Une histoire simplifiée des maux d'esprit aux mots d'esprit,
ou la découverte d'une obsession spirituelle dans une plume inouïe.
1.1. Saillie
Dans le Proeme de son
Excellent & moult utile opuscule, édité en 1555, Michel de Nostredame a reproduit cet épigramme [
1] qu'il attribuait à «
Lucillus poête grec, qui estoit un grand mocqueur d'un chacun, peu discrepant du maling Archilochus ». Avant d'en faire une traduction en français de son cru, Nostredame confessait que «
ces vers furent tournés en Latin par Gaspar Ursinus Vellius conseiller à Vienne en Autriche » (on corrigera Lucillus par Lucillius, et Vellius par Velius) :
Lucillius (Velius, 1522)
Inficis ora dies nunquàm tinctura seniles,
Nunquàm rugosas explicitura genas.
Desine iam stibio faciem depingere totam,
Ne larvam, haud faciem quis putet esse tuam.
Nil reliquum. quæ est hæc Dementia : nam neque fucus,
Nec cerusa Helenem fecerit ex Hecuba.
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L'ouvrage qui répond à ces éléments descriptifs est celui des
Poemata édité à Bâle chez Frobenius en 1522, mais on sait que Nostredame connaissait d'autres traductions dans les
Selecta epigrammata éditée en 1529 à Bâle [
2] :
Selecta epigrammata græca latine versa Basileæ, Jo. Rebelii, 1529
Rés.D873 B.M. Orléans © www.bm-orleans.fr
L'auteur de l'épigramme grec, aujourd'hui attribué à Lucien de Samosate par la critique littéraire moderne [
3], serait d'après Nostredame deux fois «
coutumier à mal parler », au point d'être mal perçu du vulgaire profane [
4], pour résumer à sa manière une superbe condescendance de l'érudit Velius : «
Quid iuvat o miseri, cantare poemata surdis ? ... Ipse feret plagas Lucilius, & male, doctum accipietur opus, si talia dicere tentet qualia adhuc populo perstrinxit carmina mordax innocuo, scelerisque rudi : A quoi bon, ô misérable, déclamer des poèmes aux sourds ? [...] Lucilius lui-même causera des torts et de travers son uvre savante sera accueillie comme s'il avait attenté
d'enseigner au peuple jusque-là innocent et de malice ignorant des poèmes tels que, rongeant, il avait dérangé. » [
5].
1.2. Coutumier à mal parler ? Que voulait-il dire, l'auteur du
Vray et parfait embellissement de la face, dans ce véritable traité de cosmétologie de la Renaissance où un sublimé, c'est-à-dire une lotion, fait d'une vieille femme renaître une jeune fille ? A savoir, qu'un artiste peut farder les mots comme les visages des femmes, tantôt bien policés, tantôt plus piquants ?
On remarque dans l'épigramme grec un jeu de mot sur une paronymie :
προσωπεῖον, signifiant "masque", et
πρόσωπον "visage" ; les deux mots ne sont pas complètement synonymes, et c'est la subtile dissonance phonétique qui permet de dénoncer la mascarade de la femme fardée, sa mise en scène trompeuse : le masque n'est pas le visage, l'apparence n'est pas la réalité, tout comme les apparences des
Prophéties ne sont pas non plus leur essence.
ΛΟΥΚΙΑΝΟΥ (ΛΟΥΚΙΛΛΙΟΥ)
Τὴν κεφαλὴν βάπτεις, τὸ δὲ γῆρας οὔποτε βάψεις
οὐδὲ παρειάων ῥυτίδας ἐκτανύσεις.
Μὴ τοίνυν τὸ πρόσωπον ἅπαν ψιμύθῳ κατάπλαττε,
ὥστε προσωπεῖον, κοὐχῒ πρόσωπον ἔχειν.
Οὐδὲν γὰρ πλέον ἐστί · τί μαίνεαι ; Οὔποτε φῦκος
καὶ ψίμυθος τεύξει τὴν Ἑκάβην Ἑλένην.
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Certains critiques (
Aubreton, 1972) s'accordent à dire que toute la force des épigrammes de Lucillius tient dans les jeux de mots ; les calembours et les paronymies permettant facilement la création de quiproquos et de sous-entendus, que les différents traducteurs se sont efforcés de restituer, ici ou là :
Lucillius (Morus, 1529)
Sæpe caput tingis, nunquam tinctura senectam,
Aut tonsura genis quæ tibi ruga tuis.
Desine iam faciem stibio perfundere totam,
Ne persona tibi hæc sit modo, non facies.
Quum nihil assequeris fuco stibioq;, quid amens
Vis tibi ? nunquam Hecuben hæc facient, Helenem.
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Lucillius (Cornarius, 1529)
Ora licet tingas, nunquam tinxisse senectam,
Nec poteris rugas tollere corporeas.
Frustra igitur faciem stibio inficis, esse putabit
Larvam, non ueram plurimus effigiem.
Nil superest, demens quid tentas reddere fuco,
Et cerussa ? Hecubam non facies Helenam.
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Lucillius (Io Sleidanus, 1529)
Tu licet unguento caput illinis, haud tamen unquam
Corpore pelletur cana senecta tuo.
Ne uultum mentire nouo medicamine, néue
Pro facie larvam suscipe uilis anus.
Proficis hac adeo nil fraude, colorq; paratus
Non Helenen, Hecube quæ fuit ante, facit.
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Luciani (Lucillius) (Hugo de Groot, 1583-1645 )
Tinge comas, si vis : tingi negat ipsa senectus ;
Nec dabitur rugas explicuisse genis.
Parce precor vetulum cerussa pingere vultum :
Personam videor cernere, non faciem,
Stulta, labor totus perit hic tibi : fucus et omne
Hoc genus ex Hecuba non facient Helenam.
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Lucillius (Hebert, 1624)
Caput tingis, senectutem autem nunquam tinges,
Nec genarum rugas explicabis.
Ne igitur faciem totam fuco efforma
Ut larvam, non amplius faciem habeas.
Nihil enim hoc te iuvat. Quid insanis ? nunquam fucus
Et color ex Hecuba fecerit unquam Helenam
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Luciani (Lucillius) (Jacobs, 1764-1847)
Caput tingis, senectam vero nunquam tinges,
neque genarum explicabis rugas.
Ne igitur faciem totam cerussa effinge,
ita larvam, et non faciem habeas.
Nil enim prodest. Quid insanis ? nunquam fucus
et cerusa faciet Hecubam Helenam
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Lucilius (Hermann, 1958)
Tu te teins les cheveux mais tu ne teindras jamais ta vieillesse
et tu n'effaceras pas les rides de tes joues.
Alors ne plâtre pas tant ta figure avec du blanc de céruse
de manière à ne plus avoir un visage mais un masque.
Il y a en effet plus rien à faire. Pourquoi délirer ? Jamais fard
et céruse ne transformeront une Hécube en une Hélène !
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Lucillus (Nostredame, 1555)
Combien que farde ta face envieillie,
N'ayes ja peur qu'on en oste les taches.
Puis que vieillesse ainsi t'assaillie :
Il n'est besoing qu'a mettre tu ne tasches
A ton visaige aucun fard que tu scaiches :
Qu'à ton corps puisse donner emblanchiment :
Car sublimé, ne ceruse, ne tasche
De rendre vielle, jeune par fardement.
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On voit bien ici devant les multiples paronomases que, dans sa traduction en mauvais français, l'élève de Lucilius n'a pas échoué en s'emparant d'un procédé sytilistique tout à fait éprouvé pour trahir les faciétieuses velléités d'une espérance troyenne inextinguible. Les lecteurs les moins avertis de l'uvre de Nostredame s'ils désirent en démêler les pires obscurités sont maintenant invités à étudier les mécanismes neuro-psychologiques de lecture et d'écriture de ces auteurs sacrément "
coutumiers à mal parler".
2. Neuro-psychologie des jeux de mots
2.1. L'aptitude à lire les pensées ou les intentions d'autrui l'empathie est une caractéristique des primates les plus performants dans la famille des hominidés (Call, 1997 ; Tomasello, 1997 ; Rizzolatti, 2004) bien que tous ne le soient pas autant qu'il serait souhaitable (Langdon, 1999 ; Preston, 2002 ; Gallese, 2003 ; Oberman, 2005 ; Dapretto, 2006 ; Decety, 2006).
Comme dans toute autre activité sociale de communication humaine, c'est principalement le lobe frontal qui contrôle in fine la production et la réception des jeux de mots i.e. de sous-entendus aussi bien pour les comprendre pendant leur audition ou leur lecture (Ferreira, 2005), que pour s'assurer de leur intelligibilité par un interlocuteur-cible (Walter, 2005 ; Mitchell, 2005 ; Saxe, 2005).
Les jeux de mots étant des problèmes lexicaux, et donc des énigmes plus ou moins faciles à résoudre, le lobe frontal est fortement engagé dans cette activité cognitive (Amodio, 2006), aussi bien dans l'hémisphère cérébral gauche que dans l'hémisphère droit, le gauche étant plus investi dans l'analyse abstraite et la déduction séquentielle (Coulson, 2001, 2004, 2005 ; Goel, 2004), le droit dans l'intégration pluri-contextuelle, émotionnelle et sociale, permettant la résolution des métaphores énigmatiques [6] et des ambiguités construites notamment sur des homonymies et des consonnances (Brownell, 1983 ; Beeman,
1993 ; Winner, 1998 ; Tompkins, 2000 ; Jung-Beeman, 2004 ; Klepousniotou, 2005 ; Marini, 2005). On ajoutera qu'un énoncé polysémique (possèdant des noms avec plusieurs significations dérivées) serait enregistré plus rapidement au niveau du cortex cérébral gauche qu'à droite (Beretta, 2005 ; Pylkkänen, 2006), et qu'ainsi la coopération sémantique entre les deux hémisphères (Atchley, 1999 ; Mashal, 2005) pourrait se trouver davantage diminuée par un masque compétitif entravant la résolution d'un problème ou l'intelligibilité d'un discours comportant
plusieurs homonymies associées (Klepousniotou, 2002 ; Houdé, 2001 ; Canessa, 2005), a fortiori quand ce discours est privé de son contexte social ou historique. On observe le même effet de masque dans la lecture de phrases polyglottes, dans lesquelles les homonymies se voient plus facilement comprises dans la langue natale du locuteur traitée en priorité dans l'hémisphère gauche (Conklin, 2005) ; comme par exemple dans "I vitelli dei romani sono belli" qui voudrait dire en italien "les veaux des romains sont beaux", mais "Va, ô Vitellius, au son du dieu romain de la guerre" en latin.
2.2. Pour assurer son adéquation au monde environnant et résoudre les difficultés de l'existence, matérielle ou même seulement spéculative, le genre Homo sapiens engage dans son système nerveux central deux voies d'intégration logico-sémantique : l'une visuelle occipito-temporo-frontale, l'autre phonologique pariéto-frontale (Harm, 2004) ; or chacune de ces deux voies plus ou moins intéressées dans les communications sociales a des performances et des faiblesses propres. La résolution des problèmes complexes et conflictuels, lexicaux ou non, recrute le cortex cingulaire (Hagoort, 2003 ; Botvinick, 2004 ; Cohen, 2005) : cette partie du lobe frontal est engagée dans le traitement des risques
d'erreurs liés aux problèmes conflictuels, ainsi qu'aux erreurs perçues après coup, notamment en sélectionnant des significations prégnantes ou saillantes parmi celles qui sont connues ou socialement reconnues (Morley, 2004), enseignées ou seulement les plus fréquentes (Nowak, 1999). Or tous les individus ne sont pas aussi idéalement ou également performants entre eux pour la résolution des problèmes complexes (Carretti, 2004), même quand il ne paraissent pas prioritairement soumis à des conventions sociales, sinon n'importe qui avant Einstein aurait pu inventer la théorie de la relativité générale, et personne n'aurait jamais contesté les observations de Copernic ou de Galilée. Mais il ne faudrait pas
croire que des problèmes difficiles comme celui de démontrer la transcendance du nombre π, de déchiffrer des hiéroglyphes, ou encore de résoudre des énigmes logiques d'apparence absurde comme celles proposées par Lewis Carroll par exemple puissent être facilement et rapidement résolus par tout le monde : n'importe comment par n'importe qui.
2.3. L'observation d'un évenement attendu ou la découverte d'une solution, vraie ou fausse, pertinente ou non s'accompagne d'un sentiment de récompense (Shuval, 2005 ; Wilson, 2005 ; Giora, in press), inversement la frustration s'accompagne d'une agressivité ou d'une anxiété (Bowden, 2003 ; Bowden, 2005 ; Jung-Beeman, 2004) ; or, pour éviter le désagrément de la frustration devant un problème sans solution connue, i.e. un mystère, le psychisme humain a tendance à recourir à un opium, la pensée magique : ce qui existe ou qu'on pense pouvoir exister, mais demeure inexplicable, serait le fruit d'une volonté supérieure à celle du genre
humain, mais néanmoins anthropomorphique : c'est un biais d'attribution d'intentions historiquement très ancien, et qui s'est même considérablement renforcé chez les pratiquants des religions monothéistes (Azari, 2001). La physiologie des réseaux de neurones miroirs permettant à un individu de s'imaginer dans le corps et l'esprit d'autrui, et d'imaginer à tort ou à raison les intentions d'autrui (Buccino, 2003 ; Gallese, 2003 ; Decety, 2006) corrobore assez bien ce processus d'attribution intentionnelle du fait de projections mentales réciproques particulièrement développées dans l'espèce Homo sapiens sapiens, grégaire, hierarchisée et communicante. Par ses qualités narcissiques
ce processus d'identification collective abaisse l'anxiété ressentie devant des mystères jadis inexplicables autrement [7], en intégrant dans un même ensemble le concept de hiérarchie sociale et la nécessaire soumission à toute contrainte naturelle aussi inexplicable qu'inévitable.
2.4. La persistance de la pensée magique à l'age adulte, quand elle n'est pas seulement la persistance de croyances infantiles ou archaïques, est la conséquence d'un mode de cognition où les circuits perceptifs réflexes des automatismes comportementaux (suffisants pour assurer une subsistance matérielle) débordent ceux de la réflexion critique, caractéristique de certains circuits du lobe frontal gauche engagés dans le raisonnement abstrait (Houdé, 2002). Donc, puisque les réseaux neuro-physiologiques nécessaires pour assurer un comportement minimal (e.g. de survie végétative) souffrent déjà de déficiences cognitives fonctionnelles, alors les réseaux décisionnels du lobe frontal gauche engagés dans le raisonnement logique, une fois
privés d'afférences émotionnelles et sociales pertinentes (principalement médiées par le cortex frontal droit), finissent par révéler leur inaptitude à décoder les expressions lexicales déguisées, les sous-entendus voilés et les maquillages allégoriques ; c'est d'ailleurs ce que le clinicien observe devant un paranoïaque qui, frappé d'anosognosie, raisonne très logiquement, mais se comporte en dehors de toute pertinence sociale, comme un schizophrène ou un autiste (Blackwood, 2000, 2001 ; Gallese, 2003 ; Sabbagh, 2004).
2.5. Ainsi, certains actes bizarres comme les tics verbaux du syndrome de Gilles de la Tourette bien qu'exécutés sans préméditation, sont socialement pénalisants car ils comportent de fréquentes anomalies d'expression verbale, parfois scatologiques, et sont généralement interprétés dans la totale ignorance de ce trouble neuro-psychique produisant tantôt des écholalies (répétition du même mot), tantôt des palilalies (répétition du dernier mot) irrépressibles, qui sont des manifestations verbales souvent rencontrées dans ce syndrome compulsif génétiquement déterminé (Pauls, 2003 ; Lee, 2005 ; Saccomani, 2005). Néanmoins, certains sujets comme le Dr.
Samuel Johnson, auteur en 1747 d'un Dictionary of the English Language ayant souffert de ce syndrome ont pu bénéficier de talents reconnus dans le domaine de la littérature et des mots d'esprit (Piozzi, 1786 ; Boswell, 1791 ; Murray, 1979) ; et de même que tout le monde, eu égard à ses gènes, ne souffre pas de troubles obsessionnels compulsifs, de même tous les lecteurs d'épigrammes n'éprouvent pas nécessairement les mêmes passions pour les ambiguïtés lexicales ou les abstractions de quintessence... Ainsi certains raffolent d'équivoques grivoises, d'autres de satires caricaturales, parfois même spirituelles quand elles ne sont pas religieuses...
2.6. Les patients souffrant de troubles obsessonniels compulsifs, avec ou sans tourettisme, souffrent également d'anxiété (Roberston, 2000) . Mais la pratique de rites religieux là des prières ou des psaumes, ou ici des Prophéties pour le mystique Nostredame est probablement pour ces patients obsessionnels un moyen d'abaisser leur anxiété. Et c'est aussi pour abaisser ces tensions mentales générées par l'observation de différences comportementales au sein de la société, que certains patients obsessionnels intégrent quand ils le peuvent un groupe social pratiquant des rites identiques. Car il est socialement mieux vu pour le vulgum pecus différent d'Héraclite ou de Démocrite de pleurer quand tout le monde pleure,
ou de rire quand tout le monde rit ; et de trouver les blagues de Lucillius mauvaises quand le peuple inculte ne les goûte pas.
2.7. Néanmoins personne, ou presque personne, ne perçoit dans le charabia des Prophéties une collection logique de jeux de mots alambiqués, mais la plupart des lecteurs croit, sans aucune vérification irréfutable, tantôt à l'expression d'une pensée magique matérialiste (mais l'astrologie athée n'est pas une réalité nostradamienne), tantôt à une mise en scène falsificatrice de relations historiques usurpées. Et ceux qui inventent d'introuvables faussaires ou quelques rares imprimeurs réputés maladroits, ne dénaturant que les seuls manuscrits de Nostradamus, et plus spécialement ses écritures versifiées, ne font que des aveux d'ignorance, ou des confessions de profanes : ils n'entendent rien au charabia du médecin provençal
et à ses raisons d'être. Or, la résolution des jeux de mots suppose à la fois une maîtrise véritablement prononcée du vocabulaire utilisé par le locuteur, et un niveau d'abstraction sémantique évolué faisant notamment participer certaines structures cérébrales du lobe frontal (en connexion avec le lobe temporal) dont on a déjà vu la neuro-physiologie de certaines faiblesses discriminatives (Houdé, 2002). Et bien que la résolution des ambiguités lexicales s'accompagne aussi d'une gratification procurée par la découverte d'un sens caché derrière le fard des mots, cette faculté heuristique n'est pas accordée à tout le monde de façon identique (Coulson, 2001), tantôt par la génétique
chromosomique, tantôt par la génétique sociale, et le plus souvent par l'ensemble des deux.
En résumé, la perception d'énoncés équivoques, associés à une forte complexité, et la résolution de problèmes à forte composante émotive et sociale sont loin d'être universellement assurés, et donc les risques d'erreurs interprétatives et d'illusions cognitives sont aussi nombreux qu'inévitables. Mieux informé des mécanismes neuro-psychologiques sous-tendant certains aspects de sa production littéraire, le lecteur averti pourra donc déjouer plus facilement les pièges lexicaux tendus par Nostredame au néophyte.
3. L'ambiguïté nostradamienne : si male dictio... tum etiam dyslexia
3.1. En convoquant cet auteur «
coutumier à mal parler » Michel de Nostredame ce
mal parlant timide a montré ostensiblement qu'il s'intéressait de près à ces cas très démonstratifs de dyslexie poétique : en "parlant mal" on peut néanmoins se faire comprendre, et peut-être même mieux qu'en s'exprimant dans un langage correct mais sans nuance ni relief. Avec Lucillius, le médecin de Salon faisait ainsi l'apologie d'une boiterie lexicale
un vice digne qui le passionnait ; car il est certain qu'il était lui aussi coutumier à mal parler [
8], ainsi qu'il l'a précisément laissé voir à dessein dans le
préambule
de sa
Paraphrase de Galien, et aussi dans la strophe intitulée
Taciturnité [
9] de son
Orus Apollo Niliacque, compilation versifiée d'une traduction des
Hieroglyphica d'Horapollon écrite entre 1543 et 1545 (soit une dizaine d'années avant la parution officielle des premières
Prophéties), parvenue jusqu'à nous dans un état grammatical et orthographique intact, et sans le secours d'imprimeurs maladroits ou de faussaires débiles.
Fort de ce nouvel avertissement, le lecteur qui souffrira lui-même de s'éloigner le plus loin possible des
ineptos criticos dénoncés dans une célèbre strophe latine [
4], ce lecteur averti saura que les
Prophéties sybillines du médecin bibliophile sont parfaitement, et même savamment, rédigées dans un langage dyslexique, un charabia polyglotte.
3.2. La plupart des experts infaillibles en langues occultes ne prévoient en Nostredame que des anagrammes bancals, un poète mélancolique, un astrophile désastreux, ou l'alibi de faussaires véreux. Mais une lecture attentive de son
Orus Apollo revèle une autre anomalie originale, un leurre jusqu'ici passé totalement inaperçu ; et cette anomalie mérite un examen critique soigneux pour évaluer encore mieux cette vicieuse
taciturnité :
Orus Apollo, II-89 (Nostredame,1545)
Comment ilz signifioient l'homme qui auroit vescu son juste eage.
L'homme qu'auroit acomply son droit eage
Et qu'a vescu jusques au terme parfaict
Signifier nous voulant ce passaige,
Une corneille font metre en vif pourtraict
Car elle vit cent ans de bien long traict,
Cessi vray estre ilz feurent consentens,
L'egiptien an estoit de par tel trait
Qu'il contenoit par lors quatre cens ans.
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Ainsi, Nostredame comptait "
quatre cens ans", là où Horapollon distinguait "quatre cycles révolus" [
τεττάρων ἐνιαυτῶν], le texte grec faisant une nuance entre
ἐνιαυτός (anneau, cycle, période, révolution, année révolue) et
ἔτος (an, année) :
Horapollo, II-89 (Aldes, 1505)
Πῶς ἄνθρωπον ζήσαντα τέλειον βίον
Ἄνθρωπον ζήσαντα τέλειον βίον θέλοντες δηλῶσαι, κορώνην ἀποθανοῦσαν ζωγραφοῦσιν · αὕτη γὰρ ζῇ ἑκατὸν ἔτη κατ' Αιγυπτὶους, τὸ δὲ ἔτος κατ' Αιγυπτὶους τεττάρων
ἐνιαυτῶν.
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(Trad. Van de Walle & Bergote, 1943)
[Comment ils représentent un homme qui a vécu une vie complète.]
Voulant représenter un homme qui a vécu une vie complète, ils peignent une corneille qui meurt : car, au dire des Egyptiens, la corneille vit cent ans et, suivant (le système des) Egyptiens, l'année (ἔτος) est de quatre ans (ἐνιαυτῶν).
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Nostredame est le seul à traduire le grec
τεττάρων ἐνιαυτῶν (quatre ans) par "quatre cens ans", ce qui a pour effet de faire comprendre "quatre siècles", comme si une année valait un siècle (du latin :
sæculum ; en grec :
αἰών : vie, durée de la vie, long espace de temps indéterminé, éternité, âge). On pourrait conclure à une grosse bévue, à un lapsus associé ou non à une dyscalculie, voire à une palimphrasie (ou palilale, répétition involontaire du même mot ou de la même phrase). Aucune des traductions dont l'helléniste de Salon a pu éventuellement disposer
n'a rendu
τεττάρων ἐνιαυτῶν autrement que par "quatre ans" :
Horapollo, II-89
(Trebazio, 1521)
Quomodo hominem qui ad justam aetatem vixerit.
Hominem qui ad legitimam aetatem vixerit significare volentes, cornicem pingunt, vivit enim haec centum aegyptiacos annos annus autem apud Aegyptios est quatuor annorum.
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(Kerver, 1543)
Comment ilz paignoient l'homme vivant l'aage parfaict & acomply.
Voullans signifier l'homme qui a vescu l'aage parfaict & accomply, ilz paignoient une corneille mourant pource que la corneille vit cent ans selon les Egyptiens & l'an Egyptien contient quatre ans.
|
En réalité, nous sommes en présence d'une ambiguïté multiple : par homonymie (ou homophonie), et par assemblage (ou ponctuation), ainsi qu'on pouvait le déduire en 1542 du traité d'Aristote [6], au cas où on aurait manqué la lecture du traité de Galien dans l'édition aldine Des sophismes verbaux (1525, vol. 4, de captionibus quae in dictione consistunt).
3.3. une ambiguïté par homonymie
si l'an égyptien vaut quatre ans solaires, alors les mots "an" ne sont pas synonymes mais homonymes, désignant tantôt une durée de 365 jours et quart (an solaire), tantôt le quadruple (an égyptien). On remarquera que le texte grec dit que la corneille vit en Egypte "cent années" (ἔτος), et que l'an égyptien vaut "quatre ans" solaires (ἐνιαυτῶν). Or Nostredame écrit que la corneille vit "cent ans" et que l'an égyptien vaut "quatre cens ans". Un lecteur un peu curieux pourrait se demander combien d'années solaires vit exactement une corneille dans les
différentes mythologies grecque et égyptienne [10] ; mais était-ce réellement le propos de Nostredame de s'interroger sur cette durée ? ou plutôt d'attirer l'attention sur une ambiguïté qu'il aurait alors remarquée et traduite ?
La raison pour laquelle l'an égyptien valait quatre années solaires était connue de Nostredame [11], tel qu'on le lit aussi dans son Orus Apollo :
Orus Apollo, I-5 (Nostredame, 1545)
Comment l'an ensuivant.
Quant ilz nous veulent monstrer tout ung tenent
Lan ensuyvant font la quarte partie
Dung champs escript lespace contenent
De cent coubdées par vraye symmetrie
An en leur langue par heure my partie
Est QUART nonme pour les deux oriens
Par lastre dict SOTHIS exorient
Pour la distance dung jour la quarte part
Lan du soleil troys cents soixante part,
Cinq jours cinq heures alant au droit sentier,
Dedens les quatre ung habonde a lescart
Quen quatre foys faict un jour tout entier.
|
En résumé, à l'époque où écrivait Horapollon, on savait que la révolution solaire de la Terre faisait trois cent soixante cinq jours et
grosso modo un quart de jour ; donc, tous les quatre ans les astronomes devaient compter un jour supplémentaire [
12]. Et de plus, la lecture du dernier héritier des scribes égyptiens enseigne encore que chez ses lointains ancêtres la surface d'un champ de cent coudées [
13] et le quart d'un jour étaient synonymes pour décrire la durée de leur année.
Rébus hiéroglyphiques.
Dans la langue des anciens Egyptiens, le nombre cent [št ou šnt] est figuré par le signe V1 (une corde représentant une unité de longueur) ; et la fraction 1/4 [ḥsb] par le signe D12 (pupille, homonyme de cercle), ou encore Z9 ou Z10 (une croix, signe de division).
L'année solaire peut s'écrire [ḥsb.t] ou [ḥ3.t-sp], avec les signes M4 (une branche de palmier à encoches, pour mesurer l'écoulement du temps), X1 (pain) et O50 (aire de battage).
Le nom de l'année solaire était une homophonie (ou peut-être seulement une paronymie, une homophonie imparfaite) de [ḥsb], élocution énonçant tantôt simplement la fraction "un quart", tantôt "un quart d'aroure" (encore homophone d'une divinité agraire appelée Heseb "le désarticulé") figuré avec les signes V28 (une mèche de lampe tressée), O34 (un verrou) ou S29 (un vêtement plié), N24 (un terrain irrigué) et Q3 (un siège).
L'aroure, un champ cultivable dont la surface se rapporte à un carré de cent coudées de côté, se prononçait setat (st3.t) représenté par les signes [S29, V13, V2, X1, O39] ou en abrégé par les signes N18 (une étendue sableuse, une île) ou Z8 (un ovale horizontal, déterminant un cercle), ou N37 (N38 ou N39, un bassin, déterminant une terre cultivée) (Sbordone, 1940, p. 10-11 ; Van de Walle & Vergote, 1943, p. 43 ; Grandet & Mathieu, 1998, p. 238, 285 sq.). |
dans le texte de Nostredame le mot "cens" est l'objet d'une ambiguïté : relatif au latin centum, il représenterait une quantité maximale (Greimas & Keane, 1992), comme un an ferme, complet ; relatif au latin censum, l'expression "quatre cens ans" représenterait "quatre ans recensés", bien taillés, "bien comptés", c'est d'ailleurs cette dernière expression qu'on lit dans la strophe Taciturnité [8]. Accordé à l'an égyptien de quatre années solaires, le cens nostradamien représenterait alors l'arrérage, le revenu du capital, comportant la dette d'un quart de jour qui, ajoutée quatre fois au
terme de quatre années solaires, forme un jour entier.
ainsi en II-89, là où Horapollon utilisait une homophonie désignant à la fois une année solaire et le quart d'un champ, un millénaire plus tard Michel de Nostredame a trouvé dans une formule paradoxale, peut-être inspirée de la lecture d'Hérodote [14], une périphrase homonymique exprimant la dette cumulée le cens de quatre quart de jour, ajoutée au capital de quatre ans de 365 jours : en somme, des années qui ont de l'intérêt.
3.4. une ambiguïté par assemblage
les mots an et cens sont donc affectés d'un ambiguité sémantique par homonymie. A cela s'ajoute une autre ambiguïté, par assemblage : en effet, le lecteur assemble naturellement les mots contigus quatre et cens pour former le nombre "quatre cent" (400), alors qu'en accordant cens au mot an, un lecteur plus attentif aux calembours verra qu'un an rapporte un cens valant précisément un quart de jour... Grammaticalement, l'expression "cens ans" est donc un mot composé de deux noms comme "année lumière" ou "mètre carré", de même construction que "goutte crampe" par exemple, jadis orthographiés sans aucun trait d'union, comme encore "chevau léger", "chauve souris", "chat
huant" ou "chat fourré" [15].
Un mot composé est une association de deux morphèmes indépendants permettant d'en former un troisième qui soit un lemme (« mot ») ayant une unité sémantique distincte et dont le sens ne se laisse pas nécessairement déduire par celui des deux constituants. Ainsi, un "mètre carré" est un lemme indépendant de "mètre" et de "carré" dont le sens « unité de surface, d'une surface quelconque » ne peut être deviné à coup sûr.
Souvent, l'un des membres du mot composé est plus déterminant que l'autre, et définit une classe générale précisée par l'autre élément. Cet élément central ou déterminant est nommé tête du mot composé. En français, la tête d'un composé se trouve en général placé en premier, comme dans "mètre carré" pour désigner une unité de mesure qui n'est ni un mètre, ni un carré (bien qu'historiquement pour les arpenteurs il s'agissait de rapporter les surfaces mesurées à celle d'un carré, toutes les figures étant réduites à des polygones, les polygones à des ensembles de triangles, et les triangles à des fractions de rectangles).
Plus rarement, l'élément dominant se trouve placé en second, comme dans "cheval vapeur" pour désigner une unité de puissance mécanique qui n'est pas un cheval (ou comme dans "cheval fiscal" pour désigner une taxe fiscale qui n'est pas applicable à un cheval) ; et c'est aussi le cas de ce mot composé "cens ans" pour désigner une sorte d'intervalle temporel qui est ici, mathématiquement, l'addition d'un nombre fractionnaire (le cens, d'un quart de jour) à un nombre entier de jours (une année de 365 jours). |
3.5. sémiologie des ambiguïtés lexicales dans le corpus nostradamien
3.5.1. En outre, le lecteur est nécessairement invité à comprendre "
quatre cent ans" là où il y a écrit "
quatre cens ans" [
16], eu égard à l'empreinte subliminale laissée par le
consentens (i.e. consentant) de la rime précédente ; la probabilité que cette sorte d'écholalie soit dûe au seul hasard est assez faible, le rédacteur des
Prophéties pratiquant assidûment les répétitions phonémiques, comme son maître Lucillius "
coutumier à mal parler", habile à déblatérer ;
pour résumer, on pourrait penser que Nostredame avait bien vu que le texte grec faisait une nuance entre
ἔτος (365 jours entiers) et
ἐνιαυτῶν (365 jours plus 1/4), et qu'il aurait choisi le mot composé "
cens ans" pour traduire cette nuance lexicale à la faveur d'un écho consentant offert par le "
cent ans" précédent ;
donc à ce stade de l'analyse, on doit se demander pourquoi Nostredame s'est encombré d'un tel luxe d'ambiguïté en créant ce guet-apens lexical puisque associé au nombre quatre le mot composé "
cens ans" est un néologisme cryptique que tout lettré soucieux de clarté bannirait de son langage pour éviter à ses lecteurs des impressions désagréables, voire même très désobligeantes [
7]. Alors, était-ce un jeu savamment recherché à l'adresse des seuls rarissimes érudits ? ou bien était-ce une tendance irrépressible à commettre des lapsus à chaque fois qu'une ambiguïté se présentait à l'hésitation du philologue ?
3.5.2. Un jeu d'écriture savante à l'adresse des seuls rares érudits ? Probablement, si l'on considère seulement les difficultés de lecture en tout genre, mais Nostredame offre un terrain de jeu où l'ambiguïté est secrètement offerte à l'insolent amateur de calembours sophistiqués qui ne serait pas tout honteux ou déshonnoré d'étudier le charabia abscons d'un mystique réputé sulfureux, flairant l'écolier limousin et le
Lexiphane syrien. Car on sait aussi qu'une bonne compréhension des ambiguïtés lexicales n'est accessible qu'avec la participation active de certaines parties du lobe frontal (
Morley, 2004), participation nécessaire à une vie sociale hierarchisée où l'ambiguité des codes
comportementaux est éprouvée en permanence, avec plus ou moins de succès. Il serait donc nécessaire pour réussir une entreprise exégétique du corpus nostradamien où beaucoup ont été insensibles au charme d'une incantation exposée dans la
strophe latine des Prophéties qu'il y ait un juste équilibre entre la gratification procurée par la démystification d'ambiguïtés sophistiquées d'une part, et la déception de croyances utopiques d'autre part.
3.5.3. Une tendance irrépressible aux lapsus ? L'ambiguité chez Nostredame est très souvent recherchée, cultivée [
17] ; et la création de mots composés permet de cultiver cette ambiguité puisque le produit final de la composition est différent de celui de ses constituants, comme dans une charade. Pour satisfaire sa recherche d'obscurité, Nostredame a ainsi beaucoup pratiqué les compositions déroutantes, en particulier sur un modèle antithétique qui a survécu dans le langage moderne (chaud-froid, clair-obscur, douce-amère, aigre-doux, mort vivant, mort né ; cf.
Catach, 1981, p. 259, 262-63, 311-12, 365) ou sur un modèle pléonastique (panacée universelle, démocratie populaire,
saisie-arrêt ;
ibid. p. 273). Ainsi, l'oxymore trope familière dans les
Prophéties est fréquemment représentée :
jeune vieux en IX-55,
nouveau vieux en III-72,
vieux teccon en IX-27,
neuf vieux en X-69,
vif mort en X-15-56,
beauté laydique en IX-78 ; très répandues sont aussi les compositions pléonastiques par synonymie [
18] comme
ruse inventée en IX-87 (
σόφισμα, sophisme, invention, ruse),
fraudulente dole en IV-42 (
δόλος, fraude). Non moins rares sont les compositions de noms propres, assemblant des topononymes comme des éléments de charades :
Mas Esguillon [
18]
pour paraphraser une acropole (mon premier est une maison, mon second un mont, mon tout est la demeure des dieux),
Corynthe Ephese [
19] pour figurer un bâtonnier apostolique (mon premier paraphrase un homme armé d'un bâton, mon second un envoyé, mon tout un évêque). On trouve chez Nostredame d'autres compositions par dérivation, inspirées des modèles hélleniques :
lonole, olestant,
estinique (
ὄν, étant, de
εἰμί, être,
ὅλη, de
ὅλον, le tout, l'Etant tout entier ;
εστίν, il Est) désignent l'Eternel, le Tout-Puissant Etant et Devenant (cf.
Exode,
3:14,
Apocalypse, 1:4-8), ou par translittération de mots hébreux avec
NERSAF en VIII-67 (
רנ NER, lampe, lumière ;
סף SAF, porte, source). Il n'existe aucune raison impérative pour trouver dans ce mot un anagramme, alors qu'on en trouvera facilement beaucoup [
20] pour considérer que
NERSAF est bien un hébraïsme travesti en lettres latines par un polyglotte rompu à la fréquentation des textes apostoliques et patristiques, un illuminé comme Syméon le Théologien, un humaniste passionné lecteur d'Erasme, un dyslexique obsessionnel confondant sans
impertinence "Salut" et "Sauveur", "bon jour" et "à dieu"...
3.5.4. En hébreu, langue natale des ancêtres de Nostradamus, les mots composés associent un premier nom à l'état construit (status constructus) reconnaissable par une réduction de l'accentuation et un second nom à l'état indéfini (status absolutus) pour former une seule unité sémantique, un syntagme dont l'ordre des constituants n'est pas interchangeable. Parfois, pour bien indiquer que les mots sont inséparables, les deux parties du syntagme sont réunies par une copule typographique (non prononcée) : le maqqef (ou macaph), celui-ci rend l'unité sémantique parfaitement visible à la lecture. Ce signe typographique tantôt un simple tiret droit, tantôt un oméga renversé (hyphen) a été repris
au XVIe siècle en français pour donner naissance au trait d'union moderne de certains mots composés (Catach, 1981 ; p. 303), tandis que la plupart des autres mots composés continuaient à conserver tantôt une séparation graphique (sur le modèle latin de la construction génitive), tantôt une particule de liaison ("de" comme dans "pied-de-nez", "à" comme "verre-à-pied") héritée du génitif grec généralement utilisé dans les traductions des textes bibliques. Mais quant le mot composé finit par acquérir une indépendance sémantique fixée par un long usage (ou par fantaisie poétique) plutôt que par règle grammaticale, on peut alors observer une fusion complète
de ses éléments graphiques constitutifs, comme quelques scribes le firent dans une bible hébraïque [21] ; mais l'usage est cependant moins fréquent en latin ou en français qu'en grec ou en allemand (Strohmann, Flitterwochen). Et ainsi, mais pas moins qu'ailleurs, la pratique des mots composés ne saurait échapper à un emploi métaphorique, occasionnel ou cultivé.
3.5.5. Cette disposition psychique aux équivoques n'est pas seulement une affaire d'esthétique littéraire dont l'embaumeur de Salon aurait eu la faculté de jouir librement, car la culture des ambiguïtés est aussi le résultat d'une activité intellectuelle permise par la physiologie cérébrale partagée entre le cortex cérébral orbito-frontal et l'amygdale temporale, et qui n'est pas nécessairement donnée en apanage au
vulgaire profane et aux
ineptes critiques : certaines personnes abhorrent l'ambiguïté, tandis que d'autres l'adorent (
Watzlawick, 1980 ;
Hsu, 2005 ;
Huettel, 2006). Et ceux qui abhorent les ambiguïtés ne sauraient bien les comprendre (
Voltz,
2004, 2005), et encore moins les expliquer en les éludant dans l'ignorance des troubles neuro-psychiatriques, tandis que c'est en cultivant les paradoxes énigmatiques que le
Janus François espérait probablement parvenir à enseigner
ad augusta per angusta une route secrète, escarpée, un
latin passage (
janua) vers sa divine et
Hiraclienne obsession...
3.6. l'ambiguïté Hiraclienne : une sacrée obsession, compulsive ?
Fort des remarques précédentes, le lecteur attentif pourrait alors se demander quelle signification exacte ont certains calembours énigmatiques dans les
Prophéties que rabouta cet élève inattendu de Lucillius :
3.6.1. C'est bien par une compulsion irrépressible, celle d'un mystique agité d'un trouble obsessionnel cliniquement caractérisé (
Fallon, 1990 ;
Lewis, 1994 ;
Fear, 2000 ;
Tek, 2001 ;
Tolin, 2001 ;
Sica, 2002 ;
Abramowitz, 2004), que le mot
cens, figurant une dette, une
rançon, un revenu [
22], ressurgit dans l'expression nostradamienne "
cinq cens". En effet, on apprend dans l'
Orus Apollo de Nostredame que le nombre
cinq représente Dieu, ou la destinée [
23] ; et dans ses
Prophéties, en lisant "
Par cinq cens vn trahyr sera tiltré" en IX-34,
on pourrait se demander à propos si cet autre
cinq cens ne serait pas encore un mot composé, désignant le "revenu" d'un "capital" laissé en friche, en jachère... un
chef de chevance en IV-64, destiné à avoir du crédit [
24]. De même, un dieu destiné à résurrection sera facilement reconnu en VI-2 où, dans "
cinq cens octante plus & moins", le mot
octante (du latin
octans, le huitième) symbolise la résurrection divine chez les chrétiens [
25], et partage l'expression "
plus & moins" entre le nombre Sept, représentant la perfection divine, et le nombre Neuf, la nouveauté, le renouvellement,
la résurrection dans un troisième ciel, celui que l'apôtre Paul appellait paradis [
26] le plus trinitaire de tous les cieux, ceux que le prolixe Nostredame appelle
en tesmoings pour recevoir les martyrs trépassés (cf. grec
μάρτυρος : témoin, et latin
testis, de *
terstis : qui se tient en tiers ;
Ernoult & Meillet) ;
3.6.2. La création de mots composés inattendus est ainsi quasi obsessionnelle chez Nostredame. Cette figure de style originale est réitérée en III-55 avec "
Huict ponts rompus" (
pont rompu en III-81), où
ponts signifie "passages", et
rompus "ouverts" (du latin
ruptus, qui a donné le composé
via rupta : route, ancien français "roupte"), une voie rompue, frayée (de
rumpo, rompre, mettre en déroute, mais aussi labourer, ouvrir une route dans une forêt [
27]. L'expression "
pont rompu" comme pont levis ou pont dormant est donc bien un mot composé [
28] créé par le VerbiCruciste de Salon, signifiant
pont route, un
passage à emprunter pour son crédit ; et les
ponts rompus sont des passages ouverts (
passage à Mahomet ouvert en. I-18
), des routes ouvertes, défrichées pour les seuls initiés ;
3.6.3. Il n'y a pas lieu, comme je l'avais néanmoins récemment exposé dans l'édition précédente, de retenir un trouble dyslexique dans un autre passage de l'
Orus Apollo transcrit par Pierre Rollet de manière erronnée, mais que les auteurs suivants (sauf Guinard et Thonnaz) ont repris sans précaution ni lecture critique, reproduisant fautivement cette version ambiguë : «
Tant seulement par ces cinq tours le monde/ Se vient mouvoir sempiternel et ronde », au lieu de celle-ci : «
Tant seulement par ces cinq tout le monde/ Se vient mouvoir et
dispenser soy mesmes/ Par mouvement sempiternel et ronde. », à la fois plus conforme au texte grec et à l'édition Kerver [
23], ou l'on comprend mieux qu'il s'agit bien des seuls cinq astres errants du monde céleste [
30].
Néanmoins on fera bien de remarquer que le nombre cinq était l'objet d'une tradition mystique très répandue dans l'Antiquité [
29], et que cette numérologie allégorique évoquant ces
quatre cens ans créatifs d'un nouveau jour est loin d'être totalement absente de la mentalité nostradamienne lorsqu'il énonce dans ses
Prophéties le cardinal
cinq, ou l'ordinal
cinquiesme (ex.
Le nom septiesme du cinquiesme sera, en II-88).
3.6.4. Tels sont les rébus nostradamiens. Alors, enchanté de découvrir en
quatre cens comme en
cinq cens un des tours nostradamiens, l'initié laissera tomber le masque des illusions. C'est ainsi qu'il trouvera une homophonie énigmatique de la même facture (i.e.
cens/cent) à un autre endroit de l'
Orus Apollo [
31], permuttant un
y adopté dans
l'édition Kerver de 1543 pour un
i :
Orus Apollo, I-44 (Nostredame,1545)
Comment ilz signifioient le meschant homme ou haisne
Lhomme maulvais plain de meschancete
Ou bien voulant nous signifier lhaisne
Le poysson paignent comme interjecte
Et interdict à la sacre sepmayne
Car son usaige destruict tout vuyde ou plaine
Et prohibe aulx sacres quont nen donne
Car tout poysson destruict tout et aleisne
Et le poysson à poisson ne pardonne.
|
Nostredame est en effet le seul à avoir traduit une anomalie trouvée dans l'édition aldine de 1505, où on lit ce mot
ἰχθηνόν : celui-ci est visiblement une paronymie, une déformation phonétique du mot
ἰχθὺν (poisson) repris par tous les éditeurs suivants. A tort ou à raison là n'est pas la question cet
ἰχθηνόν fautif aurait pu évoquer à l'élève de Lucilius une réminiscence philologique, plus agréable à la fantaisie auriculaire qu'aux règles grammaticales : soit de
ἔκτανον (qui a tué,
aoriste de
κτείνω, tuer), voire de
ἔκθανον (de
ἐκθνῄσκω, et θνῄσκω, mourir, faire mourir), soit de
ἐχθος : haine, inimitié (du verbe
εχθἔ, haïr, détester), employé pour un autre poisson accusé d'inimitié, l'anguille [
32]. A l'appui de cette hypothèse, on trouvera deux arguments de poids : une représentation symbolique ambiguë, et un autre exemple d'ambiguité phonétique du même auteur à propos de la
Taciturnité
[
8].
3.6.5. C'est encore chez Plutarque qu'on pourra le mieux apercevoir la symbolique ambiguë du poisson dans la religion égyptienne : en effet, c'est un oxyrhinque qui avale le phallus d'Osiris tué par Seth : "Il n'y eut que les parties naturelles qu'Isis ne retrouva point, parce que Typhon les avait jetées tout de suite dans le Nil, où elle furent dévorées par le lépidote, le pagre et l'oxyrhinque ; aussi ce sont les poissons que les Egyptiens ont le plus en horreur [...] Les prêtres n'ont pas moins d'aversion pour le poisson, et pour désigner la haine, ils peignent un de ces poissons" (Isis & Osiris, 18, 32). L'oxyrhinque, ou mormyre, est représenté par un phonogramme bilitère h3 prononcé h3.t (identifié par le signe K4), or h3.t
désigne aussi un cadavre (Grandet & Mathieu, 1998, p. 24, 34, 410, 689), telle est donc bien l'homonymie signifiée dans le texte d'Horapollon (cf. II-109) [33]. Parmi les autres poissons cités, le lépidote (cf. Hérodote, II, 72 ; Strabon, XVII, 1- 40, 2-4) correspondrait à une sorte de carpe (Cyprinnus bynni) ou un barbeau (Barbus bynni) prononcé bw.t (K2 ou K5, prononcé rm, synonyme de D9, un il pleurant), désignant ce qui est mauvais, abominable.
3.6.6. Comme mystique chrétien, le traducteur d'Horapollon regrettait peut-être que le
poysson, le pêcheur fautif, ne pardonnât pas à son semblable, le poisson fidèle à son idole
Ιησούς Χριστός Θεού Υιός Σωτήρ.
Nihil obstat, de pouvoir conclure encore une fois sans hésiter que les anomalies lexicales et numérales lues dans le corpus nostradamien ne sont pas le résultat d'une fantaisie désincarnée [
34], mais sont neuro-physiologiquement et génétiquement déterminées (cf. les gènes DCDC2, EKN1, KIAA0319)
d'une part (
Knopik, 1997 ;
Newbury, 2005 ;
Schumacher, 2006), et d'autre part psychologiquement et sémantiquement construites dans un contexte culturel particulier, celui de la grande crise morale et religieuse de la Renaissance.
4. Des maux d'esprit aux mots d'esprit
Dans
Logodaedalia, travaux prospectifs publiés en Septembre 2001, j'établissais que la
comitiale agitation Hiraclienne dont Nostredame avouait lui-même souffrir était bien une épilepsie, qu'on appelait hier "maladie comitiale", "mal d'Héraklès" ou "maladie sacrée" [
35], encore considérée à l'époque comme une manifestation de Satan dont il valait mieux se cacher, et taire si l'on pouvait. D'ailleurs ce genre de considération superstitieuse, socialement disqualifiante, est loin d'avoir aujourd'hui complètement disparu. Quelques critiques avaient déjà évoqué ce diagnostic, cependant avec beaucoup trop de négligence pour en mesurer la portée exacte, comme si toutes les épilepsies se ressemblaient,
et comme si ce trouble neuropsychique était un élément totalement indifférent sinon rédhibitoire pour affecter les qualités des productions mentales, qu'elles soit littéraires, musicales ou pictorales. Cependant depuis déjà un certain temps, on sait bien aujourd'hui que certains troubles neuro-psychiques affectent non seulement les comportements sociaux, mais aussi les productions lexicales (
Giovagnoly, 2005 ;
Hughes, 2005 ;
Thivard, 2005), et devant une telle ire à clé, devant les nombreuses incohérences paraissant orner le discours, un clinicien averti évoquerait probablement avant la pratique systématique d'un EEG et d'une IRM un syndrome neuro-psychiatrique, et parmi les diagnostics possibles, une épilepsie
psychique ou temporo-limbique, qui reste plus que jamais et dans toutes les revues scientifiques [
36] un diagnostic moderne et d'actualité (
Choi, 2006 ;
Fukao, 2006 ;
Soulayrol, 2006). Car les éléments sémiologiques caractérisant un tel syndrome (
Waxman, 1975;
Bear & Fedio, 1977 ;
Geschwind, 1983 ;
Benson, 1991) sont parfaitement identifiables dans l'uvre littéraire du mystique provençal, ainsi parmi une kyrielle d'autres : une hypergraphie, des précoccupations spirituelles surabondantes, religieuses ou philosophiques, une viscosité mentale, une morosité, et une absence d'humour. Cependant, eu égard aux observations présentées
ci-avant (
§3) sur l'emploi des jeux de mots dans l'uvre nostradamienne, ce dernier point sémiologique doit être rediscuté, car il semble que ce n'est pas d'une absence d'humour dont souffrait précisément le médecin de Salon, mais plutôt d'un excès : en réalité pas d'un humour comique, mais d'un excès d'humour tragique. Car en effet, et c'est bien le cas de patients ayant déjà souffert d'une ou plusieurs crises épileptiques comme on le sait de Dostoïevsky (
Alajouanine, 1963 ;
Gastaut, 1984 ;
Baumann, 2005), on ne peut quand même pas demander à un auteur qui aurait fait une expérience de mort imminente au milieu des épidémies de peste ou des guerres civiles d'en
garder obligatoirement un souvenir hilarant à servir aux lecteurs... Ainsi ne devrait-on pas s'étonner que le vécu souvent tragique des expériences ictales laisse des empreintes profondes dans le subconscient émotionnel des patients, et s'exprime parfois de manière obsessionnelle au cours de certains syndromes épileptiques au point d'en ressasser la chronique à longueur de pages, que ce soit dans les localisations temporo-limbiques de la maladie (
Isaacs, 2004 ;
Monaco, 2005), ou frontales (
Levin, 1991 ;
Helmstaedter, 2001). En outre, les deux syndromes épileptique d'une part, obsessionnel d'autre part partagent parfois un même substratum anatomo-physiologique, tant et si bien que lorsqu'on procède à l'ablation chirurgicale
du foyer épileptique concerné, les symptômes obsessionnels disparaissent s'ils existaient (
Kanner, 1997 ;
Barbieri, 2005). Il n'y aurait donc rien de surprenant à ce qu'un patient souffrant d'agitation comitiale, pour peu qu'elle soit aussi Hiraclienne, souffre aussi malgré lui d'un manque d'hilarité, ou d'un excès de morosité, et plus souvent par obsession que par divertissement.
5. En conclusion
5.1. Lue rapidement, on pourrait penser que l'expression de Nostredame
quatre cens ans (pour
quatre ans) est une banale erreur de composition, voire une faute grossière ; néanmoins devant l'accumulation de "fautes" du même genre par le même auteur, on est bien obligé de se demander si cette "faute", commise dans un texte qui n'était peut-être pas destiné à être publié, est volontaire ou non. Si cette "erreur" est involontaire, alors l'alternative pourrait être : soit étourderie fortuite ou aléatoire, soit création dyslexique, inévitable ; mais si la "faute" est intentionnelle ou seulement irrépressible, alors l'étourderie imprévisible n'est plus admissible, tandis que l'anomalie
lexico-phasique reste possible : car on sait qu'une disposition à ce style expressif ne disparaît jamais complètement, et qu'il n'est pas indispensable de se forcer ni pour le produire, ni pour l'entendre, mais qu'il est plus difficile à comprendre [
37].
5.2. L'existence des mêmes anomalies linguistiques dans toutes les uvres de Nostredame montre qu'il ne s'agit pas seulement d'un trouble passager uniquement réservé au genre prophétique et cryptique de leur auteur, mais bien plutôt d'une disposition naturelle irrépressible à s'exprimer d'une façon singulière et inhabituelle, et même poétique, puisque l'écriture poétique même est une violation permanente des codes du langage (
Cohen, 1966). Dans cette perspective, un critique qui se veut averti devrait savoir que les métaphores ne sont jamais des expressions à lire
stricto sensu, mais demandent une exégèse souvent éloignée des évidences matérielles, quand elles sont inédites et inusitées, des
arcanes littéraires ou historiques. On en concluera, pour qui voudrait comprendre, traduire, ou même enseigner ce qui intéresse principalement un public naïf à savoir les
Prophéties qu'il est donc aussi indispensable d'étudier cliniquement les uvres non prophétiques du médecin de Salon.
Et si la poésie de Nostredame est encore aujourd'hui incompréhensible aux lettrés les plus savants puisque parsemées dans toute son uvre les traces de confusion lexico-sémantique leurs paraissent mystérieusement inexistantes, alors il devient indispensable de retenir le diagnostic d'un trouble spécifique du langage (
Catts, 2005 ,
van Weardenburg, 2006) le premier cas historiquement auto-documenté , ainsi que le timide médecin de Salon l'a laissé entendre à dessein en exaltant dans la
Paraphrase de Galien un
vice digne, comparable à celui de Lucillius, auteur
coutumier à mal parler, habile à bien vitupérer comme à déblatérer
[
38].
5.3. Enfin, en ajoutant le témoignage de Taxil [
39] faisant de Nostredame un enfant dysphasique, à ceux de Chavigny [
35,
40] décrivant son maître comme un homme « taciturne ... parlant peu ... aimant la liberté de langue ... facétieux, mordant en riant » (
mordax disait Velius à propos de Lucillius), on voit mal comment cette hypothèse diagnostique confinant maintenant à une quasi certitude tellement les preuves surabondent pourrait être contredite sans une démonstration dûment documentée. Cette étrange déficience linguistique longtemps méconnue explique aussi en grande partie toutes les innombrables tentatives d'exégèses ratées, menées
par des profanes totalement étrangers aux sciences de Galien et de Carroll réunis. Et cette compulsion à
mal parler du médecin polyglotte commande donc l'exigence d'une lecture psychiatrique et psycho-linguistique du corpus nostradamien. Que le public innocent et de malice ignorant soit alors éloigné de ces «
ineptes translateurs » «
omnesque Astrologi, Blenni, Barbari » inaptes à reconnaître ses obsessions mystiques tel était la protestation d'un humaniste de la Renaissance pris d'une indicible passion spirituelle.
in Logodaedalia, le 15 Juillet 2006.
révision le 15.08.06, note 19
révision le 31.08.06, aux § 1.2 ; 3.5.2 ; 3.5.5 ; 3.6.4 ; 5.3
révision le 27.09.06 aux § 3.6.3 ; 3.6.4 (remerciements au Dr. P. Guinard pour ses remarques).
NOTES
[
1] Epigramme XI-408 dans la collection dite de Planude (
Aubreton, 1972, p. 46-51).
[2] Selecta epigrammata graeca latine versa... ; cité par Dupèbe (Lettre XXVII du 15 Juillet 1561) : « In epigrammate quodam Graeco scribit Alciatus certamen ortum de artis praestantia inter scriptorum et pictorem, quorum alterum appellat Phaedrum, alterius ne nomen quidem memini, et liber non est ad manum. Interea, dum pictor terebat colores, PHAEDRUS DESCRIPSIT MAGNAM PROTINUS ILLI 'ΑΠΟΧΑΝ hoc est fugit, quia certamen erat, SED QUOD VEL VITAM VEL FERAT INTERITUM »). Cependant, comme l'a cru Dupèbe à tort, Nostredame n'a pas inventé pas le deuxième vers (Sed quod vel vitam...) mais l'a cité d'après Politien (Liber epigrammatum, Operum
tomus secundus, 1545, p. 284) :
In Herculeum & Antæum, è Græco.
Incaluere animis dura certare palæstra,
Neptuni quondàm filius atque Iouis :
Non certamen erant operoso ex ære lebetes,
Sed quod vel vitam vel ferat interitum :
Occidit Antæus Ioue natum viuere fas est,
Estq; magistra Pales Græcia, non Lybia. |
Ce deuxième vers latin (
Sed quod vel vitam...) a probablement été cité pour amplifier le premier (
Phaedrus descripsit...) en rappelant la polysémie du mot grec
ἀποχή (distance, abstinence, quittance, reçu) de
ἀπέχω (tenir éloigné, s'abstenir, recevoir comme son dû) car la mort succède à la vie comme parfois la déception à l'espoir, eu égard aux (bonnes) nouvelles que les lecteurs voudraient pourtant attendre d'un horoscope (défavorable) écrit par un artiste sur un billet... car c'est bien ce regret qu'exprime la suite de la lettre : « Pour la fin de 1566, comme pour 1577, je prévois des choses terribles pour votre maître
; je vois aussi beaucoup d'événements fâcheux pour son année climatérique...» résume rapidement Dupèbe, mais sans remarquer l'allusion.
En outre, l'épigramme 233 ne figure pas dans l'ouvrage de Velius, mais dans l'édition 1529 avec la
traduction d'Alciat (augmentée de deux derniers vers adventices reproduits dans le texte grec) : «
Acta notans Phaedrus, pictor quoque pignore certat/ Rufus, uter citius scribat, uter proprius./ Sed dum concretas terit hic, soluitque colores,/ Descripsit uariam protinus ille apocham/ Sorte pedes, palmasque pari si Phaedrus haberet/ Nullius certans pictor erat capitis : Phèdre l'avoué et le peintre Rufus ont fait un concours : qui des deux réalisera au plus vite copie plus conforme ? Tandis que Rufus s'affairait à broyer ses couleurs, Phèdre avait déjà pris et reproduit, en faux, une quittance. » (
Aubreton, 1972).
[
3] Anthologie grecque,
Aubreton, 1972 (Edition des Belles Lettres).
[
4] Cf. la strophe latine ajoutée à la fin de la sixème Centurie "
Legis cantio contra ineptos criticos". Voir mon analyse critique :
http://www.logodaedalia.com/cantio.htm
[
5] Epistolarum Liber, C. Vrsini Velii, ad Ianvm Zvolam Morauum epistola Satyrica. (in
Poematum liber quinque, 1522).
Inficis ora, dies nunquàm tinctura seniles
Nunquàm rugosas explicitura genas.
Desine iam stibio faciem depingere totam
Ne larvam, haud faciem quis putet esse tuam.
Nil reliquum quæ est hæc dementia : nam neque fucus,
Nec cerussa Helenen fecerit ex Hecuba. |
http://www.uni-mannheim.de/mateo/camena/urs/jpg/s109.html
http://www.uni-mannheim.de/mateo/camena/urs/ursinuspoemata.html
[
6] Sont connues plusieurs éditions d'Alexandro Paccio (
Aristotelis poetica, 1536-37-38-42...). « La première édition de la
Poétique a été donnée par Alde Manuce, dans sa collection des
Rhetores graeci Venise, 1508, in-8°, vol. I, p. 269-286. Dix ans auparavant parut, à Venise aussi, la traduction latine de Georges Valla. Dès 1481, Hermann Alemannus avait publié, dans la même ville, une traduction latine de celle du philosophe arabe Averroès. Le principal commentateur de ce texte, au XVIe siècle, a été Pierre Vettori, dont le travail (
Commentarii in primum librum Aristotelis de arte poetarum, Florence, 1560, in-fol.), a été complété, mais non surpassé. » (Ch-E. Ruelle, 1882).
Celle de Barthélémy de Saint Hilaire en 1858 (
Poétique) :
XXI. §4. La métaphore consiste à transporter le sens d'un mot différent, soit du genre à l'espèce, soit de l'espèce au genre, soit par analogie. §5. Je m'explique. Ainsi, du genre à l'espèce comme dans cet exemple : "Le vaisseau que je monte est enfin arrêté". Entrer au port, c'est pour un vaisseau s'arrêter. §6. De l'espèce au genre, comme dans cet exemple : "Ulysse a fait cent fois des actions bien belles". Cent fois veut dire beaucoup ; et l'on prend ici ce mot au lieu de l'autre. §7. De l'espèce à l'espèce : "Au guerrier par le fer il arrache la vie" ; ou bien : "Par son fer tout sanglant, il lui tranche la vie". Le poète prend arracher pour trancher, et trancher pour arracher
; car ces deux mots signifient enlever. [...] §11. Le mot forgé est celui qui, n'ayant jamais été employé par personne, est
inventé par le poète lui-même. Il y a de ces mots en grec ; et l'on pourrait citer, ce semble,
Hernygas au lieu de
Kérata, pour signifier
Cornes, et
Arêtêra au lieu de
Hiéréa pour signifier
grand prêtre. §12. Le mot allongé est celui auquel on donne une voyelle plus longue que la voyelle propre, ou auquel on ajoute une syllable. Le mot raccourci est celui d'où l'on retranche quelque chose. Mot allongé, en grec,
Poleôs, qui devient
Polêos (de la ville) ;
Pêleidon qui devient
Pêlêiadeô (du fils de Pelée) ; mot raccourci, en grec,
Kri, Dô, Ops,
pour
Krithê, Dôma, Opsis, comme dans ce passage : "
Mia guignétai amphotérôn ops : Tous les deux n'ont plus qu'une figure". §13. Un mot altéré est celui où l'on garde une partiedu mot reçu, et où l'on change une autre partie. Ainsi dans ce passage : "
Dexitéron kata mazon : à la mamelle droite", le poète a dit
Dexitéron au lieu de
Dexion, qui est le mot usuel.
XXII. §2. L'expression est brillante, et se distingue du langage vulgaire, en empruntant des mots étrangers, c'est-à-dire des mots d'idiômes particuliers, des mots métaphoriques, des mots allongés, et tous ceux qui ne sont pas les mots propres. §3. Mais si le style se compose tout entier de ces locutions, ce ne sera qu'une énigme ou un langage barbare :
avec des métaphores, une énigme indéchifrable ; avec des locutions étrangères, un barbarisme perpétuel. L'idée même de l'énigme, c'est de présenter des impossibilités apparentes, tout en ne disant que le vrai. §4. On ne peut produire cette illusion par l'emploi des mots dans leur sens et leur combinaison ordinaires ; mais on le peut sans peine en employant la métaphore. Tel est
ce vers : "Vois l'homme au feu collant l'airain sur un autre homme", et autres phrases aussi énigmatiques. Les mots étrangers forment le barbarisme.
XXV. §14. Quant aux critiques qui s'adressent au style, voici les réponses qu'on peut y faire. §15. On justifie le poète en disant qu'il s'est servi d'une expression de dialecte étranger, quand il a dit : "
Oureâs men prôton". Par le mot d'
Oureâs, il n'a pas désigné peut-être les
mulets, mais les
sentinelles. Quand il a dit que Dolon était vilain d'aspect,
Eidos men eên kakos, il n'a pas voulu dire qu'il eût le corps contrefait ; il a voulu dire seulement que les Crétois se servent du mot eidos, disant
eueidès pour
euprosôpos. Enfin, quand il dit :
Zôrotéron kéraié, il ne veut pas exprimer par le mot
Zôrotéron du vin pur comme celui qu'on offrirait à
des ivrognes ; mais il veut dire seulement : "Verse vite du vin". [...] §19. Parfois, on peut se rejeter sur la
ponctuation, comme dans ce vers d'Empédocle : "
Aipsa dé thnêt' éphuonto, ta prin mathon athanat' einai, Zoâ té prin kékrito,..." où le sens varie selon que l'on met la virgule avant ou après
té prin ; parfois sur l'amphibologie, comme dans ce vers : "
... parôchêken dé pléôn nux" où
pléôn peut offrir un sens ambigu ; parfois sur l'usage, qui consacre une expression fautive ; ainsi l'on appelle
vin un simple mélange d'eau et de vin ; et l'on dit de Ganymède qu'il versait du vin aux Dieux, quoique les Dieux ne boivent pas de vin. En vers, on a dit : "une bottine d'étain neuf"
; et l'on appelle
chalkéas, Ouvriers en airan, ceux qui travaillent le fer. On peut rapporter toutes ces licences à la métaphore. §20. Quant un mot semble pris à contre-sens, il faut
examiner en combien d'acceptions il peut être entendu sous la forme où on l'a employé. Ainsi, dans ce vers : "
... tê rh' eschéto chalkéon enchos",
Tê est pris dans le sens de
Tautê : "Par cette lance d'or", qui arrête le javelot dont parle poète. §21. Le mot qui a plusieurs significations différentes peut aussi prendre celle-là, et l'on peut croire que
Tê signifie : "à l'opposé, vis à vis". Mais ici l'on peut se rappeler le mot de Glaucon : « Il y a des gens, dit-il, qui se font à l'avance une opinion
absurde, et qui raisonnent d'après la condamnation qu'ils ont portée préalablement. On croirait qu'ils se sont dit : "Voilà mon avis, et qu'ils attaquent ensuite tout ce qui est contraire à leur sentence et à leur préjugé". » §23. En général, il faut excuser ce qu'on peut trouver d'impossible dans les fictions, en les rejettant soit sur les licences de la poésie, soit sur la recherche d'un mieux idéal, soit sur l'opinion commune. En poésie, peut-on dire, la règle est de préférer l'impossible qui est vraisemblable au possible qui ne l'est pas [...].
Cf. Galien,
Des sophismes verbaux.
[
7] Et c'est bien un processus de soumission-identification à une puissance anthropomorphique suprême qu'illustre cette annonce trouvée dans un texte religieux l'
Evangile de Jean fondant le concept historique de communion chrétienne : « Ce jour là, vous comprendrez que je suis en mon Père, et vous en moi, et moi en vous » (14, 20), « Que tous soient un, Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu'eux aussi soient un en nous » (17, 21), etc.
[
8]
Certains critiques cités dans le Répertoire Chronologique Nostradamique (Benazra, 1990, Ed. La Maisnie, p. 26) ont trouvé la Paraphrase de Galien si incompréhensible qu'elle n'aurait même pas valu la peine d'être lue : « Je ne vis dans cette traduction souvent presque inintelligible, même avec le secours du latin, qu'une suite d'offenses à la grammaire et au sens commun, de contresens faits à plaisir, et d'omissions qui brisent le fil de la pensée, dans le but évident de révolter le lecteur et de se faire passer pour un fou ». (F. Buget, Bulletin du bibliophile, 1861, pp. 395-412). « Le style du traducteur est absurde,
et n'offense pas moins le sens commun que la grammaire. » (J.-Ch. Brunet, Manuel du Libraire, t. IV, col. 106).
[
9]
Horapollon, I-28 :
(
Aldes, 1505)
: Πῶς ἀφωνίαν. Ἀφωνίαν δέ γράφοντες, ἀριθμὸν ͵αϞέ γράφουσιν, ὃς τριετοῦς ἐστι χρόνου ἀριθμός, ἐκ τριακοσίων ἑξήκοντα πέντε ἡμερῶν τοῦ ἔτους ὑπάρχοντος,
ἐφ' ὃν χρόνον μὴ λαλῆσαν τὸ παιδίον σημειοῦται ὡς παραπεποδισμένον τῇ γλώσσῃ.
(
Van de Walle & Vergote, 1943) :
Comment ils écrivent l'aphonie. Voulant écrire l'aphonie, ils écrivent le nombre 1095 qui représente le nombre de jours renfermé dans trois années, l'année se composant de 365 jours. Si au bout de ce temps un enfant ne parle pas, on le considère comme ayant la langue entravée.
(
Kerver, 1543) : Comment ilz escripvoient le taire ou silence. Pour la signification du taire & silence ilz escripvoient le nombre de M.LXXXXV. abrege qui est le nombre de troys ans, a compter troys cens soixante cinq jours pour chascun an, voulans entendre que de ce temps de troys ans l'enfant ne parle point & combien qu'il ait la langue, si n'en a il pas l'usaige.
[
10] Horace (
Odes) : «
annosa cornix : la corneille chargée d'ans » (III, 17) ; «
cornicis uetulae : la corneille séculaire » (IV, 13).
Oppien (
De la chasse, III, 117) : «
πολύζωοί τε κορῶναι : la corneille qui vit de si nombreuses années ».
Ovide (
Les Amours, II, 6, 36) : «
Vivit et armiferae cornix invisa Minervae; Illa quidem seclis vix moritura novem : la corneille haïe par la belliqueuse Minerve peut vivre plus de neuf siècles ».
Phèdre (
la corneille et la brebis) : «
ideo senectam mille in annos prorogo : pour cela je prolonge sur mille ans ma vieillesse ».
Isidore (
Etymologies, XII, 7, 44) : «
Cornix, annosa avis, apud Latinos Graeco nomine appellatur ».
Aristophane (
Les oiseaux, 609) : «
οὐκ οἶσθ' ὅτι πέντ' ἀνδρῶν γενεὰς ζώει λακέρυζα κορώνη : cinq âges d'homme vit la corneille criarde ».
Hésiode (cité par Plutarque et Pline) : « la corneille croassante vit autant que neuf générations d'hommes à la fleur de l'âge ».
Plutarque (
Moralia,
de oraculum defectu, IV, 1, 3) : «
Ἐννέα τοι ζώει γενεὰς λακέρυζα κορώνη ἀνδρῶν ἡβώντων »
Pline : «
Hesiodus, qui primus aliqua de hoc prodidit, fabulose, ut reor, multa hominum aevo praeferens, cornici novem nostras attribuit aetates, quadruplum eius cervis, id triplicatum corvis, et reliqua fabulosius in phoenice ac Nymphis. [...]
quae omnia inscitia temporum acciderunt. annum enim alii aestate determinabant et alterum hieme, alii quadripertitis temporibus, sicut Arcades, quorum anni trimenstres fuere, quidam lunae scenio, ut Aegyptii. itaque apud eos et singula milia annorum vixisse produntur : Hésiode qui le premier a écrit quelquechose la-dessus, contant, je crois, beaucoup de fables sur la vie humaine, a attribué neuf de nos âges à la corneille, le quadruple de la corneille au cerf, le triple du cerf au corbeau, et fait des calculs encore plus fabuleux pour le phénix et les Nymphes. [...] Tout cela
est le résultat de l'ignorance des mesures du temps. En effet, les uns faisaient une année de l'été, et une autre de l'hiver ; les autres faisaient une année de chaque saison, comme les Arcadiens, dont les années étaient de trois mois ; quelques-uns les réglaient par les révolutions lunaires, comme les Egyptiens, aussi dit-on que parmi eux quelques hommes ont vécu même des milliers d'années » (
H.N., VII, 48).
[
11]
Horapollon, I-5 :
(
Aldes, 1505)
: Πῶς τὸ ἐνιστὰμεον ἔτος. Ἔτος τὸ ἐνιστὰμεον γράφοτες, τέταρτον ἀρούρας γράφουσιν. ἔστι δὲ μέτρον γῆς ἡ ἄρουρα πηχῶν ἑκατόν · βουλόμενοί τε ἔτος εἰπεῖν,
τέταρτον λέγουσιν, ἐπειδή φασι κατὰ τὴν ἀνατολὴν τοῦ ἄστρου τῆς Σώθεως, μέχρι τῆς ἄλλης, τέταρτον ἡμέρας προτίθεσθαι, ὡς εἶναι τὸ ἔτος τοῦ θεοῦ τριακοσίων ἑξήκοντα
πέντε ἡμερῶν (καὶ τετάρτου) , ὅθεν καὶ διὰ τετραετηρίδος περισσὴν ἡμέραν ἀριθμοῦσιν Αἰγύπτιοι · τὰ γὰρ τέσσαρα τέταρτα ἡμέραν ἀπαρτίζει.
(
Van de Walle & Vergote, 1943) : [
Comment ils représentent l'année en cours.] Quand ils veulent écrire l'année en cours, ils écrivent le quart d'une aroure. L'aroure est une mesure de superficie équivalant à cent coudées. Quand ils veulent dire « l'année », ils disent « le quart » ; car ils prétendent que depuis un lever de l'étoile Sothis jusqu'au lever suivant vient s'ajouter un quart de jour, de façon que l'année du dieu est de 365 jours <et un quart> ; c'est pourquoi les Egyptiens comptent un jour de plus tous les quatre ans, car ces quatre quarts forment un jour (entier).
(
Trebazio, 1521) :
Quomodo annum insequentem. Annum insequentem significantes quartam partem arvi describunt. Est autem arvum mensura terrae cubitorum centum, volentes autem annum dicere, quartum dicunt, quoniam, ut perhibent, ab ortu astri, quod sothidem vocant, ad alium ortum interest diei pars quarta. Et esse annum solis dierum trecentorum, et quinque supra sexaginta. Unde quarto quoque anno diem superfluum aegyptii adnumerant. Quater enim pars quarta diem complet.
(
Kerver, 1543) : Comment ilz signifioient l'an ensuyvant. Ilz figuroient la quarte partie d'une espace de champ dict aruum qui contient cent coubdees car en leur langue ilz appellent l'an quart pource que ainsi qu'ilz dient d'un lever de l'estoille appellee par eulx Sothis à l'autre il y a distance de la quarte partie d'ung jour, & comme l'an du soleil soit de trois soixante cinq jours, & ung quart de jour : au bout de quatre ans se trouve ung jour superhabondant car quatre fois la quarte partie de jour faict ung jour entier.
Le commentaire de Gardiner sur Horapollon I-5 semble nuancer la traduction du grec
ἐνιστὰμεον (latin
insequentem) par un mot en composition (
regnal year) pour distinguer le mot ordinaire "année" d'un autre plus savant, dédié : « It is at least clear from the combined evidence of the Edfu writings and of the word for quarter-aroura that the Egyptians possessed a word for regnal year, reckoning
Hsp among its consonantal constituents. » (
The Reading of the Word for Regnal Years, Journal of Near Eastern Studies, 1949, vol. 8, pp. 165-171, erratum 364).
[
12] C'est aussi ce que Nostredame pouvait lire dans le latin de Censorinus (
De die natali, XVIII, 10) : «
Ad Aegyptiorum vero annum magnum luna non pertinet, quem Graece κυνικον, Latine canicularem vocamus, propterea quod initium illius sumitur, cum primo die eius mensis, quem vocant Aegyptii Θωθ
, caniculae sidus exoritur. Nam eorum annus civilis solidus habet dies CCCLXV sine ullo intercalari; itaque quadriennium aput eos uno circiter die minus est, quam naturale quadriennium; eoque fit ut anno MCCCCLXI ad idem revolvatur principium. Hic annus etiam heliacos a quibusdam dicitur, et ab aliis θεου ενιαυτος : Les Égyptiens, dans la formation de
leur grande année, n'ont aucun égard à la lune appelée par les Grecs
κυνικον, par les Latins
canicularis, pour la raison qu'elle commence avec le lever de la canicule, le premier jour du mois que les Égyptiens appellent
thoth. En effet, leur année civile n'a que trois cent soixante-cinq jours, sans aucune intercalation. Aussi l'espace de quatre ans est-il, chez eux, plus court d'un jour environ que l'espace de quatre années naturelles ; ce qui fait que la correspondance ne se rétablit qu'à la quatorze cent soixante et unième année. Cette année est aussi appelée par quelques-uns héliaque, et par d'autres l'année de Dieu. ».
[
13] L'aroure ne "contenait" pas "cent coudées" mais dix mille : un carré de cent coudées de coté (100 x 100 = 10.000) ; l'expression utilisée par Horapollon et ses traducteurs désignait le côté du carré servant à calculer la surface : un carré de cent coudées de côté était dit "contenir" cent coudées.
[
14]
Hérodote (II-109) :
κατανεῖμαι δὲ τὴν χώρην Αἰγυπτίοισι ἅπασι τοῦτον ἔλεγον τὸν βασιλέα, κλῆρον ἴσον ἑκάστῳ τετράγωνον διδόντα, καὶ ἀπὸ τούτου τὰς προσόδους ποιήσασθαι, ἐπιτάξαντα
ἀποφορὴν ἐπιτελέειν κατ' ἐνιαυτόν. Εἰ δὲ τινὸς τοῦ κλήρου ὁ ποταμός τι παρέλοιτο, ἐλθὼν ἂν πρὸς αὐτὸν ἐσήμαινε τὸ γεγενημένον · ὁ δὲ ἔπεμπε τοὺς ἐπισκεψομένους καὶ ἀναμετρήσοντας
ὅσῳ ἐλάσσων ὁ χῶρος γέγονε, ὅκως τοῦ λοιποῦ κατὰ λόγον τῆς τεταγμένης ἀποφορῆς τελέοι. Δοκέει δέ μοι ἐνθεῦτεν γεωμετρίη εὑρεθεῖσα ἐς τὴν Ἑλλάδα ἐπανελθεῖν. Πόλον μὲν γὰρ καὶ
γνώμονα καὶ τὰ δυώδεκα μέρεα τῆς ἡμέρης παρὰ Βαβυλωνίων ἔμαθον οἱ Ἕλληνες. Ce roi, disaient les prêtres, partagea le sol entre tous les Egyptiens, attribuant à chacun un lot égal aux autres, carré ; et c'est d'après cette réparition qu'il établit ses revenus, imposant qu'on s'acquittât d'une
redevance annuelle. S'il arrivait que le fleuve enlevât à quelqu'un une partie de son lot, celui-là venait le trouver et lui signalait ce qui s'était passé ; lui, envoyait des gens
pour examiner et mesurer de combien le terrain était amoindri, afin qu'il fut fait à l'avenir une diminution proportionnelle dans le
paiement de la redevance fixée. C'est ce qui donna lieu, à mon avis, à l'invention de la géométrie, que des Grecs rapportèrent dans leurs pays. Car, pour l'usage du polos, du gnomon, et pour la division du jour en douze parties, c'est des Babyloniens que les Grecs les apprirent.
(Trad. L. Valle, 1494 ; f° XXVII v°) :
Propter haec Ægyptus incisa est , & ab hoc rege, ut dicebant, regio in omnes Ægyptios dispartita, soli quadrati æqua portione viritim per sortem data : atque hinc proventus institui, imposita certa pensione, quam illi quot annis solveret. Quod si cujus portionem alluvione flumen decurtasset, is adiens regem, rei quae contigerat certiorem faciebat. Rexque ad praedium inspiciendum mittebat qui metirentur quanto minus factum esset, ut ex residuo pro portione taxatum vectigal penderetur : atque hinc geometria orta mihi videtur in Graeciam transcendisse. Nam polum & gnomonem, & duodecim diei partes a Babyloniis didicerunt.
(II, 168) :
ἡ δὲ ἄρουρα ἑκατὸν πηχέων ἐστὶ Αἰγυπτίων πάντῃ, ὁ δὲ Αἰγύπτιος πῆχυς τυγχάνει ἴσος ἐὼν τῷ Σαμίῳ. L'aroure contient cent coudées d'Égypte en tout sens ; et la coudée d'Égypte est égale à celle de Samos.
(Trad. L. Valle, 1494 ; f° XXXIIIIv°) :
Est autem agri [arura] centum cubitorum Ægyptiorum quoquoversus.
[
15] Histoire des mots composés.
(
Catach,
Dictionnaire historique de l'orthographe française, 1995 ; p. 1177) : « Le trait d'union des composés était inconnu en ancien français, très peu utilisé au XVIe siècle (il n'apparaît pas chez Estienne, et il est rare chez Nicot), et même au XVIIe siècle. [...] Suivant l'usage général de son temps, Robert Estienne utilise soit la soudure, soit le blanc, soit, exceptionnellement, l'apostrophe (
s'entr'aimer), mais il ignore le trait d'union. [...] C'est Thierry (1564) et, un peu plus nettement Nicot (1606) qui introduisent les premières séparations par le trait d'union. ».
(
Nicot, 1606) :
Beau pere, Socer.
Belle mere, Socrus.
Beau frere, ou frere du mari, Leuir. [...]
Belle soeur, Glos.
¶Cheval ... Chevaux legiers, Ferentarij equites. B. ex Sallustio.
¶Ratepenade, quasi mus pennatus,
Autrement Chauve souris, Vespertilio.
¶Fresaye, Strix strigis.
Aucuns l'appellent Effraye pour ce que de nuict en volant cet oiseau fait un cry effroyant, et le nomment pareillement, Fur nocturnus, et Caprimulgus, nimirum a capris noctu mulgendis,
Petit chat huant.
¶
Loup cervier, Ceruarius lupus.
C'est un chat sauvage grand comme leopard, dont la pane est de grand pris et requeste envers les grands seigneurs.
¶Chahuant, m. acut.
Est une espece d'oiseau, qui va voletant et huant de nuict, duquel chant huant il est ainsi nommé, car son chant n'est que hu et cry piteux : pour laquelle cause les Latins l'ont appelé Vlula, tiré comme Servius dit, de ce mot Grec ολολυζειν,
qui vaut autant que pleurer, gemir, et hurler, comme si vous disiez chahurlant. Ils l'ont aussi appelé Noctua, parce qu'il ne chante et ne erre que la nuict. Ils l'ont aussi nommé Bubo, par onomatopée, representans le chant d'iceluy par ce nom, et dient que cest oiseau est feral et funebre, pour estre tenebreux et nocturne et effrayant : et à ceste occasion tenoit on anciennement son chant pour presage de calamité future, mesmes par mort de maladie. [...]
De ce que dessus se voit que de l'appeler chathuant, et pour la difficulté de la prolation Francoise en l'aspiration H apres la consone, dire que Chahuant est fait de chathuant, il n'y a pas raison grande veu que ceste particule cha, est ailleurs commune au Francois, comme en ces mots chatouille, chatfourré, chafouyn, esquels le mot de chat n'a que veoir.
¶Guet appensé, ou à pensé,
n. qu'on dit Guet appens, ou à pens, par apocope, signifie embusche premeditée, pourpensée, Insidiae praemeditatae, ex consulto et praeparato structae
. Il se prend aussi pour le delict commis et perpetré par voye de telle embusche, Scelus, facinus meditato perpetratum
, comme, C'est un guet appensé, ou à pens, et se prend tousjours en mauvaise part pour un vilain cas commis, apres longue menée et deliberation faite et euë sur iceluy, Crimen conspirato admissum, De quo quis diu agitauit, cogitauit
. Et n'est, à bien le considerer, un mot seul, ne deux aussi, ains sont trois mots desquels est faite cette locution, à sçavoir Guet à pens, et le dernier d'iceux estoit anciennement en commun et frequent usage, pour dire pensée. Rigauld de Berbezill
en une sienne chanson : Tan m'abelis lamoros pensamens, Que ses venguts en mon fin cor assire, Que no i pot nuils autre pens caber.
(Rabelais, 1532) : Le Chat fourré des Procureurs (
in Pantagruel, chap. VII).
[
16] au XVIe siècle, on admettait les deux orthographes "cent" et "cens".
Cf.
Nicot, 1606 :
L'an cinq cens et cinq, Anno vrbis quingentesimo quinto. /.../
Avoir deux cens ans accomplis, Annos ducentos explere.
[
17] Par exemple, Nostredame emploie "
trois hommes" pour
triumvir signifiant «
Concordia insuperabilis, Tergeminos ... uno dicti nomine Geryonis » chez Alciat comme
trois freres en VIII-17-46 et IX-36,
trois grands en I-31,
tres grand Roy en VII-15 : trimégiste, trois fois très grand, formule copiée sur les composés grecs avec l'augmentatif
τρίς, comme
τρισάθλιος, trois fois malheureux,
τρισάωρος trois fois hors de saison,
τρισκατάρατος, trois fois maudit,
τρίσμακαρ,
trois fois bienheureux,
τρισόλβιος trois fois heureux (
Bailly, 1950). Un humaniste pouvait lire cela, et même bien davantage, dans un traité de grammaire française édité en 1531 par un confrère de Nostredame ayant étudié à Montpellier, cité dans le Proeme de l'
Excellent & Moult utile opuscule (à la page 13 sous le nom de Jacques Sylvius) :
«
Nous usons aussi d'une périphrase au superlatif, à l'aide du positif et de l'adverbe grec
τρίς,
tres, dans le sens de
ter <trois fois>, en imitant les Grecs. En effet, on a
τρισόλβιος,
τρισευδαίμων,
τρισκακοδαίμων,
τρισκατάρατος,
τρισαπότμος , et d'autres fort nombreux partout chez Homère, Lucien, Aristophane, Théocrite et d'autres encore, pour
terbeatus <trois fois
heureux> ou
beatissimus <très heureux>,
fortunatissimus <très heureux>
infortunatissimus <très infortuné>
ter maledictus <trois fois maudit>,
durissimus <très dur>. Strabon aussi, commentant cet hémistiche d'Homère [
Odyssée, V. 306] : trois fois le jour il revomit, écrit qu'un tel superlatif est employé de tous, d'où Homère dit : trois fois heureux les Danaens, trois fois sensibles aux prières, trois fois et quatre fois heureux. (
Dubois, 1998 ; trad. C. Demaizière).
[
18]
Cf. mon analyse des synonymies pléonastiques dans
www.logodaedalia.com/touphon.htm
[
19]
Ephèse, cf. grec
ἔφεσις action de lancer, jet, trait, appel en justice, élan, désir, de
ἐφίημι envoyer vers, contre, (se) permettre, accorder, ordonner, recommander ; rappelle Ephyra (
Ἐφύρα), l'ancien nom de Corinthe, et encore les éphores, premiers magistrats de Lacédémone (cf.
ἔφορος surveillant, chef, présidant à l'immolation des victimes ;
Bailly, 1950).
Corinthe, cf. grec
κορύνη, bâton, massue, bourgeon, cf.
κορυνήτης,
homme armé d'une massue.
Les jeux de mots sur les toponymes ont toujours été pratiqués, très fréquents à la Renaissance, ils l'étaient encore plus pendant l'Antiquité : ainsi le nom des Corinthiens avait déjà fait l'objet d'une équivoque exemplaire dans les
Nuées d'Aristophane (aux vers 710 et 725) avec
κόρις, pour parler des punaises, ou plutôt des morpions...
La grande fréquence des formules pléonastiques ou redondantes dans le corpus nostradamien laisse penser qu'il s'agit là aussi d'une composition de noms propres, une charade, chacun des éléments ayant un point commun : le bâton de commandeur pour Corinthe-Ephyra, la fonction de surveillant (ou d'envoyé, recommandé) pour Ephèse. Ensuite, dans cette charade le groupe nominal "Corinthe Ephèse" est sujet d'un verbe au singulier :
Corinthe Ephèse au deux mers nagera, ce qui ferait de ce sujet un nageur bien trempé, un amateur d'ambiguïté :
en perplexité dans la strophe III-3.
Corinthe, alias Ephyra, est située dans l'isthme du Péloponnèse, entre deux mers, la mer Egée et celle d'Ionie, ce qu'on peut lire chez Ovide :
« Hic Ephyren bimarem : Ephyré aux deux mers » (
Heroïdes, Epître 12) ;
« bimari gens orta Corintho : la race de Corinthe, la ville aux deux mers (
Métamorphoses, V, 407) ; ou chez Horace :
« Epheson bimarisve Corinthi : Ephèse, ou Corinthe aux deux mers » (
Carmina, 1, 7, 2).
Mais pour bien nager aux deux mers, il faut aussi fréquenter les eaux de Délos (cf.
note 37) : « On raconte quEuripide lui donna un jour à lire les ouvrages dHéraclite, et lui demanda ce quil en pensait. Socrate répondit : Ce que jen ai compris me paraît génial ; pour le reste, que je nai pas compris, je crois quil en est de même, mais jaurais besoin pour interprète dun bon nageur de Délos » (Diogène Laerce,
Vie de Socrate, II, 22). Le thème, en vogue chez les Humanistes, a été repris par Erasme dans ses
Adages (
Chil. I,
Cent. VI,
Ad. XXIX,
Delius natator), et Nostredame aura pu le trouver ici ou là, sans se fatiguer.
Car un piètre nageur risquerait bien de se noyer dans les inextricables méandres nostradamiens en persistant à vouloir négliger certaines métonymies pratiquées depuis longtemps : «
in quo quidem magis tu mihi natare uisus es quam ipse Neptunus : franchement, il ma paru là que tu
nageais plus que Neptune lui-même » (Cicéron,
De natura deorum, III, 62) ; «
pars hominum uitiis gaudet constanter et urget / propositum; pars multa natat, modo recta capessens, / interdum prauis obnoxia : parmi les hommes, il en est qui se plaisent constamment dans leurs vices, qui poursuivent sans relâche leur but coupable : d'autres, en grand nombre,
flottent toujours, quelquefois embrassant
le bien, quelquefois s'abandonnant au mal » (Horace,
Satires, II, 7, 6) ; à défaut de considérer les avertissements de Sénèque sur le choix de bons amis : «
mutatio uoluntatis indicat animum natare, aliubi atque aliubi apparere, prout tulit uentus : le changement de volonté dénote une âme
flottante errant deci, delà, comme le vent ly porte. » (
Lettres à Lucilius, XXXV, 4). Et si l'humaniste ne l'avait pas trouvée dans la fréquentation des auteurs latins, il pouvait encore rencontrer ailleurs cette métonymie toujours pratiquée au XVIe siècle : « Ceux qui nagent entre deux eaux, sont du tout traistres à Dieu » (Calvin,
Sermon sur la première Epître de Saint Paul aux Corinthiens ; Cf.
Godefroy, T. 10).
Donc, pour bien nager aux deux mers, et pour éviter de se noyer dans les ambiguïtés, à commencer par ce que signifie chez le mystique Nostredame le vocable "mer", le profane aurait intérêt à suivre les cours d'un bon maître nageur, au lieu de s'égarer sans cesse dans des traductions impertinentes. Car, et ce ne sera pas le moindre, à l'argument de forme stylistique, on y ajoutera le contenu spirituel : la
mer et les eaux en général est un thème religieux chez Nostredame, comme en X-96 avec la
religion du nom des mers. Ceci fera l'objet d'une démonstration ultérieure, dûment documentée.
[
20]
Michel de Nostredame emploie le mot
NERSAF dans ses
Prophéties en VIII-67 avec l'expression
Nersaf du peuple, que l'on pourrait comparer à cette autre en IV-97
Esleu du peuple. Une décomposition de
NERSAF en
NER (lumière, flamme) et
SAF (porte, source) fait de cet élu un porte-flambeau, une sorte de guide ou de phare ;
Nouveau Testament,
Jean 8:12 : «
Ἐγώ εἰμι τὸ φῶς τοῦ κόσμου :
Ego sum lux mundi : Je suis la lumière du monde » ;
Mat. 5:14 : «
Ὑμεῖς ἐστε τὸ φῶς τοῦ κόσμου :
Vos estis lux mundi : Vous êtes la lumière du monde »; dans le
Nouveau Testament le grec
κόσμου (l'ordre de l'univers, ou celui des hommes) est traduit en latin par
mundus et désigne le monde terrestre (par opposition au monde céleste, l'au-delà), la réunion des
hommes, le peuple (cf.
Jean 1:9-10, 7:4-7, 12:25) ;
Erasme (
Paraphrase de Jean, 1:4) : « Car comme il est source de la vie pour tous, il est aussi la
source de la lumière, car bien sûr le Père grâce à l'éternelle nativité transfuse en lui la plénitude de la nature divine, si bien que seul il rend la vie même aux morts et par sa lumière chasse la nuit des âmes, si épaisse soit-elle [...] il voulut que Jean fut le
précurseur de la lumière, comme l'Etoile du matin précède et annonce au monde le lever du Soleil [...] c'est le Langage de Dieu, dont je parle en ce moment, qui était la vraie Lumière, toujours émanée de Dieu le Père,
source de toute lumière...». (
Oeuvres choisies, 1991
; p. 118-121) ;
Syméon le Nouveau Théologien (
Catéchèses, 28-33, p. 153-261) : «
Εἰ γὰρ φῶς τοῦ κόσμου καὶ θύρα ὁ Χριστός, φωτοειδὴς πάντως θύρα ἐστὶ καὶ οὐκχὶ θύρα μόνον ἁπλῶς : Si en effet le Christ est la lumière du monde, et la porte, c'est à coup sûr une
porte lumineuse et non pas seulement
et uniquement une porte » (XXVIII, 303) ; «
πῦρ ἐστιν ὁ Θεὸς : Dieu est un feu [...]
Ὁ οὖν οὕτως ἔχων ἔτι τὴν λυχνίαν τῆς ψυχῆς αὐτοῦ ἀμέτοχον δελονότι τοῦ θείου πυρός , ὁδηγοῦ δέεται μᾶλλον καὶ λύχνου
φαίνοντος : Ainsi celui dont la lampe de l'âme est encore dans cet état, c'est-à-dire n'a rien reçu du feu divin, a plutôt besoin d'un
guide avec un flambeau qui brille...» (XXXIII, 17) ; «
Τοῦτο τοιγαροῦν δεικνύει τὴν θύραν ἡμῖν ὅτι ἐστὶ φῶς : Cest donc lui [
Πνεῦμα, lEsprit] qui nous montre la porte,
cette porte qui est lumière. » (XXXIII, 160)
;
Saint Jean Chrysostome (
Homélie sur le mot Cmeterium et sur la Croix ; PG. 49, col. 396) : «
Καθάπερ γὰρ σκότῳ κατεχομένου οἴκου λαμπάδα τις άνάψας καὶ ὀρθὴν ἀναστήσας ἀπελαύνει τὸ σκότος · οὕτω τῆς οἰκουμένης ὑpi;ὸ ζόφου κατεχομένης,
καθάπερ λαμπάδα τινὰ τὸν σταυρὸν ἀνάψας καὶ ὀρθὸν ἀναστήσας ὁ Χριστὸς, τῆς γῆς ἅπαντα τὸν ζόφον ἔλυσε. Καὶ καθάπερ ἡ λαμπὰς ἐπὶ τῇ κεφαλῇ ἄνω τὸ φῶς ἔχει, οὕτω καὶ ὁ σταυρὸς
ἄνω ἐν τῇ κεφαλῇ τὸν ἥλιον τῆς δικαιοσύνης εἶχεν ἐκλάμποντα. :
Quemadmodum enim si quis lucernam in domo quapiam tenebris obsita accendat et in altum statuat, tenebras derepente fugat : sic tenebris per universum orbem sparsis, Christus, tanquam lampadem quamdam, crucem accendit, et in altum erexit, omnemque caliginem totius terræ diisipavit. Et quemadmodum lampas supra in vertice lumen habet, sic et crux habuit supra in vertice Solem justitiæ effulgentem : En effet, comme pour dissiper les ténèbres d'une maison obscure, on allume et on élève un
flambeau,
de même Jésus-Christ, allumant et élevant la croix comme un
flambeau, a dissipé les ténèbres épaisses dans lesquelles toute la terre était plongée. Et comme un
flambeau est surmonté de la
lumière qui le rend
lumineux, ainsi la croix était surmontée du Soleil de justice qui la rendait brillante. »
Jacques de Voragine (
Legenda aurea) : «
Habuit autem triplex nomen, sicut ex euangelio manifestatur, scilicet filius dei, Christus et Ihesus. [...]
Quantum ad tertium uocaliter, quia quo ad hanc uocem Ihesus, sed non quo ad rationem nominis, quod est saluare. [...]
Tertium nomen est Ihesus. Hoc autem nomen secundum Bernardum dicitur cibus, fons, medicina et lux [...]
Quarto est lux, unde ait : Vnde putas in toto orbe tanta et tam subita fidei lux, nisi de predicatio Ihesu ? Hoc est nomen quod Paulus portabat coram gentibus et regibus tamquam lucernam super candelabrum : Or, J.-C. a eu trois noms, comme lEvangile le dit, savoir, Fils de Dieu, Christ et Jésus. [...] Quant au troisième, il n'était
connu que quant au mot : Jésus n'était pas compris d'après sa véritable signification qui est
Sauveur. [...] Le troisième nom c'est Jésus. Or, ce nom de Jésus, d'après saint Bernard, veut dire nourriture,
fontaine, remède et
lumière. [...] Secondement, c'est une
fontaine. [...] Quatrièmement, c'est une
lumière, dit-il : « D'où croyez-vous qu'ait éclaté sur lunivers entier la si grande et si subite lumière de la foi, si ce n'est de la prédication du nom de Jésus ? C'est ce nom que Paul portait devant les nations et les rois comme un
flambeau sur un candélabre. » (
La
légende dorée, La circoncision du Seigneur) ;
Cyrille dAlexandrie (
Homélie 12, PG 77, col. 1041) : «
Ἐνστάσης δὴ οὖν τῆς ὀγδόης, ἐν ᾗ σύνηθες τὴν ἐν σαρκὶ τελεἲσθαι περιτομὴν κατά γε τὸ δοκοῦν τῷ νόμῳ, δέχεται τὸ ὄνομα, τοῦτ' ἔστιν τὸ, Ἰησούς.
Ἑρμηνεύεται δὲ τοῦτο Σωτηρια λαοῦ Igitur cum octava dies adventasset, qua die carnis circumcisio ex præscripto legis perfici solebat, nomen accipit, nimirum Jesus, quod exponitur Salus populi : Donc, lorsque fut venu le huitième jour, où lon obéissait à la loi en accomplissant la circoncision, il reçut son nom, celui de Jésus, qui se traduit par "
Salut du peuple." ».
Or, pour les lecteurs bibliques, l'incarnation divine est "source de lumière" (
Isaïe, 60:1-3, 19-20 ;
Apocalypse, 21:23-24, 22:5), et d'après ce qui précède on peut donc facilement établir l'équation spirituelle "source de lumière = salut" et la concordance nostradamienne "
Nersaf du peuple = Sauveur du peuple" ; néanmoins le salut du peuple n'est pas une invention purement chrétienne si l'on en croit
Cicéron, rappelant les Tables de la Loi chez les payens du Latium : «
Ollis salus populi suprema lex esto : Que le salut du peuple soit pour eux la suprême loi. » (
De Legibus, III, 3, 8).
[
21] « The
maqqef tends to be omitted at times in the manuscript, which makes for ambiguity, particularly in composite words that can be written as one word or two hyphenated word. » (
Biblia Hebraica Leningradensia : Prepared according to the Vocalization, Accents, and Masora, Brill, 2001 ; p. VX).
[
22] (
Dubois, 1531 ; p. 68) : Census cens.
(
Estienne, 1549) : Cens,
Il vient de Census.
Cens, ou cense & rente, Vectigal.
Cens ou censive que doibt le fond de la terre au seigneur, Solarium vectigal. Quod solo hæret, siue quod pro solo penditur, Nota est seruitutis, coniunctamque causam habet mancipii, accessionumque pretii emptionis, id est,
des ventes et saisines.
[...]
Tribut, Tributum, Vectigal.
Qui doibt & paye taille, tribut, cense ou rente, Vectigalis, Stipendiarius, Tributarius.
[...]
Plustost perdre sa cause, que tout son bien, Iactum litis facere potius quam census naufragium, B
(
Anonyme, 1557 ; p. 73) : Cens & rente qu'est-ce ?
Census & cense n'ont-ils rien proche ?
[Arrerage] (
Nicot, 1606) :
Arpent, m. acut.
Est la grande mesure par laquelle sont mesurées les terres, vignes, prez, bois & autres heritages ; lequel à mesure de Roy contient cent perches à vingt pieds pour perche, à douze pouces par pied, & à douze lignes par pouce, ce qui est entendu à perche quarrée. Lequel se partit en deux demis arpents, puis en quatre quartiers, puis en seize quarterons, puis au plus en soixante quatre quartes. Columelle au li. 5. de l'Agriculture, chap.1. dit que les Gaulois appellent Arepennem,
ce que les Latins appellent Semiiugerum,
mais ou l'ancienne mesure de l'arpent estoit lors moindre que celle de present, ou ledit Columelle a commis erreur de calcul. Car attendu que (selon l'opinion de Varron, au liv. de l'Agriculture premier, chap. 10.) le Iugerum
des Romains et Latins contenoit deux
Actus
quarrez, et iceluy Actus
contenoit six vingts pieds en quarré, c'est à dire en tous sens, le dire du susdit Columelle ne se peut verifier pour establir que nostre arpent soit du contenu du Semiiugerum
des Latins et Romains.
Demy-arpent, m. acut.
Est un nom composé de deux entiers, comme demy-homme, et est la premiere partition de l'arpent. Il contient cinquante perches en quarré, Mille pedes quaqua versus. Iugerum.
Arpentage, m. penacut.
Est la mesure faite d'un terroir ou heritage, soit qu'elle soit reduite par escrit, ou non, Modus agri
Arrerage singul. et
arrerages plur. m. penac.
Sont restats, termes escheuz non payez de rentes constituées ou autres censives et pensions, Reliqua.
Et vient de arriere, parce que les payements n'ont esté faits au jour qu'ils escheoient, ains iceluy estant passé, sont demeurez en arriere sans estre acquittez. Ainsi dit on payer les arrerages, Reliqua soluere.
Franc et quitte de tous arrerages, Solutum reliquis, voyez Franc. Reliqua
sont ils appelez au Code, au tiltre Sine cen. vel reliq. fund. comp. non pos.
Le droit mot est Arrierages : mais le François le syncope,
Aulne quarree,
ou aulne en quarré, est le mesurage de l'aulne en tous sens, c'est à dire en long, et en large, et non en long seulement, Vlna quaquauersus ducta, vel prorsum deorsumque directa. [...]
Quarré, m. acut. adjectif.
Est ce qui est quadrangulaire egal en tous sens, Quadratus, et in neutro genere, quadratum.
Godefroy (Dictionnaire) :
cens, rente foncière dont un héritage était chargé ;
cens, sens, perception, sagesse, prudence, intelligence, manière de comprendre.
Du Cange (Glossaire) : C
ENS : Redevances de différentes espèces. Gl.
Census.
C
ENT : Certaine mesure de terre. Gl.
Centum.
Catach (
Dictionnaire historique de la langue française, 1995) : "Faut-il dire deux cent, ou deux cens ? C'est sur quoi les opinions sont partagées" (Féraud, 1761).
ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS de Diderot et d'Alembert (1751-72). [cosse]
COSSIQUE, adj.
nombre cossique en Arithmétique & en Algebre, est un terme qui n'est plus en usage aujourd'hui, mais dont les premiers auteurs d'Algebre se sont fréquemment servis. Il y a apparence que ce mot vient de l'Italien
cosa, qui veut dire
chose. On sait en effet que les Italiens ont été les premiers, du moins en Europe, qui ayent écrit sur l'Algebre.
Voyez Algebre.
Les Italiens appelloient dans une équation
res ou
cosa, la
chose, le coefficient de l'inconnue linéaire; ainsi dans
x x + p x + q = o, ou
x3 + p x + q = o, p étoit nommé
res. Voyez les
Mém. de l'Acad. 1741, p. 437. 438. &c. ainsi ils ont appellé nombres cossiques, les nombres qui désignent les racines des équations: & comme ces nombres sont pour l'ordinaire incommensurables, on a depuis transporté cette expression aux nombres incommensurables.
Voyez ce mot. Luc Paciolo, dans son Algebre, appelle
costa census la racine d'une équation du second degré.
(O).
ALGEBRE [...] Les Arabes l'appellent
l'art de restitution & de comparaison, ou
l'art de résolution & d'équation. Les anciens auteurs Italiens lui donnent le nom de
regula rei & census, c'est-à-dire ; la regle de la racine & du quarré: chez eux la racine s'appelle
res ; & le quarré,
census : V. Racine, Quarré. D'autres la nomment
Arithmétique spécieuse, Arithmétique universelle, &c.
CHEF-SENS,
Chef-cens, est le premier & principal cens imposé par le seigneur direct & censier de l'héritage, lors de la premiere concession qu'il en a faite, & qui se paye en signe & reconnoissance de la directe seigneuric. On l'appelle
chef-cens, quasi capitalis census, pour le distinguer du sur-cens & des rentes seigneuriales qui ont été imposées en sus du cens, soit lors de la même concession, ou dans une nouvelle concession, lorsque l'héritage est rentré dans la main du seigneur.
Le
chef-cens emporte lods & ventes ; au lieu que le surcens, ni les rentes seigneuriales, n'emportent point lods & ventes, lorsqu'il est dû un
chef-cens, la directe seigneurie de l'héritage étant en ce cas attachée particulierement au
chef-cens.
La coûtume de Paris,
art. 357. en parlant du premier cens l'appelle
chef-cens, & dit que pour tel cens il n'est besoin de s'opposer au decret ; & la raison est, que comme il n'y a point de terre sans seigneur, on n'est point présumé ignorer que l'héritage doit être chargé du cens ordinaire, qui est le
chef-cens.
Dans tous les anciens titres & praticiens, le cens ordinaire n'est pas nommé autrement que
chef-cens, capitalis census. Voyez in donat. belgic. lib. I. cap. xviij. Il est dit dans un titre de l'évêché de Paris de l'an 1306,
chart. 2. fol. 99. & 100. sub retentione omnis capitalis census. La charte d'Enguerrand de Coucy, sur la paix de la Fere, de l'an 1207, dit
de fundo terr & capitali. Dans plusieurs chartulaires, on trouve
chevage pour
chef cens. Et à la fin des coûtumes de Montdidier, Roye, & Peronne, on trouve aussi
quevage, qui signifie la même chose, ce qui vient de
quief ou
kief, qui en idiome picard signifie
seigneur censier. Voyez Brodeau,
sur le tit. ij. de la coûtume de Paris, n. 15.
[
23]
Horapollon, I-13 :
(
Aldes, 1505) :
Τί ἀστέρα γράφοντες δηλοῦσι.
Θεὸν δὲ ἐγκόσμιον σημαίνοντες ἢ εἱμαρμένην, ἢ τὸν πέντε ἀριθμὸν, ἀστέρα ζωγραφοῦσι.
Θεὸν μέν, ἐπειδὴ προνοιᾳ θεοῦ, τὴν νίκην προστάσσει, ᾗ τῶν ἀστέρων καὶ τοῦ παντὸς κόσμου κίνησις ἐκτελεῖται · δοκεῖ γὰρ αὐτοῖς δίχα θεοῦ μηδὲν ὅλως συνεστάναι ·
εἱμαρμένη δέ, ἐπεὶ καὶ αὕτη ὲξ ἀστρικῆς οἰκονομίας συνίσταται ·
τὸν δὲ πέντε ἀριθμόν, ἐπειδὴ πλήθους ὄντος ἐν οὐραν πέντε μόνοι ἐξ αὐτῶν κινούμενοι τὴν τοῦ κόσμου οἰκονομίαν ἐκτελοῦσι.
(
Van de Walle & Vergote, 1943) : [
Ce qu'ils signifient en écrivant une étoile.]
Voulant désigner le dieu de l'univers, ou le destin, ou le nombre 5, ils peignent une étoile.
a) Dieu, parce que la providence divine décerne la victoire, par laquelle s'accomplit le mouvement des astres et du monde entier ; car il leur semble que rien ne peut avoir une existence séparément de Dieu.
b) Le destin, parce que celui-ci dépend aussi de la disposition des astres.
c) Le nombre 5, parce que, malgré qu'il y a foison (d'étoiles) dans le ciel,
cinq d'entre elles
seulement réalisent
par leur mouvement l'ordonnance de l'univers.
(
Trebazio, 1521) :
Quid Astrum Scribentes Significent.
Deum significantes, aut fatum, aut quinquenarium numerum astrum pingunt.
Deum quidem, quoniam divina providentia omnis stellarum, ac totius mundi motus conficitur.
Videtur enim sive Deo nihil penitus posse consistere.
Fatum, quoniam constat ipsum ex stellarum motu.
Quinquenarium vero numerum, quoniam cum sint plura in coelo astra ex eis quinque sola mota, totius mundi dispensationem conficiunt.
(
Kerver, 1543) : Quelle chose ilz signifioient par l'estoille. Par l'estoille ilz signifioient dieu ou la destinee ou le cinquieme nombre. Dieu pource que la divine providence donne & decerne la victoire par laquelle le mouvement des estoilles & de l'universel monde est parfaict, car sans dieu ny a chose qui puisse consister ny demourer en estre ; la destinee pource quelle est causee & depend du mouvement & dispensation des estoilles. Le nombre cinq pource que combien que au ciel soient plusieurs estoilles, en cinq tant seullement dicelles consiste les dispensations de
tout le monde.
Nostredame (
Orus Apollo) : Que voulent il signifier par l'estoylle/ Signifiant Dieu ou la destinee,/ Revolud fatum ou le cinquiesme numbre/ Paignoient l'estoylle Dieu pour sa veneree/ Et providence divine que l'astre umbre/ Le mouvement toutel qui nous obumbre/ De ce beau monde qui ne peult concister/ Sens le grand dieu Fatum qu'a resister/ Vivant ne peult le faict de mouvement/ Par les estoylles continuellement/ Et puys apres par le nombre cinquiesme/ Pour ce que sont au ciel astres milliesmes/ Tant
seulement par ces
cinq tout le monde/
Se vient mouvoir et dispenser soy mesmes/ Par mouvement sempiternel et ronde.
[
24] (
Estienne, 1549) :
Chevance, f. penac. Census, Bona alicuius
[...]
Appetisser et amoindrir la chevance de chaque citoyen, Extenuare census cuiusque ciuis.
(
Nicot, 1606) :
Chevissance,
C'est composition faite avec aucun par solution, attermoyement, novation, ou autrement, sur quelque different, debte, ou obligation, Pactum, Transactio, Conuentio, voyez Chevir.
Chevir,
C'est à dire, Venir à chef et à bout de quelque chose, car il vient de chef tout ainsi que chevissance et achever. Selon ce on dit, chevir d'un homme revesche, d'un cheval farouche, c'est en venir à bout, et le mettre à raison, Potiri.
On dit aussi chevir pour se mettre hors de redevances par payement, attermoyement, ou autre composition, comme, Il a chevi avec ses creanciers, Nomina explicauit, aut cum creditoribus de nominibus conuenit, transegit.
Chevir aussi est transiger d'un different. Ainsi les Notaires disent, lesdites parties ont chevi, etc.
Creance, f. penac.
Tantost signifie foy, comme La creance des Chrestiens, c'est à dire la foy des Chrestiens, Fides,
ainsi dit, par ce que faisans profession de leur foy, ils disent, Je croy, etc. Tantost signifie une debte creée sur autruy, Creditum,
ainsi dit, par ce que celuy qui preste croit à la parole et promesse de celuy à qui il preste et suyt la foy d'iceluy. Tantost un mandement de parole envoyé à aucun par un tiers, selon ce on dit Lettres de creance, ou portans creance, c'est à dire lettres par lesquelles on prie celuy à qui on les escrit, d'adjouster foy au dire du porteur, et dire et expliquer ce qu'on a enchargé dire de parole,...
[...]
Un credit ou creance, Une debte qu'on nous doit, Creditum huius crediti.
[
25]
Barnabé (
Epitres, XV, 8) : «
ἐν ᾧ καταπαύσας τὰ πάντα ἀρχὴν ἡμέρας ὀγδόης ποιήσω, ὅ ἐστιν ἄλλου κόσμου ἀρχήν. Διὸ καὶ ἄγομεν τὴν ἡμέραν τὴν ὀγδόην εἰς εὐφρσύνην, ἐν ᾗ καὶ ὁ Ἰησοῦς
ἀνέστη ἐκ νεκρῶν ... après avoir tout mené au repos, je ferai le commencement d'un huitième jour, c'est-à-dire le commencement d'un autre monde. Voilà pourquoi nous célébrons comme une fête joyeuse le huitième jour pendant lequel Jésus est ressuscité des morts... »
Basile (
de Spiritu Sancto, XXVII) : «
Διὸ καὶ ἀρχὴ οὖσα ἡμερῶν, οὐχὶ πρώτη παρὰ Μωϋσέως, ἀλλὰ μία ὠνόμασται. Ἐγένετο γὰρ, φησὶν, ἑσπέρα, καὶ ἐγένετο πρωῒ, ἡμέρα μία · ὡς τῆς αὐτῆς ἀνακυκλουμένης
πολλάκις. Καὶ μία τοίνυν ἡ αὐτὴ, καὶ ὀγδό, τὴν μία ὄντως ἐκείνην καὶ ἀληθινὴν ὀγδόην, ἧ καὶ ὁ Ψαλμῳδὸς ἕν τισιν ἐπιγραφαἲς τῶν ψαλμῶν ἐπεμνησθη, δι' ἑαυτῆς ἐμφανιζουσα, τὴν μετὰ
τὸν χρόνον τοῦτον κατάστασιν, τὴν ἄπαυστον ἡμέραν, τὴν ἀνέσπερον, τὴν ἀδιάδοχον, τὸν ἄληκτον ἐκεῖνον καὶ ἀγήρω αἰῶνα :
Eoque quum sit principium dierum, non primus a Mose, sed unus appellatus est. Facta est, inquit, vespere & manus dies unus : tanquam qui saepe recurrat, ut unus sit idem & octavus, unum illum singularem ac verum octavum, cuius Psalmista alicubi in Psalmis meminit, per
se significans, diem inquam post horum temporum statum nunquam finiendum, ac vesperae nescium, nec successori cedentem, hoc est aeternitatem, quae nec finem habet, nec senium novit : C'est pour cela que, quoique ce jour soit le commencement de tous les autres jours, Moïse ne l'a pas appelé premier jour, mais
un jour.
Et le soir fut fait, dit-il,
et le matin fut fait (et ce fut) un jour ; comme pour indiquer que ce même jour reparaît souvent dans le cercle des jours. Ce jour est donc tout à la fois un et huitième, représentant en lui-même ce jour réellement un et vraiment huitième dont parle le Psalmiste dans quelques-uns des titres de ses cantiques, c'est-à-dire l'état qui doit suivre ce temps, le jour qui ne doit jamais cesser, le jour sans soir, le jour qui ne doit pas être suivi d'un autre jour,
ce siècle sans fin et qui ne doit pas connaître de vieillesse. » (P.G. 32, col. 191 ;
Oeuvres choisies de Basile le Grand, 1846).
Augustin (
Sermon CCLIX. Pour le Dimanche de l'Octave de Pâques, 2) : «
Octavus ergo iste dies in fine saeculi novam vitam significat : septimus quietem futuram sanctorum in hac terra. Regnabit enim Dominus in terra cum sanctis suis, sicut dicunt Scripturae, et habebit hic Ecclesiam, quo nullus malus intrabit, separatam atque purgatam ab omni contagione nequitiae ... Quomodo enim cum peracti fuerint isti septem dies, octavus ipse est qui primus : sic post terminatas et peractas aetates septem saeculi transeuntis, ad illam immortalitatem beatitudinem que rediemus, de qua lapsus est homo. Et ideo octavae complent sacramenta infantium. (P.L. 38, p. 1197) : Je le répète, ce huitième jour figure la vie nouvelle qui suivra la fin des siècles, comme le septième désigne le repos dont jouiront les saints sur cette terre
; car le Seigneur y règnera avec ses saints, comme le disent les Ecritures, et dans son Eglise n'entrera alors aucun méchant ; elle sera purifiée et éloignée de toute souillure et de toute iniquité... Quand aujourd'hui sont passés les sept jours de la semaine, le huitième jour redevient le premier d'une semaine nouvelle ; ainsi, quand seront écoulés et terminés les sept âges de ce siècle où tout passe, nous rentrerons dans cette immortalité bienheureuse d'où l'homme s'est laissé tomber. Aussi est-ce le huitième jour que finit la fête des nouveaux-baptisés. »
Augustin (
Discours sur le Psaume VI. Le Jugment de Dieu, 1-2) : «
De octavo, hic videtur obscurum ; nam caetera in hoc titulo manifestiora sunt. Visum est autem nonullis diem judicii significare, id est tempus adventus Domini nostri, quo venturus est judicare vivos et mortuos. Qui adventus, computatis annis ab Adam, post septem annorum millia tanquam septem dies transeant, deinde illud tempus tanquam dies octavus adveniat. Sed quoniam dictum est a Domino : Non est vestrum scire tempora quae Pater posuit in sua potestate (Act. I, 7), et : De die vero et illa hora nemo scit, neque angelus, neque virtus, neque Filius, nisi solus Pater (Matth. XXIV, 36), et illud quod scriptum est, tanquam furem venire diem Domini (I Thess. V, 2), satis aperte ostendit neminem sibi oportere arrgare scientiam illius
temporis, computatione aliqua annorum. Qui enim post septem millia annorum ille dies venturus est, omnis homo potest annis computatis adventum ejus addiscere [...]
Nos igitur, quod nescire nos Dominus voluit, libenter nesciamus, et quaeremus quid velit sibi iste titulus, qui scribitur De Octavo. Potest quidem, etiam nulla annorum temeraria supputatione, dies judicii octavus intelligi, quod jam post finem hujus saeculi accepta aeterna vita, tunc non erunt animae justorum obnoxiae temporibus : et quoniam omnia tempora septem dierum istorum repetitione volvuntur, octavus forte ille dictus est, qui varietatem istam non habebit. Est aliud quod hic non absurde accipi potest, cur octavum dicatur judicium, quod post duas generationes futurum est, unam quae ad corpus, alteram quae ad animam pertinet. (P.L. 36, p. 90) : Cette expression, « huitième jour », est obscure; mais le reste du
titre est clair. Quelques-uns ont cru quelle signifiait le jour du jugement, ou ce temps de lavènement de Jésus-Christ qui descendra pour juger les vivants et les morts. Cet avènement, selon cette croyance, aura lieu après sept milliers dannées, à compter depuis Adam ; ces sept milliers dannées sécouleraient comme sept jours, et le huitième serait celui de lavènement. Mais le Seigneur a dit : « Ce nest point à vous de connaître les temps que mon Père a disposés dans sa puissance (
Act. I, 7 ) » ; et encore : « Quant à ce jour et à cette heure, nul ne les sait, ni les Anges, ni les Vertus, ni le Fils lui-même ; le Père seul les connaît (
Matt. XXIV, 36 ) » : et enfin saint Paul a écrit, que ce jour
du Seigneur nous surprendra comme le voleur (
I Thess. V, 2 ), tout cela nous montre clairement quon ne doit point chercher à connaître ce jour par la supputation des années. Or, sil devait arriver après sept milliers dannées, tout homme pourrait le connaître au moyen dun calcul. [...] Pour nous, ignorons de bon cur ce quil na pas plu à Dieu de nous révéler, et cherchons ce que veut dire cette expression du titre : « Pour le huitième jour ». Sans recourir à des calculs téméraires on peut entendre par huitième jour celui du jugement, car la fin de ce monde nous ouvrira la vie éternelle ; et alors les âmes des justes ne seront plus assujetties aux temporelles vicissitudes ; et comme tous les temps roulent périodiquement de sept jours
en sept jours, on appellerait huitième jour celui qui serait en dehors de cette révolution. Dans un autre sens qui nest pas sans justesse, on appellerait huitième jour, celui du jugement, parce quil doit arriver après deux genres de vie, dont lun tient à la chair, et lautre à lesprit. »
Saint Jean Chrysostome (
Traité de la componction. Livre deuxième. Au moine Stéléchius) : «
Τίς οὖν ἐστιν ἐπιγραφή : Ὑπὲρ τῆς ὀγδός, φησί. Τίς δέ ἐστιν ἡ ὀγδόη, ἀλλ' ἢ ἡ ἡμέρα τοῦ Κυρίου ἡ μεγύλη καὶ ἐπιφανὴς, ἡ ὡς κλιβανος καιομένη,
ἡ καὶ τὰς ἄνω δυνάμεις τρέμειν καρασκευάζουσα (Σεισθήσονται γὰρ, φησι, καὶ δυνάμεις τῶν οὐρανῶν), ἡ πῦρ δεικνύουσα προτρέχον τοῦ βασιλέως τότε ἐκείνου ; Ὀγδόην δὲ αὐτὴν
ἐκἀλεσε, τὸ τῆς καταστάσεως ἐνηλλαγμένον ἐμφαίνων, καὶ τῆς μελλούσης ζωῆς τὴν ἀνανέωσιν. Ὁ μὲν γὰρ παρὼν βίος οὐδὲν ἕτερόν ἐστιν, ἀλλ' ἢ ἑβδομὰς μία, ἀρχόμενος μὲν ἀπὸ τῆς
πρώτης ἡμέρας, τελευτῶν δὲ εἰς τὴν ἑβδόμην, καὶ πάλιν τοῖς ἀνακυκλούμενος διαστήμασι, καὶ εἰς τὴν αὐτην ἀνιὼν ἀρχὴν, καὶ καταβαίνων εἰς τὴν τελευτήν. Διόπερ ὀγδόην ἡμέραν
οὐκ ἄν τις εἔποι ποτὲ τὴν Κυριακὴν, ἀλλὰ πρώτην · οὐ γὰρ ἐκτεἰνεται εἰς ὄγδον ἀριθμὸν ὁ τῆς ἑβδομάδος κύκλος. :
Quaenam igitur est inscriptio ? Pro octava (Psal. 6. 1). Quaenam vero est octava, nisi dies illa Domini magna et conspicua, ut clibanus ardens, quae supernas Virtutes tremere facit (Virtutes, inquit, caelorum movebentur [Matth. 24. 29], quae ignem exhibet Regi tunc illi praecurentem ? Octavam
autem vocavit illam, status mutationem declarans, necnon futurae vitae renovationem. Praesens namque vita nihil aliud est, quam hebdomas una, quae vita incipit a prima die, desinit in septimam : ac rursum iisdem intervallis circumit, et ad idem principium recurrit, et in finem descendit. Quare octavam diem nemo dixerit esse Dominicam, sed primam. Neque enim hebdomadis circulus in octavum numerum extenditur. Cum autem haec omnia cessaverit et dissoluta fuerint, tunc ogdoadis cursus in medium adducitur : neque enim rursum ad principium recurrit, sed sequentibus intervallis haeret. » (P.G. 47, col. 415-416) « Mais cette octave, ou huitième jour, qu'est-ce autre chose, sinon le jour du Seigneur, jour grand et terrible, qui est embrasé comme une fournaise, qui fait trembler les vertus d'en-haut elles-mêmes. Car, dit le Sauveur, les vertus des cieux seront ébranlées
(
Matth. XXIV, 29) ; jour, enfin, qui nous montre le feu marchant devant le Roi de l'éternité ? Or, le Prophète a appelé ce jour octave, ou huitième, pour indiquer le changement de l'ordre actuel des choses, et le renouvellement qui s'opérera à la fin du monde. Car la vie présente n'est qu'une semaine de jours ou d'époques. Elle commence le premier jour, pour s'arrêter au septième. Arrivée à celui-ci, qui est la fin de sa course, elle remonte au premier, pour redescendre encore au dernier, tournant sans cesse dans le même cercle ; c'est pourquoi personne ne dira jamais que le dimanche soit le huitième jour, c'est le premier : car le cercle de la semaine ne s'étend pas jusqu'au nombre de huit. Lorsque l'ordre actuel aura cessé, et que toutes choses auront été dissoutes, l'octave,
ou jour huitième, commencera ; celle-ci ne remontera pas au premier jour, mais elle prendra son cours et se développera dans les espaces ultérieurs. » (Trad. Jeannin, Ed. Guérin, 1864).
Jacques de Voragine (
Legenda aurea) : «
obitus autem sanctorum ideo octauas habent, quia ipsi tunc nascuntur ea natiuitate que est ad uitam eternam ut postea resurgant in corporibus gloriosis. [...]
Secunda ratio sumitur penes intellectum anagogicum siue celestem. Ideo enim octaua die fiebat ut daretur intelligi quod in octaua resurrectionis ab omni pena et miseria circumcideremur. Et secundum hoc octo dies erunt octo etates, prima ab Adam usque ad Noe, secunda a Noe usque ad Abraham, tertia ab Abraham usque ad Moysem, quarta a Moyse usque ad Dauid, quinta a Dauid usque ad Christum, sexta a Christo usque ad finem mundi, septima morientum, octaua resurgentium : Or les morts des saints ont des Octaves, parce qu'alors ils naissent pour arriver à une vie éternelle, et pour ressusciter ensuite dans des corps glorieux. [...] Selon le sens anagogique
ou, céleste. La circoncision avait lieu au huitième jour pour donner à comprendre que dans loctave de la résurrection, nous serions circoncis de toute peine et misère. Et d'après cela, ces huit jours seront les huit âges : le 1er d'Adam à Noë ; le 2e de Noë à Abraham ; le 3e d'Abraham à Moïse ; le 4e de Moïse à David ; le 5e de David à J.-C. ; le 6e de J.-C. à la fin du monde ; le 7e de la mort ; le 8e de la résurrection. » (
La légende dorée, La circoncision du Seigneur).
Cf.
note 20.
[
26]
Nouveau Testament : (
2 Corinthiens 12, 2-4) : «
οἶδα ἄνθρωπον ἐν Χριστῷ πρὸ ἐτῶν δεκατεσσάρων (εἴτε ἐν σώματι οὐκ οἶδα εἴτε ἐκτὸς τοῦ σώματος οὐκ οἶδα ὁ θεὸς οἶδεν) ἁρπαγέντα τὸν τοιοῦτον
ἕως τρίτου οὐρανοῦ · καὶ οἶδα τὸν τοιοῦτον ἄνθρωπον (εἴτε ἐν σώματι εἴτε ἐκτός τοῦ σώματος οὐκ οἶδα ὁ θεὸς οἶδεν) · ὅτι ἡρπαγη εἰς τὸν παράδεισον καὶ ἤκουσεν
ἄρρητα ῥήματα ἃ οὐκ ἐξὸν ἀνθρώπῳ λαλῆσαι :
Scio hominem in Christo ante annos quatuordecim (sive in corpore, nescio, sive extra corpus, nescio, Deus scit), raptum hujusmodi usque ad tertium cælum ; Et scio hujusmodi hominem (sive in corpore, sive extra corpus, nescio, Deus scit) ; Quoniam raptus est in Paradisum, et audivit arcana verba, quæ non licet homini loqui : Je connais un homme dans le Christ qui, voici quatorze ans, (était-ce en son corps ? je ne sais ; était-ce hors de son corps ? je ne sais, Dieu seul le sait), et cet homme-là fut ravi jusqu'au
troisième ciel. Et cet homme-là, (était-ce en son
corps ? était-ce sans son corps ? je ne sais, Dieul seul le sait), je sais qu'il fut ravi jusqu'au Paradis et qu'il entendit des paroles ineffables, qu'il n'est pas permis à l'homme de redire) ».
[
27] Cf. ancien français "roture" : "terre rompue, récemment défrichée", et par extension "redevance due à un seigneur pour une terre à défricher", puis "terre soumise à une redevance" (
DMD,
Greimas & Keane).
[
28] Catach admet parmi les noms composés sans trait d'union, à côté de "pont-levis" : pont promenade, pont roulant, pont tournant, pont transbordeur, pont flottant (
Orthographe et lexicographie : les mots composés, 1981, Nathan, p. 124, p. 271).
[
29] Plutarque (
Sur l'E de Delphes, 8) : «
Ὼς οὖν ἄρρενός τε τοῦ πρώτου καὶ θήλος ὁμιλίᾳ τὰ πέντε γιγνόμενα γάμον οἱ Πυθαγόρειοι προσεῖπον. [...] Ἔστι δ' ᾗ καὶ φύσις λέλεκται τῷ
περὶ αὑτὸν πολλαπλασιασμῷ πάλιν εἰς ἑαυτὸν περαίνων. [...] ἀπομιμουμένου τοῦ ἀριθμοῦ τὴν τὰ ὅλα διακοσμοῦσαν ἀρχήν. Rappelons seulement que le nombre cinq, comme résultant de l'union du premier nombre mâle et du premier nombre femelle, a été appelé par les Pythagoriciens le nombre
nuptial. On l'a appelé
aussi parfois le nombre
nature parce que, multiplié par lui-même, il se retrouve identique... En quoi ce nombre est l'image de la
cause première qui organise l'univers. ». Cinq, palingénésique par nature...
[
30] Cf. (
Nicot, 1606) :
Tourner, act. acut. Est proprement mener en rond, Circumagere. Mais on en use plus largement pour ce dessus dessoubs, et d'un costé à autre.
¶ Tourner, faire et façonner au tour, voyez Tour.
¶ Planette, Planeta.
Toutes planettes et estoiles, Sydus syderis. [..] ¶
Le tour du ciel, du soleil, Circuitus solis, orbium.
(
R. Estienne, 1552,
Dictionarium Latinogallicum) :
anfractus : Anfractus solis. Cic.
Le tour et revolution du soleil.
circumago : Circumagit se annus. Liu. In ipso conatu rerum circumegit se annus.
L'annee s'est passee, L'an a faict son tour, L'an s'est revolu.
circuitus : Circuitus Solis orbium. Cic.
Le cours, ou le tour du ciel du Soleil.
[
31] Nostredame,
Orus Apollo f°32, correspond à
Horapollon I-44 :
(
Aldes, 1505)
: Πῶς αἰνίττονται ἀθέμιτον ἢ καὶ μύσος. Ἀθέμιτον δὲ δηλοῦτες ἢ καὶ μύσος ἰχθηνόν¹ ζωγραφοῦσι διὰ τὸ τὴν τούτων βρῶσιν μισεῖσθαι καὶ μεμιάνθαι ἐν τοῖς ἱεροῖς. κενοποιὸν γὰρ ἰχθὺς πᾶς καὶ ἀλληλοφάγον. ¹[autres éditions : ἰχθὺν]
(
Trebazio, 1521) :
Quomodo Scelestum hominem aut Odium. Scelestum autem & odium significantes piscem pingunt, eo quem hujus usus execretur & interdicatur in sacris, destruit enim quodcunque reperit omnis piscis, nec suo quidem generi parcit.
(
Van de Walle & Vergote, 1943) :
Comment ils figurent l'iniquité et la souillure. Quand ils veulent représenter l'iniquité ou la souillure, ils peignent un poisson, parce que le fait de manger du poisson leur est en horreur et les met dans un état de souillure pour les rites sacrés. Car tout poisson est
ventrem solvens (?) et mange son semblable.
[
32]
Horapollon, II-103 :
(
Aldes, 1505)
: Πῶς ἄνθρωπον πάντων ἐχθρῶν. Ἄνθρωπον πάντων ἐχθρὸν καὶ ἀπεσχοινισμένον &θέλοντες δηλῶσαι, ἔγχελυν ζωγραφοῦσιν · αὕτη γὰρ οὐδενι τῶν ἰχθύων συνευρίσκεται.
(
Kerver, 1543) : Comment ilz signifioient ung homme à tous ennemys. Voullans signifier ung homme qui est ennemy & separe de tous ilz paignoient une anguille pource qu'elle ne hante & ne se trouve avec les autres poyssons.
(
Van de Walle & Vergote, 1943) :
Comment ils représentent un homme qui est l'ennemi de tous. Voulant représenter un homme qui est l'ennemi de tous et qui se tient à l'écart, ils peignent une anguille : car celle-ci ne se trouve en compagnie d'aucune (espèce) de poissons.
[
33]
Horapollon, II-109 :
(
Aldes, 1505)
: Πῶς ἄνθρωπον λάμειαν ἔχοντα. Ἄνθρωπον λάμειαν ἔχοντα βουλόμενοι σημῆναι, σκάρον ζωγραφοῦσιν · οὗτος γὰρ μόνος τῶν ἰχθύων μαρυκᾶται, καὶ πάντα τὰ προσπίπτοντα
ἰχθύδια ἐσθίει.
(
Van de Walle & Vergote, 1943) :
Comment ils représentent un homme pris d'une faim vorace. Voulant signifier un homme pris d'une faim vorace, ils peignent un
scare : car, seul parmi les poissons, (le scare) rumine et mange tous les petits poissons qu'il rencontre.
(
Kerver, 1543) : Comment ilz signifioient l'homme gourmand & goullu. Quant ilz voulloient signifier ung homme gourmant ilz paignoient ung poisson appelle
Scarus en latin, pource que ce poisson seul de tous les autres reune comme les beufz & moutons & devore tous les petits poissons qu'il peut prendre.
[
34] Nostredame reconnaissait avoir eu cet héritage cet instinct naturel: de naissance légué par ses anciens géniteurs :
« le tout à esté calculé par le cours celeste, par association d'esmotion infuse à certaines heures delaissées, par l'esmotion de mes antiques progeniteurs [...] ayant supputé & calculé les presentes propheties, le tout selon l'ordre de la chayne qui contient sa revolution le tout par doctrine astronomique, & selon mon naturel instinct » (Lettre à Henry Second, p. 7, 17) ; « Quant à mon jugement, je suys le droict sentier de verité, jouxte que les anciens ont descrit, ensemble un
certain instinct naturel de mon genius bonus que j'ay receu de mes avites" (Almanach pour 1565, cité par Brind'Amour, 1993, p. 98).
[
35] Le vocable
Hiraclienne qui ressemble à Héracléenne (Heracleen dans
Orus Apollo Niliacque) peut facilement être décomposé en
Hira et
clienne ; le premier transcrit du grec
ἱρά, forme poétique de
ἱερά, féminin de
ἱερός signifiant d'une part admirable, fort, puissant, auguste, et d'autre part sacré, saint ; le second de
κλεεννός, glorieux, illustre, célèbre, renommé, loué, de
κλείω, célébrer, appeler, nommer. Célébrer
ayant aussi le sens de "sanctifier", et admirable de "célèbre", ces deux parties recomposées formeraient ainsi un néologisme pléonastique, spécifique au style nostradamien, de la maladie d'Héraklès : le grand mal, la sacrée maladie sacrée, redoutable.
Cf. Plutarque (
Scripta moralia, T2, Dübner, 1856, A.F. Didot ; p. 1201):
Τὸ δὲ τοῦ ἀνθίου θαυμασιώτατόν ἐστιν, ὃν Ὅμηρος ἱερὸν ἰχθὺν εἴρηκε · καί τοι μέγαν τινὲς οἴονται τὸν ἱερὸν, καθάπερ ὀστοῦν ἱερὸν
τὸ μέγα, καὶ τὴν ἐπιληψίαν, μεγάλην νόσον οὖσαν, ἱερὰν καλοῦσιν · ἔνιοι δὲ κοινῶς τὸν ἄφετον καὶ ἱερωμένον :
Maxime admirabilis est anthias piscis, quem sacrum Homerus appelat : etsi pro magno piscem sacrum quidam interpretantur, quo modo os magnum
sacri appellationem habet, et morbus comitialis quum sit magnus, sacer dicitur : alii sacrum eum intelligunt, qui liber ac dissimus sit, utpote alicujus numinis tutelæ consecratus. (
De solertia animalium, [981,D]).
Voir aussi une autre connotation de "sacré", dans le sens de "maudit" (cf. l'emploi de
sacer esto dans
www.logodaedalia.com/cantio.htm).
Cf.
Dictionarium Latinogallicum (
R. Estienne, 1552) : ¶ Sacer, Execrable, Detestable. vt.
[Frequento] Sacra. Ouid.
Celebrer, Solenniser.
[Sacrum] Facere sacra. Cic.
Celebrer quelque feste solennelle, ou Sacrifier, Faire sacrifice.
Cf. (
Estienne, 1549) :
Ceux qui celebrent pour argent, Sacrificuli mercenarij, B.
Cf. (
Nicot, 1606) :
Celebrer une feste, Festum diem agere, siue
agitare, Celebrare festum.
[
36] On pourra interroger la base de donnée médicale
Medline, en entrant par exemple
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[
37] Jean-Aymé de Chavigny (
La premiere face du Janus François, 1589 ; p. 33) : «
Quin mihi videtur styli obscutitatem à natura ipsa habuisse, non arte quae sijisse. Namque etiam ἄνευ ἐνθουσιάσμοῦ multa eiusdem vidi quae natatore Delio (ut in proverbio est) opus haberent, rudibus atque incompositis sermonibus simillima : Il me semble bien qu'il ait tenu cette obscurité de style de la nature elle-même, et qu'il ne l'ait pas recherchée pour l'art. Car même sans enthousiasme, j'ai vu bien des choses chez lui qui auraient eu besoin du nageur de Délos, comme dit le proverbe, et qui ressemblaient à des discours à l'état brut et improvisés. » (Cité
par
Brind'Amour, 1993 ; p. 435).
[
38] On trouve dans les
Prophéties plusieurs expressions étayant cette hypothèse, comme :
lésé l'éloquence en II-80 (à l'éloquence malaisée),
bouche close en V-96 (pour une mutité, une dysphasie),
Bleteram en VIII-36 (blatérer),
Babel en II-30 et Babilon en X-86 (pour babiller, blaterare en latin). Cette dernière paronymie a pu être empruntée à Jacques Sylvius : « la ville de
Babylon, babylard <babillard> », «
Babylon, babyl, babylard, pour
lingulaca <bavard> » (
Dubois, 1998 ; p. 231, 319), repris par d'autres lexicographes : « Babil,
à Babel, seu
Babylone, vbi extitit lingarum confusio. Loquacitas, Garrulitas. [...]
Vng babillard, Vng rapporte nouvelle, Vng deceleur de secrets » (
Estienne, 1549),
"
le vueil non vueil le mal parlant timide Par legitime à ses amys livrer" en X-85, expression qu'on pourrait relire dans cet ordre : "
le mal parlant timide livrer par légitime le vueil non vueil à ses amis". Avec
timide : craintif, timoré, signifiant
pieux dans la langue spirituelle des chrétiens (cf.
Luc, II, 25 :
δίκαιος καί εὐλαβής iustus et timoratus, juste et pieux) ;
livrer : délivrer, remettre, expliquer, traduire ;
vueil non vueil : velléité, timidité, ou vouloir sans vouloir,
consentir, bénévolance ou bienveillance. La participation d'
amys à coté
de
vueil non vueil fait penser à cette locution latine
idem velle, idem nolle, ea demum firma amicitia est (cf. Salluste,
de conjuratione Catilinae, 20, 4 ; Sénèque,
Lettres à Lucilius, XVII, 109, 16, Si le sage est utile au sage), reprise de longue main par des auteurs chrétiens comme Bernard de Clairvaux : « L'union sociale se trouve parmi les anges qui ont tous le
même vouloir et le même non-vouloir » (
Oeuvres complètes, T.4, 1866), récemment rapprochée d'une prescription de l'
Evangile (Jean 15:14) : «
Hoc est præceptum meum, ut diligatis invicem, sicut dilexi vos. Majorem hac dilectionem nemo habet, ut animam suam ponat quis pro amicis suis. Vos amici mei estis, si feceritis quæ ego præcipio vobis : Voici mon
commandement : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Il n'est pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande ». Vouloir une même chose et ne pas vouloir la même chose, vouloir et ne pas vouloir ensemble pareillement les mêmes choses : voilà la véritable amitié, le bon ordre des vrais amis.
(
Nicot, 1606) :
Livrer,
c'est mettre en la puissance d'autruy, Tradere,
Selon ce on dit, Je le vous livreray entre les mains, Tibi eum in manum dedam. ¶
Livrer, c'est aussi donner, Munus aut donatiuum dare,
Selon ceste signification est prins ce mot livrée, pour le don et present qui est fait à aucun à un jour de nopces, ou autre solennel. Vueil, Un mesme vueil, id est,
un mesme vouloir, Eadem voluntas.
[
39] (Taxil, 1602,
Traicté de l'Epilepsie, Livre I, Chap. 15 ; p. 138) : « Mais pour tous je ne veux mettre en jeu qu'un seigneur fort cogneu en Provence, lequel tire en admiration ceux qui considerent son entendement : car
estant dés sa naissance privé de l'ouye qui est le propre organe des disciplines, toutefois sans icelle il a habitué son ame aux sciences des Mathematiques, comprenant fort bien la valeur des lettres, lisant &
faisant ses responses pertinentes par escript ; ne semble-il pas que l'ame de ce seigneur ayant appris sans son propre organe tant des choses, que quasi par une simple apprehension comme les anges, & par la grandeur de son jugement, aye faict cela ? Si Aristote vivoit encores avec tous ses naturalistes, ils seroyent bien empeschés
de sçavoir comme ce personnage à apprins ce qu'il sçait,
sans l'ouye & sans la voix, & m'asseure qu'ils admiroyent plus sur cela qu'ils n'en resouldroyent. ».
[
40] Chavigny (
La premiere face du Janus François, 1594 ; p. 5-6, 11) : « Quant à l'esprit, il l'avoit fort vif et bon, comprenant legerement tout ce qu'il vouloit : le jugement subtil, la memoire felice & admirable, de nature
taciturne, pensant beaucoup &
parlant peu : discourant tresbien en temps & lieu : au reste vigilant, prompt & soudain, cholere, patient du labeur. Son dormir n'estoit que quatre à cinq heures : loüant & aimant la liberté de langue, joyeux, facetieux,
mordant en riant.
Parcissimo somno utebatur, laborum tolerantissimus, promptus lingua, promptior ingenio, taciturnus tamen : sed ita ut loquendi libertatem amaret, lætus, facetus, mordax. ».
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ANTHOLOGIA EPIGRAMMATUM GRAECORUM
selecta et ab omnium obscænitate vindicata. Cum Latina interpretatione.
1624 Flexiae (La Fleche) apud Ludovicum Hebert Typographum
ANTHOLOGIE GRECQUE
XI, Epigrammes bacchiques et satiriques (Trad. Aubreton)
1972 Belles Lettres
AUGUSTINUS HIPPONENSIS
Patrologiae Latinae 36, 38
1841 Migne, Paris
AZARI Nina P., NICKEL Janpeter, WUNDERLICH Gilbert, NIEDEGGEN Michael, HEFTER Harald, TELLMANN Lutz, HERZOG Hans, STOERIG Petra, BIMBACHER Dieter, SEITZ Rüdiger
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