 1823.

[15] Eusèbe, Préparation Evangélique, I, 10.

[16] Cf. Rollet, 1968 (p. 82-83) ; Cf. Orus Apollo, Kerver, 1543 : « Quant ilz voullent fignifier le Roy feigneur & victorieux de tous ilz paignoiët le ferpent entier & parfaict pareillement par cela ilz entendeoint lefperit qui fe dilate par le monde ».

[17] Cf. Rollet, 1968 (p. 137-138) ; Cf. La description de Jacques Cartier : « Il y a autour de cette île plusieurs grandes bêtes, comme de grands bœufs, qui ont deux dents dans la gueule, comme chez l’éléphant, et qui vont dans la mer  ». (Premier voyage de Jacques Cartier, 1534 ; Ed. La Découverte, 1984).

[18] Chap. IX, f° LVII. La typographie du texte a été modernisée.

[19] « Minerve naquit-elle pas du cerveau par l’oreille de Jupiter ? Mais vous seriez bien davantage ébahis et étonnés, si je vous exposais présentement tout le chapitre de Pline, on quel parle des enfantements étranges, et contre nature. Et toutefois je ne suis point menteur tant assuré comme il a été. Lisez le septième de sa Naturelle histoire, cap. .3., & ne m’en tabustez plus l’entendement. » (Rabelais, Gargantua, Chap. V, Comment Gargantua naquit en faczon bien estrange ; Defaux, 1994).

[20] Cf. Jean de Mandeville, 1480 : « Mahomet tombait souvent du haut mal, c’est-à-dire l’épilepsie … » (Voyage autour de la terre, XV, éd. Les Belles Lettres, 1993).

[21] Cf. Rondelet  : « Haec annotaui, vt intelligerent ftudiofi epilepfiam fieri & à pituita tenui, & à fpumofa, vel à bile flaua, vel attenuata atra, aut eius ichoribus, vel à vaporibus acribus, vel ab odoratu, propter cerebri exactiorem fenfum. Hinc efficitur, vt qui ingenij acumine pollent, huic morbo frequenter obnoxxij fint, vt de Caefare, Mahumete, Carolo quinto Imperatore fcriptum legimus. » (Rondelet, Methodus Curandum, 1575, p. 172).

[22] Cf. Bouchard (Chroniques de Bretagne, 1514, 1531– f° LII, 1532, f° 48d) : « Et souvent tomboit Machommet d’epilencie qu’on dict le hault mal. (…) Voyez Hugo, Vincent et Martin. » (cf. Godefroy, 1885 ; à épilencie).

[23] Cf. Taxil , 1602, Traicté de l’Epilepsie, Chap. XV : « Que la plus part des Epileptiques font hommes de grand entendement, & que là ou il y a beaucoup d’Epileptiques, là auffi y a beaucoup d’hommes de grand entendement. (…) Ariftote Prince des peripateticiens a efté le premier, à mon aduis, qui a prins garde à ce cas eftrange, & du defpuis la plufpart de ceux qui ont traicté de ce mal, fe font là arreftés, & des hommes plus fignalés, & plus cognus, ce philofophe en faict vn catalogue, propofant vn Hercule, vn Aiax, Bellerophon, Socrates, Platon, Empedocles, Meracus Siracufain, & les Sibylles, aufquels nous pourions adioufter Iule Caefar, & Caligula Empereurs, Liuius Drufus, premier tribũ du peuple Romain, Petrarche, & …Mahomet … » (p. 137).
Cf. Oudin  : « Mal de faint, i. mal caduc , Mal de Mahomet , idem. » (Curiositez françoises, 1640 ; p.321).

[24] Le double, 1846.

[25] « Il est maintenant classique d’admettre qu’un des traits caractéristiques de l’expérience intime de l’épileptique est le sentiment d’être habité par un double, au point que le mythe du double de Sosie ou d’Amphitryon est devenu chez l’épileptique une réalité thématique. » (Soulayrol, 1999 ; p. 261).

[26] « Prince de Hongrie , i. un chaftré. » (Oudin, 1640).

[27] La comète de Halley nous rendit visite en 1910, quatre ans avant l’assassinat de l’archiduc héritier d’Autriche François-Ferdinand le 28 Juin 1914, qui déclencha le début des hostilités de la Première Guerre Mondiale. Le pape en exercice, Pie X, mourut le 20 Août 1914, et fut normalement remplacé par son successeur Benoît XV, mais sans l’ombre d’une gémellité, incompatible avec l’Histoire du XXe siècle jusqu’à aujourd’hui.

[28] « Beffon, (…). Le mot peut venir de Bini, qui eft fait de Bis, ainfi que le Grec διδυμος, de δυς, qui fignifie cela mefme. Ce mot eft frequẽt aux Lãguedoc, Prouençal, & pays adiacents, qui appellent les fruits Beffons qui font nez doubles,… » (Nicot, 1606).

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