LOGODÆDALIA

Clinique d'une comitiale agitation Hiraclienne


©
Dr. Lucien de Luca
    (Octobre 1993-2002 ; Avril 2007)




Vade mecum & memento... !!!




INTRODUCTION



CE QUI EST MAINTENANT DEMONTRÉ


le diagnostic clinique
le diagnostic sémantique

la dyslexie
 - Orus Apollo
    › taciturnité
    › quatre cens ans
 - Paraphrase de Galien
    › ineptes translateurs
 - Prophéties
 - Traité des Fardements
    › Lucillius
 

l'épilepsie
 - Préface à César
 - Prophéties
 - Almanachs
 
 
 
 
 
 

l'obsession
 - dans les Almanachs
 - dans les Prophéties
 
 
 
 
 
 
 

les raisons du mystères
 - l'absurdité apparente
 - l'écriture polyglotte
 - l'ambiguité lexicale
 - l'énigme logique
    › Lewis Carroll
 - le syndrome du phénix
    › Dante, l'Enfer
 - les pièges du raisonnement
 



CE QUI N'EST PAS ENCORE DEMONTRÉ
autres diagnostics
perspectives
histoire de l'exegèse
contexte spirituel

NOTES
BIBLIOGRAPHIE





Introduction


Sur Michel de Nostredame, alias Nostradamus, on avait relativement peu de renseignements biographiques, comparativement à son œuvre, d'ailleurs toujours largement incomprise, parce que mal lue. De l'homme, on avait surtout retenu qu'il pratiquait l'astrologie (comme presque tous les médecins de cette époque), maintenant synonyme de charlatanisme, de sorcellerie, magie et imposture, mais on avait oublié qu'il avait été d'abord, et pour toujours, médecin, premier traducteur en français de l'Exhortation à l'étude de la médecine de Galien. Fort peu de critiques ont imaginé qu'il pouvait souffrir d'une maladie neuropsychique expliquant sa production littéraire, sinon pour reléguer insidieusement l'écrivain dans le domaine péjoratif de la maladie mentale, voire de la malédiction, et tout comptes faits, de la superstition associée à la supercherie.
Et donc personne n'avait encore pensé – faute d'en bien connaître certains signes exceptionnels – à rechercher dans les Prophéties les signes littéraires d'une épilepsie psychique, ou temporo-limbique, le trouble n'ayant été réellement décrit pour la première fois par l'anglais Jackson en 1876 sous le nom de dreamy state, état de rêve en français. Et il a fallu attendre encore un siècle de plus, après l'observation contestée du neurologue français Alajouanine portant sur Dostoïevski, pour que l'américain Geschwind décrive en 1973 un syndrome religieux relatif à certaines épilepsies temporales, aussi rare que difficile à diagnostiquer. La description de ce syndrome associe en particulier des préoccupations spirituelles quasi-obsessionnelles à une hypergraphie, c'est à dire une production écrite abondante, excessive, à laquelle on ajoutera chez le polyglotte de Salon de Provence, les reliefs d'une dyslexie, voire d'une certaine dysphasie.
L'objet de mes recherches dans Logodaedalia (pour la recherche d'une langue morte) est précisément l'analyse de cette curieuse production littéraire en relation avec une épilepsie temporale, diagnostic que Nostradamus lui-même avait expressément désigné, dans la Préface à ses premières Prophéties, sous le nom de comitiale agitation Hiraclienne.
On rappellera encore que l'auteur de ces Prophéties écrivait à l'époque troublée des guerres de religion et des épidémies de peste, circonstances particulièrement traumatisantes pour les relations sociales et les âmes les plus sensibles. Dûe la nécessité de suivre l'œuvre de l'auteur dans tous ses détails, je me devais d'aborder – parmi tous les autres – les domaines contestés de la religion et de l'astrologie pourtant pratiqués par beaucoup de médecins de l'époque (y compris Fernel et Paré), et il ne serait pas tout à fait honorable pour un praticien de mépriser aujourd'hui ses vieux ancêtres combattant la peste et le choléra avec des moyens si dérisoires.

Ce qui est maintenant démontré

le diagnostic clinique :

Dans la Préface de ses premières Prophéties publiées en 1555, Nostredame se disait lui-même souffrant d'une comitiale agitation Hiraclienne, autrement dit d'une épilepsie – dite ἱερά νόσος en grec, ou morbus sacer en latin – puisque ces termes médicaux partagent la même sémiologie clinique, que selon toute vraisemblance le médecin de Salon connaissait déjà un peu [1]. Un demi-siècle plus tard, Jean Taxil, un de ses confrères provençaux en Arles, reprenait le diagnostic d'épilepsie, et y rajoutait celui de dysphasie en décrivant une surdi-mutité : «...& de nostre temps, noz practiciens nomment entre les grands Epileptiques, encores un Charles Quint, Empereur & Roy des Espaignes, grãd Monarque & d'un tres-subtil esprit. Quand à moy j'ay pris garde à cest inconvenient, & j'ay presque tousjours trouvé veritable, tellement qu'il me seroit facile d'en mettre icy en conte plusieurs qui sont ainsi de grand entendement, qui sont subjects à ce mal. Mais pour tous je ne veux mettre en jeu qu'un seigneur fort cogneu en Provence, lequel tire en admiration ceux qui considerent son entendement : car estant dés sa naissance privé de l'ouye qui est le propre organe des disciplines, toutefois sans icelle il a habitué son ame aux sciences des Mathematiques, comprenant | fort bien la valeur des lettres, lisant & faisant ses responses pertinẽtes par escript ; ne sẽble-il pas que l'ame de ce seigneur ayãt appris sans son propre organe tant des choses, que quasi par une simple apprehension comme les anges, & par la grandeur de son jugement, aye faict cela ? Si Aristote vivoit encores avec tous ses naturalistes, ils seroyẽt biẽ empeschés de sçavoir comme ce personnage à apprins ce qu'il sçait, sans louye & sans la voix, & m'asseure qu'ils admiroyẽt plus sur cela qu'ils n'en resouldroyent. C'est asses fourny d'exemples, & asses d'authorités pour la verité de ceste proposition, reste de l'illustrer de raison. Aristote & tous ses sectateurs disent, & concluent qu'iceux Epileptiques sont tels, parce qu'ils sont melancholiques, qu'ils soyent melancholiques, nous en avons ja cy devant apporté tant de raisons & authorités, que ce ne seroit qu'ennuy de les repeter : mais que les melancholiques soyẽt hommes de si brave jugement c'est la principalement où je me veux un peu arrester...» (1602, Traicté de l'Epilepsie, Livre I, Chap. 15 ; p. 138). Le nom de Nostradamus n'est pas expressément cité dans ce passage, mais Taxil, dans le chapitre VII du même ouvrage, à l'appui de ce seigneur provençal, mathématicien épileptique et sourd-muet, précisait qui était “ce prince des Mathematiciens Nostradamus” (p. 52) et parlait de lui comme un “medecin de sa profession, mathematicien meteorologique, non pas tant de son bon gré, que par la priere des Princes & des Rois ? Tel fust ce grand Nostradamus” (p. 54), à savoir un de ces astrologues du XVIe siècle qui se faisaient tous appeler mathematicus, selon l'usage à cette époque-là.

Il n'en faudrait pas davantage à un médecin quelque peu curieux de sémiologie neuropsychiatrique pour susciter l'envie d'ouvrir une enquête clinique sur ce diagnostic porté deux fois de suite il y a près de cinq siècles par ses deux confrères, mais négligé depuis par tous les critiques des fameuses Prophéties.
A cette fin, on remarquera tout d'abord que Taxil convenait d'une analogie entre épilepsie et mélancolie admise à l'époque, suite à une lecture d'Aristote semblant exposer une telle équivalence dans son fameux Problème XXX : « Διὰ τί πάντες ὅσοι περιττοὶ γεγόνασιν ἄνδρες ἢ κατὰ φιλοσοφίαν ἢ πολιτικὴν ἢ ποίησιν ἢ τέχνας φαίνονται μελαγχολικοὶ ὄντες, καὶ οἱ μὲν οὅτως ὥστε καί λαμβάνεσθαι τοῖς ἀπὸ μελαίνης χολῆς ἀρρωστήμασιν, οἷον λέγεται τῶν γε ἡρωϊκῶν τὰ περὶ τὸν Ἡρακλέα · καὶ γὰρ ἐκεῖνος ἔοικε γενέσθαι ταύτης φύσεως · διὸ καὶ τὰ ἀρρωστήματα τῶν ἐπιληπτικῶν ἀπ' ἐκείνου προσηγόρευον οἱ ἀρχαῖοι ἱερὰν νόσον ». En 1475 Théodore Gaza traduisait dans cet extrait le mot ἐπιληπτικῶν par morbum comitialem : « Cur homines qui ingenuo claverunt vel in studiis philosophiae, vel in republica administranda, vel in carmine pangendo, vel in artibus exercendis melancholicos omnes fuisse videamus ? & alios ita, ut etiam vitiis atrae bilis infestarentur, ceu inter heroas de Hercule fertur : hic enim ea ipsa fuisse natura putatur, & morbum comitialem sacrum ab illo, & Herculeum prisci nominavere » (Problematum Aristotelis, 1475), suivi de près par Pierre d'Abano : « propter quod egritudines epilenticorum & ab illo de nominabant antiqui sacrum morbum & herculeum ». Le commentaire en 1504 de Pietro Riccio, alias Crinitus, ne démentait pas davantage l'allégation de parenté entre "mal comitial" et "bile noire" : « Et Aristoteles philosophus et medici aliquot asserunt eos maxime homines comitiali morbo teneri, qui atra bile vexentur, et ingenio ac doctrinis excellant » (de Honesta Disciplina, XXV, 1). Et à leur suite, tous les auteurs ont traduit ἐπιληπτικῶν par “épileptiques” [2] : « Pourquoi tous les hommes qui se sont illustrés en philosophie, en politique, en poésie, dans les arts, étaient-ils bilieux, et bilieux à ce point de souffrir de maladies qui viennent de la bile noire, comme par exemple, on cite Hercule parmi les héros ? Il semble qu'en effet Hercule avait ce tempérament ; et c'est aussi en songeant à lui que les Anciens ont appelé mal sacré les accès des épileptiques. » (Barthélémy Saint-Hilaire, 1891). L'affaire est donc entendue : à la Renaissance et même encore plus tard [3], l'acception du mot "mélancolie" était loin d'être univoque et spécialisée dans le sens romantique qu'on lui attribue actuellement (Carlstedt, 2005), et là où on lisait "mélancolie" on pouvait parfois entendre "mal comitial", "mal sacré", et là où était écrit "épileptique" comprendre "atrabilaire" ou "possédé" (Temkin, 1994, pp. 21, 55, 150, 156, 366). Ainsi une telle confusion taxinomique rendait-elle le diagnostic clinique d'épilepsie mal assuré pour longtemps ; de même les dyslexiques Prophéties ont-elles encore aggravé la confusion sémiologique en égarant les lecteurs trop crédules vers la magie.
Pourtant, dans l'expression comitiale agitation Hiraclienne, l'usage de l'adjectif comitiale qualifiant le nom agitation ne permet pas d'envisager autre chose qu'une maladie convulsivante, parfaitement bien décrite par Lucrèce (De rerum natura, III, 478-509) et Celse (De medicina, III, 23), et dont le diagnostic schématique a été résumé par Jérôme Cardan pour ses collègues humanistes : « In morbo comitiali uti diximus sunt tria haec signa pathognomica, subitus casus in terram, convulsio, perditio sensus, & motus voluntarii, unumquodque horum trium est inseparabile : dans la maladie comitiale, on dit qu'il y a ces trois signes pathognomoniques : la chute subite à terre, la convulsion, la perte des sens et de la motricité volontaire ; et qu'aucun de ces trois signes ne doit manquer » (de Epilepsia, Lectio VIII). Seule l'épithète “Hiraclienne” posait un problème de résolution lexicale, puisqu'il s'agit d'un néologisme à type de mot-valise : néanmoins, on peut avancer que cet épithète qualifie seulement un genre très particulier d'agitation comitiale : c'est ce qu'il fallait démontrer.


la dyslexie


A l'appui du rapport de Taxil, Jean-Aimé de Chavigny, le familier de Nostredame déclarait (cité par Brind'Amour, 1993 ; p. 435) : « Quin mihi videtur styli obscuritatem à natura ipsa habuisse, non arte quae sijisse. Namque etiam ἄνευ ἐνθουσιάσμοῦ multa eiusdem vidi quae natatore Delio (ut in proverbio est) opus haberent, rudibus atque incompositis sermonibus simillima : Il me semble bien qu'il ait tenu cette obscurité de style de la nature elle-même, et qu'il ne l'ait pas recherchée pour l'art. Car même sans enthousiasme, j'ai vu bien des choses chez lui qui auraient eu besoin du nageur de Délos, comme dit le proverbe [4], et qui ressemblaient à des discours à l'état brut et improvisés. » (cf. grec δῆλος, visible, clair, évident). A la suite de Taxil, il n'est donc pas inutile d'étudier l'hypothèse d'un trouble du langage intéressant l'auteur des Prophéties, puisque celles-ci sont incompréhensibles à la plupart des lecteurs.

1) dans l'Interprétation des Hieroglyphes d'Horapollo


Comment taciturnité
Signifier voulant tayre ou silence
Qui est l'effect de taciturnité
Ilz escripvoyent ung nombre en aparence
Mil quatre centz et quinze bien compté
Qui est le terme sens rien soy mescompter
D'ans troys complis constitués au sens
Supputant l'an nombre de jours troys centz
Soixante et cinq que l'enfant son langaige
Vient prononcer car devand de ce temps
Sa langue n'a de parler bon usaige.

La lecture de cet épigramme, comparé à ses sources [5], pourrait faire croire que son auteur ne savait pas compter, ou qu'il était atteint de confusion mentale : ainsi trois fois 365 feraient 1415, bien comptés, on croit rêver... Mais en réalité, c'est une chose que calculer, c'en est une autre que conter, pour passer de l'un à l'autre il ne suffit pas de savoir lire, il faut aussi imaginer.

Dans la langue grecque, quatre cents pouvait s'écrire tetra-kosioi, très proche phonétiquement de tetra-eikosi, quatre-vingts. Et les diphtongues -oi et ei- prononcées comme un i (Lejeune, 1987) par iotacisme faisaient dire kosi et ikosi, cette similitude phonatoire ferait qu'un enfant de trois ans n'aurait alors pu articuler distinctement les deux nombres (Jakobson, 1969, Van Hout & Seron, 1983). Comme trois années solaires de 365,25 jours font exactement 1095 (mille nonante cinq, alpha koppa epsilon [6]) jours entiers, une diction enfantine imparfaite aurait pu faire dire plus facilement, et comprendre aussi (pour nonante) quatre cents (tetra-kosioi) au lieu de quatre-vingts (tetra-eikosi). D'autres langues que le grec offraient les mêmes pièges phonologiques, ainsi en égyptien pharaonique la numération orale faisait dire khémet pour trois, khém pour quarante, khémen pour huit, mais khéman pour quatre-vingts, tandis qu'en hébreu on a šmonah pour huit, šmonym pour quatre-vingts, et pour les mêmes nombres en arabe tamāny et tamānūna (Ifrah, 1994). Ajoutées aux conventions de position utilisées dans le calcul décimal (88 n'est pas 428), et aux changements de base (qui par exemple, font de quinze-vingts l'égal de trois cents, ou de onze cents l'égal de mil cent, différent de cent mille), ces difficultés phonologiques ne sont résolues, dans le meilleur des cas, qu'après l'enfance (du latin infantia, incapacité de parler, de for, fari, parler ; EMA).

Ces subtilités de prononciation d'une langue morte, certains hellénistes ne les dédaignaient pas jadis, et à la suite d'autres auteurs, Erasme ([7, 8] les avait soumis depuis 1529 à la curiosité de ses lecteurs assidus. L'usage pédiatrique qu'en aurait fait quinze ans plus tard le précepteur du futur César, instruit du rotterdamien De pueris, nous semble assez pertinent et digne d'une observation historique de neuro-psychologie.

On trouve dans le même recueil un autre endroit où il semblerait là aussi, à première vue, que Nostredame ait fait une grossière erreur de calcul :



Orus Apollo, II-89 (Nostredame,1545)

Comment ilz signifioient l'homme qui auroit vescu son juste eage.
L'homme qu'auroit acomply son droit eage
Et qu'a vescu jusques au terme parfaict
Signifier nous voulant ce passaige,
Une corneille font metre en vif pourtraict
Car elle vit cent ans de bien long traict,
Cessi vray estre ilz feurent consentens,
L'egiptien an estoit de par tel trait
Qu'il contenoit par lors quatre cens ans.

Ainsi, Nostredame comptait "quatre cens ans", là où Horapollon distinguait "quatre cycles révolus" [τεττάρων ἐνιαυτῶν], le texte grec faisant une nuance entre ἐνιαυτός (anneau, cycle, période, révolution, année révolue) et ἔτος (an, année) :


Horapollo, II-89 (Aldes, 1505)

Πῶς ἄνθρωπον ζήσαντα τέλειον βίον
Ἄνθρωπον ζήσαντα τέλειον βίον θέλοντες δηλῶσαι, κορώνην ἀποθανοῦσαν ζωγραφοῦσιν · αὕτη γὰρ ζῇ ἑκατὸν ἔτη κατ' Αιγυπτὶους, τὸ δὲ ἔτος κατ' Αιγυπτὶους τεττάρων ἐνιαυτῶν.
(Trad. Van de Walle & Bergote, 1943)
[Comment ils représentent un homme qui a vécu une vie complète.]
Voulant représenter un homme qui a vécu une vie complète, ils peignent une corneille qui meurt : car, au dire des Egyptiens, la corneille vit cent ans et, suivant (le système des) Egyptiens, l'année (ἔτος) est de quatre ans (ἐνιαυτῶν).


Mais Nostredame est le seul à traduire le grec τεττάρων ἐνιαυτῶν (quatre ans) par "quatre cens ans", ce qui a pour effet de faire comprendre "quatre siècles", comme si une année valait un siècle (du latin : sæculum ; en grec : αἰών : vie, durée de la vie, long espace de temps indéterminé, éternité, âge. Cf. Isidore, Etymologiarum Liber, V : « Tempora autem momentis, horis, diebus, mensibus, annis, lustris, saeculis, aetatibus divindutur », repris par Bède, De Temporum Ratione, II, 5). On pourrait conclure à une grosse bévue, à un lapsus associé ou non à une dyscalculie, voire à une palimphrasie (ou palilalie, répétition involontaire du même mot ou de la même phrase). Aucune des traductions dont l'helléniste de Salon a pu éventuellement disposer n'a rendu τεττάρων ἐνιαυτῶν autrement que par "quatre ans" :


Horapollo, II-89

(Trebazio, 1521)
Quomodo hominem qui ad justam aetatem vixerit.
Hominem qui ad legitimam aetatem vixerit significare volentes, cornicem pingunt, vivit enim haec centum aegyptiacos annos annus autem apud Aegyptios est quatuor annorum.
(Kerver, 1543)
Comment ilz paignoient l'homme vivant l'aage parfaict & acomply.
Voullans signifier l'homme qui a vescu l'aage parfaict & accomply, ilz paignoient une corneille mourant pource que la corneille vit cent ans selon les Egyptiens & l'an Egyptien contient quatre ans.


En réalité, nous sommes en présence d'une ambiguïté multiple : par homonymie (ou homophonie), et par assemblage (ou ponctuation), ainsi qu'on pouvait le déduire en 1542 du traité d'Aristote [9], au cas où on aurait manqué la lecture du traité de Galien dans l'édition aldine Des sophismes verbaux (1525, vol. 4, de captionibus quae in dictione consistunt).


• une ambiguïté par homonymie

– si l'an égyptien vaut quatre ans solaires, alors les mots "an" ne sont pas synonymes mais homonymes, désignant tantôt une durée de 365 jours et quart (an solaire), tantôt le quadruple (an égyptien). La raison pour laquelle l'an égyptien valait quatre années solaires était connue de Nostredame [10], tel qu'on le lit aussi dans son Orus Apollo :


Orus Apollo, I-5 (Nostredame, 1545)

Comment l'an ensuivant.
Quant ilz nous veulent monstrer tout ung tenent
Lan ensuyvant font la quarte partie
Dung champs escript lespace contenent
De cent coubdées par vraye symmetrie
An en leur langue par heure my partie
Est QUART nonme pour les deux oriens
Par lastre dict SOTHIS exorient
Pour la distance dung jour la quarte part
Lan du soleil troys cents soixante part,
Cinq jours cinq heures alant au droit sentier,
Dedens les quatre ung habonde a lescart
Quen quatre foys faict un jour tout entier.


En résumé, au V siècle ap. J.-C., à l'époque où écrivait Horapollon, on savait déjà que la révolution solaire de la Terre faisait trois cent soixante cinq jours et – grosso modo – un quart de jour ; donc, tous les quatre ans les astronomes devaient compter un jour supplémentaire [11]. Et de plus, la lecture du dernier héritier des scribes égyptiens enseigne encore que chez ses lointains ancêtres la surface d'un champ de cent coudées [12] et le quart d'un jour étaient synonymes pour décrire la durée de leur année.

– dans le texte de Nostredame le mot "cens" est l'objet d'une ambiguïté : relatif au latin centum, il représenterait une quantité maximale (Greimas & Keane, 1992), comme un an ferme, complet ; relatif au latin censum, l'expression "quatre cens ans" représenterait "quatre ans recensés", bien taillés, "bien comptés", c'est d'ailleurs cette dernière expression qu'on lit dans la strophe Taciturnité . Accordé à l'an égyptien de quatre années solaires, le cens nostradamien représenterait alors l'arrérage, le revenu du capital, comportant la dette d'un quart de jour qui, ajoutée quatre fois au terme de quatre années solaires, forme un jour entier.

– ainsi en II-89, là où Horapollon utilisait une homophonie désignant à la fois une année solaire et le quart d'un champ, un millénaire plus tard Michel de Nostredame a trouvé dans une formule paradoxale, peut-être inspirée de la lecture d'Hérodote [13], une périphrase homonymique exprimant la dette cumulée – le cens – de quatre quart de jour, ajoutée au capital de quatre ans de 365 jours : en somme, des années qui ont de l'intérêt.


• une ambiguïté par assemblage

– les mots an et cens sont donc affectés d'un ambiguité sémantique par homonymie. A cela s'ajoute une autre ambiguïté, par assemblage : en effet, le lecteur assemble naturellement les mots contigus quatre et cens pour former le nombre "quatre cent" (400), alors qu'en accordant cens au mot an, un lecteur plus attentif aux calembours verra qu'un an rapporte un cens valant précisément un quart de jour... Grammaticalement, l'expression "cens ans" est donc un mot composé de deux noms comme "année lumière" ou "mètre carré", de même construction que "goutte crampe" par exemple, jadis orthographiés sans aucun trait d'union, comme encore "chevau léger", "chauve souris", "chat huant" ou "chat fourré" [14].


• sémiologie des ambiguïtés lexicales dans le corpus nostradamien


Donc le lecteur est nécessairement invité à comprendre "quatre cent ans" là où il y a écrit "quatre cens ans" [15], eu égard à l'empreinte subliminale laissée par le consentens (i.e. consentant) de la rime précédente ; la probabilité que cette sorte d'écholalie soit dûe au seul hasard est assez faible, le rédacteur des Prophéties pratiquant assidûment les répétitions phonémiques, comme son maître Lucillius "coutumier à mal parler", habile à déblatérer.


2) dans la Paraphrase de Galien
Certains critiques cités dans le Répertoire Chronologique Nostradamique (Benazra, 1990, p. 26) ont trouvé cette œuvre si incompréhensible qu'elle n'aurait même pas valu la peine d'être lue : « je ne vis dans cette traduction souvent presque inintelligible, même avec le secours du latin, qu'une suite d'offenses à la grammaire et au sens commun, de contresens faits à plaisir, et d'omissions qui brisent le fil de la pensée, dans le but évident de révolter le lecteur et de se faire passer pour un fou ». (F. Buget, Bulletin du bibliophile, 1861, pp. 395-412). « Le style du traducteur est absurde, et n'offense pas moins le sens commun que la grammaire. » (J.-Ch. Brunet, Manuel du Libraire, t. IV, col. 106). Mais, dans cette Paraphrase, on trouve cependant quelques indications susceptibles d'orienter un lecteur averti vers un cas de dyslexie, cas totalement inédit et nouveau pour un médecin du XVIème siècle :
– « ceulx qui par moyen de leurs continuelles vigiles, venoyent mettre en lumiere quelque cas nouveau comprins par le labeur des lettres, qui fust digne d'estre leu » : quel est ce cas nouveau que le travail des lettres pourrait élucider, voire même provoquer [16], sinon un cas de comitialité dyslexique ? On ajoutera que, pour un élève réellement dyslexique, la lecture des œuvres imprimées au XVIème siècle – avec une typographie prêtant à confusion (u et v, i et j, f et s) – ne pouvait que poser une difficulté supplémentaire loin d'être négligeable, et qu'il convient d'évaluer aujourd'hui "en situation" (sol ou fol, fenestre ou senestre, ioue ou iove, etc).
– « que serõt quelques uns, à qui possible, qui ne pourroit nullement imiter la moindre partie de la translation vouldrõt calomnier quelque mot, que possible leur semblera aliené à leurs oreilles : mais l'œuvre à esté translatee, selon les exemplaires pour lors que par moy ont esté trouvez, que m'a esté possible de recourer jouxte ma faculté » : est-il vraiment possible à un profane d'imiter parfaitement le style d'un auteur, d'autant plus que celui-là serait dyslexique, alors que le plagiaire ne le saurait pas, le cas étant nouveau, totalement étranger (aliéné) à leur entendement ?
Ce cas nouveau de dyslexie trouve un exemple dans le texte de la dédicace, avec le Dixain :


CONTRE LES INEPTES translateurs.
A monseigneur le commandeur de Beynes (...)

Qui tournés locques, lasnide, & camisynes,
Le François n'ayme les noms tant pontilheux
Changeant la langue par telles voix mastines
Non usitees par chemin patilheux.(...)

où l'on voit que les néologismes employés sont une adaptation francophone de mots pris dans la langue de Galien : locques (grec λόκκη : vêtement), lasnide (latin laena < grec χλαῖνα : manteau de laine, ιδέα : forme, apparence, style), camysine (grec χλαμύς : chlamyde, casaque sans manche, camisole) ; ce sont des noms pontilleux (grec ποντός : passage), des noms passant d'une langue à l'autre, pensés dans une langue, entendus dans l'autre, des termes poilleux (prononcer poïeux, du grec ποιέω : créer, fabriquer, inventer), des mots habillés, fardés et déguisés, tournés à la mode hellène.

3) dans les Prophéties
Hormis une pluie de néologismes et autres hapax totalement incompréhensibles faute de lexique définitivement établi, on trouve plusieurs expressions déroutantes orientant aussi vers des troubles du langage particuliers à certains polyglottes : grand Mendosus en IX-45, Mandosus en IX-50, et Lous gros de Mende en IV-44 (du latin mendosus, mendum, mendax, défectueux, fautif, trompeur), la langue Arabe [17] mise pour le charabia en III-27 [18], Blois en III-55, V-34, ou VIII-52 (du latin blaesus, bègue, du grec βλαισός, aux jambes torses), Pselyn en I-42 (du grec ψελλός, dysarthrique : pour “psellos Selyn” [19], Barbare (du grec βάρβαρος, étranger, incorrect, incompréhensible [20]), l'ire insensée en II-34 et l'éloquence... du lesé en II-80 (cf. [21]), bouche close en V-96 (pour une mutité, dysphasique), Bleteram en VIII-36 (blatérer [22], pour un chameau, synonyme d'homme tardif dans les Hieroglyphica), Babel en II-30 et Babilon en X-86 (pour babiller, blaterare en latin). Cette dernière paronymie a pu être empruntée à Jacques Sylvius : « la ville de Babylon, babylard <babillard> », « Babylon, babyl, babylard, pour lingulaca <bavard> » (Dubois, 1998 ; p. 231, 319), repris par d'autres lexicographes : « Babil, à Babel, seu Babylone, vbi extitit lingarum confusio. Loquacitas, Garrulitas. [...] Vng babillard, Vng rapporte nouvelle, Vng deceleur de secrets » (Estienne, 1549).

4) dans les Fardements
Même la première publication non prophétique de Nostredame n'a pas trouvé grâce non plus aux yeux des critiques les plus exigeants : « Le Traité des Fardements et Confitures est écrit dans un français que plusieurs auteurs ont jugé mauvais, notant une addition de mots sans suite logique, une accumulation d'amphibologies et de termes équivoques, à tel point que l'ésotériste P.V. Piobb a pensé à la dissimulation d'une clef cryptographique.» (Benazra, 1990 ; p. 13). Pourtant l'auteur avait pris soin de prévenir avec insistance ses lecteurs que devant les difficultés de lecture, il valait mieux ne pas être avare de modestie et de patience – citant en exemple dans le proème de l'Excellent & moult utile opuscule un épigramme de Lucillius, “poête Grec ... coutumier à mal parler” :


ΛΟΥΚΙΑΝΟΥ (ΛΟΥΚΙΛΛΙΟΥ)

Τὴν κεφαλὴν βάπτεις, τὸ δὲ γῆρας οὔποτε βάψεις
  οὐδὲ παρειάων ῥυτίδας ἐκτανύσεις.
Μὴ τοίνυν τὸ πρόσωπον ἅπαν ψιμύθῳ κατάπλαττε,
  ὥστε προσωπεῖον, κοὐχῒ πρόσωπον ἔχειν.
Οὐδὲν γὰρ πλέον ἐστί · τί μαίνεαι ; Οὔποτε φῦκος
  καὶ ψίμυθος τεύξει τὴν Ἑκάβην Ἑλένην.

On remarque dans l'épigramme grec un jeu de mot sur une paronymie : προσωπεῖον, signifiant "masque", et πρόσωπον "visage" ; les deux mots ne sont pas complètement synonymes, et c'est la subtile dissonance phonétique qui permet de dénoncer la mascarade de la femme fardée, sa mise en scène trompeuse : le masque n'est pas le visage, l'apparence n'est pas la réalité, tout comme les apparences des Prophéties ne sont pas non plus leur essence :


Lucillus (Nostredame, 1555)

Combien que farde ta face envieillie,
N'ayes ja peur qu'on en oste les taches.
Puis que vieillesse ainsi t'assaillie :
Il n'est besoing qu'a mettre tu ne tasches
A ton visaige aucun fard que tu scaiches :
Qu'à ton corps puisse donner emblanchiment :
Car sublimé, ne ceruse, ne tasche
De rendre vielle, jeune par fardement.

On voit bien ici devant les multiples paronomases que, dans sa traduction en mauvais français, l'élève de Lucilius n'a pas échoué en s'emparant d'un procédé sytilistique tout à fait éprouvé pour trahir les faciétieuses velléités d'une espérance troyenne inextinguible. Les lecteurs les moins avertis de l'œuvre de Nostredame – et même tous les autres, s'ils désirent vraiment en démêler les pires obscurités – sont désormais invités à étudier les mécanismes neuro-psychologiques de lecture et d'écriture de ces auteurs sacrément “coutumiers à mal parler”.


l'épilepsie


Prévenu du handicap de dyslexie, il devient plus facile d'aborder ce qui est pourtant l'essentiel du trouble neuropsychique dont s'était accusé avec insistance le rédacteur de l'Interprétation des Hiéroglyphes, à savoir une comitialité. Quelques auteurs dans le passé, de Le Pelletier à Dupèbe, l'avaient compris comme n'étant qu'une anecdote, mais sans lui donner toute son importance, et sans imaginer non plus que ce mal comitial – cette épilepsie – était lié au syndrome dyslexique. Cette carence n'est dûe en réalité qu'à la difficulté du diagnostic, impossible à porter pour qui n'a jamais étudié la maladie dans ses manifestations psychiques. Et avant d'en rechercher les éléments biographiques, il convient de résumer ce que l'on connaît aujourd'hui d'un type particulier d'épilepsie.

La meilleure candidate à cette comitiale agitation Hiraclienne, à cette fureur poétique, à cet entendement agité serait une forme d'épilepsie partielle à symptomatologie psychique, temporale ou temporo-limbique, (ou encore psycho-motrice dans une autre classification), dont il existe plusieurs formes cliniques pouvant intéresser un médecin légiste. Temporale, pour le nom des structures cérébrales intéréssées (c'est à dire latérales : ni frontales ni occipitales) ; limbique (du latin limbus, ceinture) pour l'organisation des formations cérébrales para-médianes groupées en cercles concentriques ; ou psycho-motrice pour les manifestations psycho-émotives dont les structures précédentes sont les principales promotrices. Certaines de ces formes d'épilepsies ont été reconnues depuis peu comme des cas exemplaires, chez des écrivains incontestés comme Dostoïevski ou Kierkegaard, et longuement discutées chez quelques mystiques comme Saint Paul ou Sainte Thérèse d'Avila (Alajouanine, 1963-73, Freemon, 1976, Landsborough, 1987, Hansen, 1988, Foote-Smith, 1991, Lemaire, 1992, Stol, 1993 – p.145, Vercelletto, 1994-97, 2000), et depuis bien plus longtemps dans quelques âmes conquérantes [23], par un clinicien oublié, mais jadis réputé, et ceci bien avant la première preuve scientifique instrumentale.

C'est en 1876 que le neurologue américain Jackson décrit pour la première fois un état de rêve survenant chez certains patients épileptiques souffrant d'hallucinations psychiques, déjà reconnues au VIIe siècle par Arétée de Cappadoce [24], puis au Xe siècle par Albucassis, médecin arabe de Cordoue [25], et peut-être au XVIe siècle par d'autres médecins les mieux informés. Le vocable état de rêve provient de la traduction de l'américain dreamy state utilisé par Jackson, il et été plus approprié de parler en français de rêve épileptique ou d'épilepsie onirique. Quoiqu'il en soit, chez ces malades épileptiques pouvant présenter un état de rêve, les manifestations cliniques les plus fréquentes et les moins contestées sont : des sensations paroxystiques de déjà-vu-déjà-vécu, des impressions de scènes familières passées ou futures, des sensations d'étrangeté, d'irréalité, de réminiscences, associées à d'autres signes paroxystiques concomittants comme des hallucinations, des sentiments d'angoisse ou de peur, et des automatismes gestuels. L'ensemble de ces crises se déroule de telle manière que les patients gardent conscience du caractère illusionnel ou hallucinatoire de leur vécu : comme si les rêves étaient mêlés aux pensées présentes, ce qui a fait parler ces auteurs, avec Jackson, de dédoublement de la conscience, ou de diplopie mentale. La diplopie est un trouble de la vision où le patient voit double, cette diplopie mentale est donc une sorte de double vue neuro-psychique, mais non de voyance parapsychique.
Mais, pour être complet, d'autres atypies comportementales sont fréquentes chez certains épileptiques temporaux étudiés par quelques auteurs récents (Bear, Geschwind, Waxman) ayant décrit un syndrome (déjà ébauché au XIXe siècle sous l'appellation de folie religieuse) où les préoccupations ésotériques, théologiques, cosmiques et philosophiques tiennent une grande place (Lemaire, 1992). Ce syndrome, dont la réalité scientifique a toutefois été contestée par quelques uns (Benson, 1991), réunit selon les autres plusieurs signes parmi les plus fréquents : viscosité mentale, hypermoralisme, hypergraphie, irrascibilité et sexualité bizarre ; aucun de ces comportements particuliers n'est à lui seul caractéristique du syndrome, mais tous réunis font un ensemble qui est apparu plus fréquent dans certaines épilepsies temporales. Enfin, ces troubles de la personnalité sont durablement persistants en dehors des crises psycho-motrices et neuro-végétatives. Malgré le contenu philosophique ou religieux des idées exprimées, parfois dans de longs textes, le discours de ces patients est frappé de viscosité et de difficultés relationnelles, les empêchant de résumer brièvement des points essentiels ou de clore une conversation, comme s'il étaient en proie à une obsession.
Ainsi, l'hypergraphie du syndrome temporal (Waxman & Geschwind, 1974), qui est en réalité une manifestation scripturale de la viscosité mentale, s'exprime généralement au plan qualitatif encore par la rédaction ininterrompue de nombreuses expressions stéréotypées, parfois reproduites à l'identique plusieurs dizaines à quelques centaines de fois consécutives comme le tic tac d'un métronome, de précisions excessives ou redondantes, d'images en miroir et d'expressions gigognes, appartenant au domaine philosophique, ésotérique, ou religieux [26]. Dans ces épilepsies temporales, très souvent accompagnées d'épreuves funèbres, les stéréotypies interminables réprésentent les minutes d'un compteur, d'un moulin à parole. Parfois réellement vécues par certains malades confrontés au terme inéluctable de la vie, perçu tragiquement, les minutes de leur existence s'inscrivent alors mot-à-mot comme une suite prolongée d'unités destinée à prolonger leur vie. Alors que chacun sait qu'après la naissance il devra mourir, quoi qu'il arrive, certaines personnes ont une perception de leur fin plus dramatique [27]. La représentation de la mort, serait celle d'un compteur en panne, arrêté pour soi, alors qu'il continue pour les autres, et cette perception est indissociablement liée à celle du temps, et le temps à la mort ; c'est le terme du temps pour soi que l'on ne peut espérer dépasser que par la projection de soi dans celui qui, lecteur, vivra après, dans le passage du matériel au spirituel.
1) dans l'Interprétation des Hieroglyphica

Horapollon (II-8) : Πῶς νόσον δηλοῦσιν. Ἄνθη δὲ ἀνεμώνης νόσον ἀνθρώπου σημαίνει.
Van de Walle : [Comment ils représentent la maladie.] Les fleurs de l'anémone représentent la maladie de l'homme.
Trebazio : Quomodo morbum significant. Papaveris flores hominis morbum significant.
Kerver : Comment ilz signifioient maladie. La fleur appelle Anemone, c'est à dire pavot, signifie maladie.

NOSTREDAME (1543)

Comment ilz signifioient maladie
Comment ilz vouloient demonstrer maladie
Ilz faisoient paingdre la fleur pernicieuse
Du blanc pavot ou du noir quoy qu'ont die
Qui tient couleur aux incongneus paoureuse
Le blanc l'a presque toute cadavereuse
L'heraclien trop jaunastre en couleur
Le rouge ung peu se monstre sanguineuse
Et toutz les quatre ne monstrent que douleur.

Pour traduire en versifiant un simple ligne de grec décrivant les rapports de l'anémone avec la maladie, Nostredame est le seul à avoir pratiqué une large amplification, apparemment sans rapport avec le sujet, en l'ornant toutefois d'un détail certainement plus utile aux pharmacologues qu'aux astrologues. Car, dans l'Orus Apollo, si Nostredame utilise l'épithète “heraclien” pour qualifier un pavot jaunâtre utilisé dans les anciens remèdes contre l'épilepsie, c'est bien pour signifier et faire remarquer cette maladie-là et nulle autre processus, de même qu'en français le mot “comitial” n'a jamais désigné autre chose que le morbus sacer des Latins, c'est à dire l'epilêpsia des Grecs. On sait que Nostredame souffrait d'une arthropathie, probablement hyperuricémique, et aussi que les extraits de pavot étaient parfois employés dans le traitement antalgique des arthropathies ; mais si à cette occasion Nostredame a préfèré de cette manière désigner la maladie sacrée plutôt que la goutte, c'est que probablement l'affection neuropsychique lui paraissait plus digne de retenir son attention. On ajoutera que les opiacés n'ont jamais été aussi efficaces que la colchique dans le traitement des accès douloureux de la goutte, et que ceci était parfaitement connu au XVIème siècle.


Dans les anciens textes de matière médicale, on ne trouve pas de pavot (papaver) qui soit expressément décrit comme étant à la fois jaune (flavum, luteum ou croceo) et "heraclien" (heracleum, ou herculanum). Mais de la comparaison des diverses sources [28], on déduira que le pavot heraclien trop jaunastre de Nostredame correspondrait chez Théophraste au μήκων ἡρακλεία qui n'est (concernant les fleurs) ni blanc ni noir ni rouge, mais à feuilles blanchâtres, et chez Dioscoride au Papaver spumeum qui est aussi à feuilles blanchâtres ; ces deux pavots étaient censés protéger de l'épilepsie comme le résumait Pline. Parmi les papavéracées possédant une fleur jaune, on remarquera le Glaucium flavum et le Glaucium corniculatum (ou pavot cornu), aux pétales généralement rouges, mais parfois jaunes, ainsi que Meconopsis cambrica, toujours jaune. Néanmoins la couleur des pétales n'est pas l'élément le plus important pour décrire un végétal, et plus spécialement ses propriétés pharmacologiques principalement contenues dans ses alcaloïdes. Et parmi ceux-ci, présents dans la plupart des papavéracées, on retiendra que la glaucine (extraite des tiges et des feuilles de Glaucium flavum) et la protopine (dans la racine) ont des propriétés neurotropes ou psychodysleptiques nettement identifiées (Shafiee, 1977 ; Lovkova, 1980). Ainsi, la protopine qui interfère avec le métabolisme cérébral de la sérotonine possède des effets analgésiques et anti-dépresseurs (Xu, 1993 ; Xu, 2006), tandis que la glaucine est un antagoniste des récepteurs dopaminergiques D1 et D2, associés à des effets anti-psychotiques (Petkov, 1979 ; Ascencio, 1999 ; Loghin, 2003). Néanmoins les effets pharmacologiques de ces alcaloïdes, toxiques à fortes doses, diffèrent selon leur concentration et leur association entres eux, ce qui était jadis toujours le cas puisqu'ils étaient obtenus sans purification, même à partir seulement de l'une des parties de la plante, contenant toujours un grand nombre de substances ayant des effets très variés. En conclusion, les effets neurotropes des papaveracées sont réels, et c'est probablement pour en avoir remarqué certains fleuretant avec l'au-delà sacré que les anciens apothicaires pensèrent à qualifier d'heracleum l'un de ces pavots.
N.B. Parmi d'autres végétaux à fleur jaune ayant été appellés Heracleum on pourra trouver d'autres plantes de la famille des Apiacées (ou Ombellifères), productrices d'une gomme résineuse quasi méconiale, genre Sphondylium (ou Berce laineuse dont certaines espèces sont de couleur jaune d'après Loret et Spach) ou genre Opopanax, réputées elles aussi protéger de l'épilepsie et d'autres troubles neuropsychiques.


2) dans la Préface à César
C'est dans la Préface à César que l'on trouve chez Nostredame le premier témoin direct du diagnostic d'épilepsie, posé par l'intéressé lui-même lorsqu'il admet souffrir d'une comitiale agitation Hiraclienne.
Comitiale vient du mot latin comitia, désignant l'assemblée du peuple romain allant voter, et le comitialis morbus désignait l'épilepsie (du grec ἐπιληψία, interruption, arrêt soudain ; BSC), fort bien connue du confiseur de Salon [1]. Mais pourquoi cette comitiale agitation est-elle dite Hiraclienne ? Pour la signification de cet adjectif, plusieurs arguments peuvent être avancés. Le plus connu incline vers le choix d'un dieu souffrant classiquement d'épilepsie : Héraklès (Ἡρακλῆς en grec, la gloire d'Héra, l'épouse de Zeus, avec κλέος, la renommée), et sa déclinaison latine herculéenne, héracléenne hellénique.
Hiraclienne est ici un épithète dans une de ces expressions pléonastiques, récurrentes chez Nostredame [29], un mot composé de Hira (ἱρά, féminin de ἱερά ou de ἱρος) pour sacrée, ou grande, et -clienne (de κλεινός, illustre, célèbre, de κλέῶ, célébrer) pour renommée, fameuse, grande, autant dire sacrée [30].
De même que dans l'édition de 1555 on trouve en II-69 Hirarchie au lieu de Hierarchie, on trouvera Hiraclienne au lieu de Héracléenne, le préfixe Hira [31] confèrant une origine sacrée ou divine à cette comitiale agitation, qui serait également ‑clienne, parfois cachée dans les Prophéties sous les apparences d'un port incogneu [32], fort renommé (κλείς, porte, détroit, clef, renommé eu égard à la double acception du verbe κλείω : renommer, fermer, quasi fortifier ; BSC).
Hiraclienne est donc ainsi l'adjectif redondant, irréfutable, d'une ire (du latin ira, fureur, par le grec ἱερός, vif ; EMA) à clef, la maladie sacrée (iera nosos, avec ἱερά décliné poétiquement en ἱρὰ, auguste, admirable, fort, sacré, saint ; LSJ, TLG), une agitation comitiale, une épilepsie pour tous les profanes modernes, une possession divine pour d'autres mystiques démodés.

Au cas où certains profanes douteraient encore que cette comitiale agitation Hiraclienne ne soit pas le mal sacré (le divin mal) des Anciens qu'Aristote attribuait à la mélancolie (i.e. la bile noire) et Hippocrate au phlegme et aux vents (i.e. souffle : « C'est dans les changements de vents que l'épilepsie se produit » ; De la maladie sacrée, Littré, vol. 6. p. 385), qu'ils se reportent encore à cette déclaration de l'auteur lui-même dans sa Préface : « Combien que le seul Dieu eternel, soit celuy seul qui congnoit l'eternité de sa lumiere, procedant de luy mesmes : & je dis franchement que à ceux à qui sa magnitude immense, qui est sans mesure & incomprehensible, ha voulu par longue inspiration melancholique reveler, que moyennant icelle cause occulte manifestée divinement... ». Dans cette déclaration, Nostredame relie Dieu à trois éléments : ce qui est "grand" ou "sacré" (magnitude immense), ce qui est spirituel (inspiration) et ce qui est dit “mélancolique” (atrabilaire, i.e. a nigra colera), ou epilêptikon pour rappeler l'interprétation d'Aristote dans le Problème XXX-1.
Ensuite, on devra replacer dans son contexte humaniste et néoplatonicien cette comitiale agitation nostradamienne, très savante, très éloignée des spectaculaires convulsions corporelles connues de tout le monde : « Mais parmi les lettrés, ceux-là surtout sont oppressés par la bile noire qui, s'appliquant avec zèle à l'étude de la philosophie, détachent leur pensée du corps et des choses corporelles [mentem a corpore rebusque corporeis sevocant], pour l'unir aux incorporelles [...] De là vient que le corps des philosophes n'est qu'à demi vivant, pour ainsi dire, et devient mélancolique [quasi semianimum redditur atque melancholicum]. C'est ce qu'indique dans le Timée notre Platon, lorsqu'il déclare qu'à force de s'abîmer dans la fréquente et intense contemplation des choses divines, l'âme se développe et se fortifie au point de s'élever au-dessus du corps plus qu'il ne peut naturellement le supporter » (Marsile Ficin, De triplici vita ; Klibansky, 1989, p. 412, n. 54). A demi-vivant, ou à demi-mort, tel est bien l'état d'un comateux dans les suites d'une crise épileptique, ou d'un extatique pris d'une éclipse sacrée : « Et quant à l'ecstase, ils disent que c'est un sommeil melancolic, par lequel les forces de l'ame sont ensevelies, en sorte qu'il semble que l'homme soit mort  » (Bodin, 1604, De la démonomanie des sorciers ; p. 196). Et en continuant à suivre Ficin, on comprendra encore que l'inspiration mélancolique des philosophes est aussi l'esprit de prophétie de Nostredame : « D'où l'excellence en philosophie, surtout lorsque l'âme s'abstrait du corps comme des mouvements extérieurs et, s'approchant au plus près du divin, devient l'instrument des choses divines. Nourrie d'influences divines et d'oracles supérieurs, elle ne cesse de concevoir des pensées nouvelles et extraordinaires, devenant même capable de prédire l'avenir  » (Klibansky, 1989 ; p. 414, n. 56). Et pour les lecteurs d'Aristote et de Cicéron, cette inspiration mélancolique ressemblait au sommeil prophétique d'un mort vivant, d'un épileptique Hiraclien : « ὅμοιον γὰρ ὁ ὕπνος ἐπιλήψει, καὶ ἔστι τρόπον τινὰ ὁ ὕπνος ἐπίληψις : Car le sommeil est semblable à l'épilepsie et le sommeil est, en quelque sorte, une épilepsie » (Aristote, de Somno) ; « Ideo prophetia in dispositione simili venit epilepsiae : pour cette raison la prophétie vient comme en sorte de l'épilepsie » (Paraphrasis in librum de Divinatione per somnum, Aristotelis opera, 1562, T.6), « Ainsi quand l'âme s'est, dans le sommeil, isolée du corps et échappe à son influence, elle se rappelle le passé, discerne le présent, prévoit l'avenir ; le corps du dormeur est comme mort, son esprit est vivant et lucide. [...] La condition où se trouve le devin s'abandonnant à l'inspiration pendant la veille est précisément la nôtre dans le sommeil. Quand on dort, tandis que le corps allongé semble presque mort, l'âme vit fortement, libérée qu'elle est des sens et de toute pensée intéressée. » (Cicéron, de la divination, I, 30 ; I, 51).
Donc, la comitiale agitation Hiraclienne, qu'elle soit mélancholique ou épileptique, colère noire ou possession divine, est bien la maladie sacrée des Anciens, et rien d'autre.

3) dans les Centuries : on y trouve, là aussi, de très nombreuses allusions nosologiques exprimées dans des expressions tantôt traduites du grec ou du latin (langues par lesquelles il faut obligatoirement repasser pour faire le lexique nostradamien), tantôt directement compréhensibles en français, à la seule condition de connaître la sémiologie épileptique :
tremissent par les manches (I-2) : frémissement ou trémulation – et en particulier des mains, qui parlent souvent en même temps que la langue et la bouche – sont des euphémismes poétiques de ce qu'un médecin appelerait convulsion, spasme ou même crampe (du latin vellere : vulsi, vulsus, arraché, tiré, épilé ; EMA).
Un peur & voix (I-2) désignent des manifestations affectives, angoissantes (on ne pourrait se réjouir des annonces calamiteuses lues dans les quatrains), mélangées à des voix dont on ne sait si elles sont entrées par les oreilles ou sorties par la bouche, de toute leur hauteur. Ces voix seraient tantôt des auditions hallucinatoires, tantôt des paroles articulées, voire les unes et les autres. Mais la peur est certainement l'une des plus fortes et fréquentes émotions vécues dans l'épilepsie temporale (Alemayehu, 1995 ; Biraben,2001), elle laisse un souvenir menaçant, des traces psychiques profondes et durables, et parfois l'impression prolongée d'une renaissance inachevée ou d'une mort subite imminente. L'importance et la fréquence des thèmes macabres et morbides dans l'épilepsie temporale est telle qu'elle devient un des éléments du diagnostic, la distinguant des autres formes cliniques qui font pourtant, elles aussi, la brève expérience d'une mort subite apparente [33]. Et tel est le cas de Nostredame, collectionnant dans ses quatrains 137 mort(s), et 35 moura(ir, nt, rez, ront), devant seulement 34 nais(sance, stra, tront), 20 vie et 13 dieu(x), après 479 grand(e,es,s), record absolu (Dufresne, 1989). Cette collection n'est pas seulement le résultat d'un exercice littéraire, mais la conséquence d'une ou plusieurs expériences psychiques de la mort, d'un voyage de mort vécu (cf. VIII-87), qui nécessitent une lecture médicale des Centuries, car là où Nostredame écrit mort il faudra souvent lire maladie, épilepsie, comitialité, ou leur équivalent grec ou latin de saisie, possession, sommeil, coma, etc [34]. Ainsi, écrit-il en VIII-42 que « Mort dans sa tante [35] diront qu'il dort leans [36] ;», pour faire entendre que le sommeil Hiraclien ressemble à un état de mort, rappelant toujours ce qu'écrivait Aristote : « ὁμοϊον γάρ ὁ ὕπνος ἐπιληψία [Porro epilepsiae est somnus]  » (Du sommeil et de la veille, 457a). Et donc, avec près de quarante occurrences, là où on lira mal il faudra souvent entendre maladie, car pour un médecin bien averti des symptômes du grand mal comitial (ou même seulement du petit), ce qui paraît maintenant presqu'évident était resté lettre morte depuis près de cinq siècles, malgré toute la sémiologie littéraire qui l'accompagnait et en soulignait les caractères principaux : divin mal, rendra mal content, bon à mal, mal'heureux tourment, fera mal entendre, grand mal voir, grand mal ruyne, mal parlant, mors en parlant, mal incogneu, occult mal, Roy malade, qui naistra [de] sens hebeté, de sens trouble, perplex et trouble, en trouble ruyneux, etc.


4) dans la Paraphrase de Galien :
« la prophetie de l'escript de la Sibille, qui n'a guieres à esté trouvé es plus profondz abismes de l'Occident, proche des colonnes d'Hercules » : pour le médecin de Salon, la Sibille souffrait-elle aussi d'une agitation Hiraclienne, d'un mal caduc, quasi occidens, tombant là où se trouvent les colonnes Heracliennes...?
« ceulx qui par moyen de leurs continuelles vigiles, venoyent mettre en lumiere quelque cas nouveau comprins par le labeur des lettres, qui fust digne d'estre leu » : ce cas nouveau est-il celui d'un "furieux esventé", souffrant – par la fréquentation zélée des lettres – d'un "mal incogneu" à l'époque, à savoir maintenant une épilepsie psychique et dyslexique :
« pousons le cas qu'un furieux esventé viẽne a prescher la clarté de son genre, qu'il declaire son vice digne » : l'analyse des sources littéraires oriente vers une interprétation nosologique de l'expression "furieux eventé" ;

– ERASME : « Itaque fit, vt si vecors praedicet claritatem generis, declaret suum ipsius vitium minus esse venia dignum » (vecors : insensé, extravagant, GAF) ;
– GALIEN (VII, 3) : « εἰ καί τις ἠλιθίος ὢν ὑπομιμνῄσκοι τὸ λαμπρὸν τοῦ γένους » (ἠλίθιος : sot, stupide ; Bailly, 1950) ;
Traduction : « de sorte que si quelque insensé rappelle l'illustration de sa naissance, il rend son défaut plus impardonnable. » (V. Boudon, 2000, Ed. Les Belles Lettres)
– NOSTREDAME écrit-il furieux pour comitial, puis esventé pour agité, animé, inspiré, pneumatique, c'est à dire spirituel, Hiraclien ?

« vray est que ceste louange est plustost aux cailles & aux perdris » : On ne pourra s'empêcher de remarquer ce passage, car selon Pline (H. N., X, 69, 23) et Isidore (Etymol., XII, 7, 65) la caille était sujette à l'épilepsie ... et son sacrifice avait été pratiqué pour ressusciter Héraclès (souffrant de ce mal) ; de même qu'Aréthuse, la nymphe de l'île d'Ortygie (l'île aux cailles, alias Délos), disposait du pouvoir de se métamorphoser, de passer d'une vie à une autre...
– la raison d'être de cette traduction n'est donc plus maintenant une énigme, c'est (comme le titre original de l'œuvre l'indique) une Exhortation à l'étude de la médecine, à seule fin d'inviter le lecteur des Prophéties à considérer cette "comitiale agitation Hiraclienne" et la dyslexie qui l'accompagne comme un vice digne, une infirmité respectable, et un élément essentiel à retenir pour enfin comprendre sa production littéraire.

5) dans les Almanachs : l'expression « Contre ceux qui tant de foys m'ont faict mort » (Page de titre de La Grand'Pronostication nouvelle avec portenteuse prediction, pour l'An M.D.L.VII. , Chevignard, 1999, p. 394) pourrait laisser croire que certains l'auraient vu, ou cru le voir, dans cet état léthargique ressemblant au sommeil d'une épilepsie, selon Aristote qui poursuivait ainsi : « Or, il y a beaucoup de choses que racontent ceux qui ont éprouvé de forte syncopes et qui semblaient morts » (Aristote, Du sommeil et de la veille, 456b-457a). C'est à cela que pensent les nouveaux savants anglophones lorsqu'ils parlent de NDE, oubliant cependant que toutes les structures cérébrales ne sont pas aussi sensibles les unes que les autres à l'anoxie ou à l'hypoglycémie, que les différences de métabolisme cellulaire font que certaines structures neuronales – diminuant leur activité – perdent leur "conscience" avant d'autres, tandis que celles-là reprennent vie avant les premières, créant ainsi une sorte de dissociation mémo-sensorielle équivalente aux illusions héautoscopiques (Devinsky, 1989 ; Vuillemier, 1997), laissant croire à ceux qui les ont éprouvées le souvenir d'un voyage cosmique ou hors du corps..., comme ceux déjà racontés par des auteurs imaginatifs dans leurs romans d'anticipation.
Ainsi par la lecture de quelques illustres humanistes de la Renaissance – par le labeur des lettres – nous pourrions facilement déduire que de nombreux croyants furent probablement victimes d'hallucinations [37].


le syndrome obsessionel
Issu du syndrome épileptique, et encore bien plus méconnu, un syndrome obsessionnel finit de caractériser la triade Hiraclienne. Cette sémiologie obsessionnelle regroupe d'ailleurs plusieurs symptômes énumérés par Geschwind : hypergraphie, répétition, viscosité, etc.. Les deux syndromes neurologiques – épileptique d'une part, obsessionnel d'autre part – partagent parfois un même substratum anatomo-physiologique, tant et si bien que lorsqu'on procède parfois à l'ablation chirurgicale du foyer épileptique concerné, les symptômes obsessionnels disparaissent s'ils existaient (Kanner, 1997 ; Barbieri, 2005). Il n'y aurait donc rien de surprenant à ce qu'un patient souffrant d'agitation comitiale, pour peu qu'elle soit aussi Hiraclienne, souffre aussi malgré lui d'un manque d'hilarité, ou d'un excès de morosité, et plus souvent par obsession que par divertissement. Car on ne devrait pas s'étonner que le vécu souvent tragique des expériences ictales laisse des empreintes profondes dans le subconscient émotionnel des patients, et s'exprime parfois de manière obsessionnelle au cours de certains syndromes épileptiques au point d'en ressasser la chronique à longueur de pages, que ce soit dans les localisations temporo-limbiques de la maladie (Isaacs, 2004 ; Monaco, 2005), ou frontales (Levin, 1991 ; Helmstaedter, 2001).
Ainsi, certains automatismes bizarres – comme les tics verbaux du syndrome de Gilles de la Tourette – bien qu'exécutés sans préméditation, comportent de fréquentes anomalies d'expression verbale, parfois socialement incongrues, et sont généralement interprétés par un public non averti dans la totale ignorance de ce trouble neuro-psychique produisant tantôt des écholalies (répétition du même mot), tantôt des palilalies (répétition du dernier mot) irrépressibles, qui sont des manifestations verbales souvent rencontrées dans ce syndrome compulsif génétiquement déterminé (Pauls, 2003 ; Lee, 2005 ; Saccomani, 2005). Néanmoins, certains sujets – comme le Dr. Samuel Johnson, auteur en 1747 d'un Dictionary of the English Language – ayant souffert de ce syndrome obsessionnel ont pu bénéficier de talents reconnus dans le domaine de la littérature et des mots d'esprit (Piozzi, 1786 ; Boswell, 1791 ; Murray, 1979) ; et de même que tout le monde, eu égard à ses gènes, ne souffre pas de troubles obsessionnels compulsifs, de même tous les lecteurs d'épigrammes n'éprouvent pas nécessairement les mêmes passions pour les énigmes logiques, les ambiguïtés lexicales ou les abstractions de quintessence... Ainsi certains raffolent d'équivoques grivoises, d'autres de satires caricaturales, parfois même spirituelles quand elles ne sont pas religieuses...
Et de même que Newton, pour expliquer l'origine de son génie scientifique, aurait répondu : « by thinking continuously about them : en pensant continuellement qu'à ça », de même Nostredame ne rêvait sans arrêt qu'à Dieu, de manière obsessionnelle. Cette sacrée obsession, aussi comitiale qu'Hiraclienne, pourrait résumer à elle seule toute explication sur l'origine neuropsychique de son génie mystique, caché à l'oreille des profanes ; puisqu'aujourd'hui, craignant une honteuse excommunication..., plus beaucoup de scientifiques vertueux n'oseraient publier la moindre affiche sur une peccadille si indiscutable, comme si la religion ne pouvait nécessairement pas faire l'objet d'une réflexion rationnelle, ou d'aucune étude scientifique.
dans les Almanachs.
C'est sans doute dans les Almanachs que le style obsessionnel de Nostredame est le plus facilement identifiable, au moins pour des observateurs attentifs, même s'il sont de mauvaise foi. « Il y a des dizaines et des dizaines d'exemples qu'il est inutile de répertorier, mais on en remarque une recrudescence dans les almanachs pour 1565 et 1566. L'expression est souvent explicitée : “Dieu sur tous les astres”, ou développée : Dieu sur tout... qui remediera, qui nous preserve, qui decouvrira le tout à bon effet, qui nous aidera, qui par sa grace veuille le tout garder, qui mitiguera son ire, qui nous veuille contregarder, qui nous veuille octroyer l'annee en paix & bonne prosperite, qui par sa saincte grace nous veuille preserver de mal, qui gouvernera le tout, qui nous gardera de mal, qui nous fera l'annee paisible, qui donra gouvernement à son peuple, etc. » (Brind'Amour, 1993 ; p. 102-105).

dans les Prophéties
La plupart des lecteurs des Prophéties a remarqué depuis longtemps la très grande fréquence thématique des crimes, des guerres et des catastrophes, et en langage pseudo-médical on appellerait presque cela une manie [38], en fait une obsession. On retrouve d'ailleurs assez souvent plusieurs expressions nostradamiennes dérivées étymologiquement du mot "obsession", et parmi celles-ci : (être) assiégé, pris en otage, pressé, poursuivi, tourmenté, persécuté, torturé [39]. Tels sont en effet les qualificatifs qui s'appliquent aux émotions ressenties douloureusement par les malades souffrant de syndromes obsessionnels.

les raisons du mystère

1) l'absurdité apparente : tout le monde sensé est à peu près d'accord pour dire que, dans l'ensemble, l'œuvre de Michel de Nostredame est incompréhensible [40], et souvent absurde ; c'est le cas en II-32 devant une pluie faite de grenouilles, de sang et de lait [41] : mais le profane ignore qu'il s'agit de symboles de renaissance, qu'on peut trouver tantôt dans la lecture d'Horapollo, tantôt dans celle de Denys l'Aéropagite (cf. mon corrigenda §5).
Pour illustrer le genre d'absurdité cryptique pratiquée par Nostredame, je divertirai le lecteur en lui rappelant deux formules énigmatiques bien connues des Anciens, rapportées par Athénée [42] : « J'ai vu un homme coller de l'airain sur un homme avec du feu, si près que le sang les unissait ». Quelques lecteurs dédaignant l'art d'Hippocrate penseront que cela ne veut rien dire, mais les lecteurs de Démétrios [43] savent déjà que les « Mystères utilisent l'allégorie comme langage, pour que l'on soit frappé, que l'on frissonne, comme dans les ténèbres et la nuit ; d'ailleurs l'allégorie ressemble aux ténèbres et à la nuit » ; de même les lecteurs d'Aristote [44] se souviennent aussi « qu'avec de bonnes métaphores on peut trouver des énigmes bien faites, car les métaphores impliquent des énigmes ».
La seconde formule énigmatique – un homme non homme frappa sans frapper un oiseau non oiseau, perché sur un arbre non arbre, avec une pierre non pierre [45] – évoque, à coté de l'allégorie et du pléonasme pratiqués assiduement par le bibliophile de Salon [29], une autre trope nostradamienne, l'antithèse : "femme non femme" dans la strophe IV-57, "prins non prins" en IX-29, "vueil non vueil" en X-85, "iceux freres, non freres Aquilonaires" dans l'Epître à Henry, "homme vir non vir" dans les Significations de l'Eclipse (Chevignard, 1999, p. 450). Une lecture superficielle de ces antithèses pourrait laisser penser que ce ne sont que de simples formules décoratives, reprises à d'autres auteurs plus fortunés [46]. Par chance, l'élève de Galien usait aussi fréquemment de périphrases sophismatiques : vir non vir est un syntagme indissociable, synonyme d'Androgyne, car dans la sémiologie allégorique de la Renaissance, un androgyne est un être unique qui se crée de lui-même, une sorte de phénix [47], un père femelle qui se procrée de lui-même en mourant, en résumé un ressuscité, un survivant qui a échappé à une mort complète et définitive, de la seconde mort dantesque. La périphrase vueil non vueil est une antithèse associée à un pléonasme dans le même vers : "le veuil non veuil le mal parlant timide" ; les expressions vueil non veuil (voulant non voulant, velléitaire) et timide étant synonymes entre elles, mais aussi et surtout synonymes de pieux (craintif, révèrant Dieu) dans la langue des chrétiens, celle de la ligue couarde [48].De même, pris non pris est une périphrase traduisant le grec ἐπίληπτος : pris (au sens propre) et possédé (au sens figuré, comme épileptique, ravi, captivé, investi, assailli ou assiégé de questions ou d'attentions). Ce n'est qu'ensuite qu'on vérifiera dans l'ensemble du corpus si telle ou telle chaîne de synonymes est, ou n'est, pas valide. Et là, on ne regrettera pas que, en plus d'un nécessaire minimum de critique hypothético-déductive, le secours d'une recherche philologique minutieuse soit indispensable à la résolution des énigmatiques centuries.

2) l'écriture polyglotte est maintenant prouvée ; l'usage de très nombreux hellénismes et latinismes n'est pas discutable, encore que très largement sous-estimée par la plupart des nostradamisants, lesquels auraient pu se souvenir du charabia composé par Rabelais pour un étudiant limousin [49]. Ainsi doit-on réanimer – à tort ou à raison – l'ancien langage devant Angleterre (du vieux français anglet, hauteur, sommet [50], pour une terre bien élevée, spirituelle), Lusitans (de Lusus, fils de Liber, ou du latin lusi, lusito, jouer, s'amuser, ou de ludi, jeux religieux donnés en l'honneur des morts par les Etrusques ; GAF, EMA), contens (du latin contensum, de contendere, dispute, querelle, contestation ; Godefroy, 1885, Greimas, 1994), pempotam (néologisme, par le grec pempas, pemptos, cinq, cinquième, et potam, eau : qui pourrait être comprise ici comme la Cinquième Eau, la quintessence, l'Existence suprême), Paris (de par, pair, double), Brucelles en II-16 (brucelles : des petites pinces, des bercelles, de bersella, du latin volsella, de vello, vulsus, épilé, efféminé, spasmé, déchiré, tourmenté, quasi con-vulsus ; DMD, EMA, GAF), Chartres (de carcer, prison), Thoulouse (θολος, trouble, voûte, portique, rotonde, sénat des prytanes), eau Nymes (du grec νέος, du latin nouum, nouveau, renouveau, pour traduire NUM, l'inondation du Nil dans les Hieroglyphica ; cf. [51]), Tucham (latinisme de l'accusatif grec τύχην, sort, destin), épithète d'Agde, dans l'expression “Agathe, la bonne fortune” [52], Maiotes (du grec Μαιῶτις λίμνη, marais Méotide, de μαιωτικός Méotide [53], synonyme de μαιευτικός, accoucheur socratique), Avignon (Avenio en latin, dérivé de venio, je viens, advenio, je viens auprès de là), Occident (du latin occidens, caduc, tombant, couchant, déclinant, assommant, tuant), l'estinique (du grec ἔστιν, verbe être conjugué à la 3ème pers. du singulier, désignant le vieillard taciturne de la Paraphrase : Dieu – Celui qui Est – dans l'Exode, 3, 15), synonyme d'Olestant vieux (ολη de ὅλος, tout, entier estant, estinique ; vieux : mocqué, frustré, puis nouveau, nay [54]) ou de Lonole (du grec ὄν, participe présent de εἰμί, être : l'estant, et de ολη), Aemathien (du grec αἷματος, hématie, sang, pourpre : φοῖνιξ, vin, meurtre, rouge : φοίνιος), lequel dira tout je soubmets : j'étudie toutes les hypothèses (du grec ὑπόθεσις, ce qui est mis dessous), peste (du latin pestis, mort, destruction, épidémie ; EMA), lepre (du grec λεπρός, écailleux, croûteux, et de λέπω, écosser, frapper, manger ; BSC, [55, 56, 57, 58]). Sur le même modèle, l'emploi de pseudonymes est probable avec Bruges en V-94 et VIII-49 (du flamant brug, pont, passage, ou du grec par le latin Phryges, Troyen : cf. I-19, II-61, V-74-87, VI-52), Nuremberg en III-53 et VI-15 (la nouvelle Rome, les montagnes Noriques en III-58), ou Witemberg en VI-15 (un mont blanc, ou vigilant).

Une autre cause de cette absurdité réside dans l'usage d'un langage polyglotte : nonobstant le français apparent, truffé d'archaïsmes et d'innombrables néologismes, on y a trouvé depuis longtemps – hormis du provençal – du grec et du latin (cf. Videl : "en parlant françoys tu veux eschorcher le grec & latin ensemble"), voire quelques emprunts au basque, au flamant ou à l'allemand, certaines tournures italiennes, mais il s'y cache aussi de l'hébreu :
On trouvera un exemple cryptique de translittération de mots hébreux avec NERSAF en VIII-67 (רנ NER, lampe, lumière ; סף SAF, porte, source), mot composé traduisant un passage lumineux, voire un pontife éclairé. Il n'existe aucune raison impérative pour trouver dans ce mot un anagramme, alors qu'on en trouvera facilement beaucoup [59] pour considérer que NERSAF est bien un hébraïsme travesti en lettres latines par un polyglotte rompu à la fréquentation des textes apostoliques et patristiques, un illuminé comme Syméon le Théologien, un humaniste passionné lecteur d'Erasme, un dyslexique obsessionnel confondant sans impertinence "Salut" et "Sauveur", "bon jour" et "à dieu"...

3) l'ambiguïté lexicale : quelques auteurs serviront de modèles historiques aux ambiguïtés nostradamiennes concourant à maintenir le mystère de leur signification :

• Galien dans les Sophismes verbaux ;

Sextus Empiricus (Contre les Professeurs) [60] :


« Ainsi, si l'on dit [il barbarisait tout avec des blessures à la main, en comprenant] que barbarisait est mis pour jouait de la syrinx (car les Syriens sont des barbares), tout pour Pan (puisque tout et pan sont synonymes), et blessure pour fistule, (puisque syrinx [=fistule] c'est une espèce de blessure), on obtiendra à peu près “il jouait de la syrinx, Pan, avec la syrinx à la main”. »
« Supposons un poème composé de mots - sans précision aucune, comme celui-ci :
Oui, les deux chéris sous les deux monts auraient péri,
Bien basse nature ils t'auraient aussi alloué :
Dans l'articulation-bouclier les membres descendus du tronc,
Torses, voici qu'ils se tournent jusqu'aux roues,
Et les sombres renards en dessous, jusqu'à la souple harmonie
Du receptacle d'éternité concourent. »
« Que diront les grammairiens ? De quels chéris s'agit-il, de quels monts, que veut dire articulation-bouclier et roues ? Et que veulent dire les mots tronc, renards, réceptacle, éternité et harmonie, s'ils ne sont ni des expressions figurées ni explicables par des histoires, mais pris dans un sens qui fait autorité ? S'y arrêteraient-ils mille fois que les grammairiens ne le sauront pas. »

En résumé, on trouvera dans les Prophéties nostradamiennes comme dans les exemples précédents tout ce qui peut concourir à rendre les ambiguités lexicales énigmatiques : une écriture polyglotte doublée de paronymies, car c'est ainsi que les humoristes déguisaient d'un masque leurs noms, bien avant et bien après les humanistes [61].

4) l'énigme logique
Donc, les Prophéties de Nostradamus sont énigmatiques, chacun s'accorde à le penser – même si certains les prêtent encore à des faussaires (lesquels d'ailleurs resteraient toujours largement incompris) – mais elles sont réunies entre elles par des liens sémantiques logiques, reliant chaque quatrains comme dans une grille de mots croisés : de proche en proche, ce qui est valable là doit l'être un peu plus loin, jusqu'à former un ensemble cohérent avec chacune de ses parties. On trouve dans la littérature quelques exemples illustrant la construction logique d'une énigme.

1) l'Enigme trouvé es fondements de l'abbaye des Thelemites dans le Gargantua, empruntée à l'Enigme en Prophétie de Mellin de Saint-Gelais, était une énigme d'un genre très répandu à l'époque. On peut en trouver la solution assez facilement, car elle est rédigée dans un langage compréhensible, et les sources sont connues, mais il eût été plus difficile de la déchiffrer si l'auteur l'avait composée dans le style des dialogues de Panurge, ou celui des Ballades en Jargon de Villon (pour la compréhension desquelles il fallut attendre quatre siècles et le talent de Marcel Schwob).

2) le nombre de Plutarque : exposé dans la réponse d'Hipparque à Chrisippe – expliquant qu'avec seulement dix propositions élementaires (telles que a, b, c,... j) on pourrait construire 103 049 propositions complexes affirmatives et 310 952 négatives [62]] – il permet d'imaginer que la solution des énigmatiques Prophéties pourrait tenir dans une seule poignée de quelques propositions élémentaires, chacune ayant un nombre quasi illimité de synonymes.

3) l'exemple de Lewis Carroll : le problème de la côte de porc, une fameuse énigme déguisée en absurdité (Poundstone, 1990) finirait d'emporter la conviction de logiciens hermétiques aux Prophéties :


1. Un logicien, qui mange des côtes de porc au dîner, perdra probablement de l'argent ;
2. Un joueur, qui n'a pas un appétit féroce, perdra probablement de l'argent ;
3. Un homme déprimé, qui a perdu de l'argent et qui va sans doute en perdre plus, se lève toujours à 5 heures du matin ;
4. Un homme, qui ne joue pas et ne mange pas de côte de porc au dîner, est certain d'avoir un appétit féroce;
5. Un homme enjoué, qui se couche avant quatre heures du matin, ferait mieux de devenir chauffeur de taxi ;
6. Un homme à l'appétit féroce, qui n'a pas perdu d'argent et ne se lève pas à cinq heures du matin, mange toujours des côtes de porc au dîner ;
7. Un logicien, qui est en danger de perdre de l'argent, ferait mieux de devenir chauffeur de taxi ;
8. Un joueur sérieux, qui est déprimé bien qu'il n'ait pas perdu d'argent, n'est pas en danger d'en perdre ;
9. Un homme, qui ne joue pas et dont l'appétit n'est pas féroce, est toujours enjoué ;
10. Un logicien enjoué, vraiment sérieux, n'est pas en danger de perdre de l'argent ;
11. Un homme dont l'appétit est féroce n'a pas besoin de devenir chauffeur de taxi, s'il est vraiment sérieux ;
12. Un joueur, qui est déprimé bien qu'il ne soit pas en danger de perdre de l'argent, reste debout jusqu'à quatre heures du matin ;
13. Un homme, qui a perdu de l'argent et qui ne mange pas de côte de porc au dîner, ferait mieux de devenir chauffeur de taxi, à moins qu'il ne se lève à cinq heures du matin ;
14. Un joueur, qui va se coucher avant quatre heures du matin, n'a pas besoin de devenir chauffeur de taxi, à moins qu'il n'ait un appétit féroce ;
15. Un homme à l'appétit féroce, qui est déprimé bien qu'il ne soit pas en danger de perdre de l'argent, est un joueur.


La question que pose cette énigme n'est énoncée dans aucune des quinze propositions, car elle l'est dans l'ensemble de toutes. Mais si l'on n'imagine pas qu'il puisse y avoir une seule solution, on pourrait être tenté d'en voir aucune, comme plusieurs. Et la solution unique à ce problème de la côte de porc tient dans l'assemblage (logique et compatible avec les quinze propositions) de seulement quatre variables (être logicien, être honnête, se lever tôt, se coucher tard), qui pourraient tenir aisément dans un seul vers nostradamien, au style près. Sur les onze variables utilisées pour poser le problème, sept sont absentes de la solution, et en particulier la plus absurde : celle de la côte de porc. Pour atteindre la solution de l'énigme, il y a donc eu réduction du nombre des variables, certaines d'entre elles étant synonymes (être enjoué ou ne pas être déprimé, être sérieux ou ne pas jouer), d'autres indifférentes (le régime alimentaire, conduire un taxi) ce qui semble être aussi le cas de l'énigme nostradamienne utilisant de nombreux synonymes.
Pour résoudre ce problème de logique, il faut d'abord le prendre au sérieux : imaginer qu'il puisse y avoir une proposition supplémentaire (la solution) qui puisse satisfaire aussi à toutes les autres, isoler les variables, les identifier, ensuite faire 2 puissance 11 hypothèses, soit 2048 hypothèses distinctes, ne pas se décourager, puis faire une chaîne de déductions toutes compatibles entre elles dans un ordre progressivement croissant, ce qui reviendrait un peu à faire une grille de mots croisés sans connaître l'affectation des mots sur la grille. Une des difficultés de ce problème de la côte de porc tient à ce que chaque proposition relie au moins trois variables booléennes ou plus, par exemple les logiciens, les joueurs, ceux qui ont un appétit féroce, etc. Le calcul numérique a trouvé une valeur optimale pour le rapport entre le nombre de propositions et le nombre total de variables (ce rapport vaut 4.25 pour des propositions à trois items, 9.9 pour quatre items, et 21 pour cinq items ; Delahaye, Juillet 1995), en-deça il n'y en a pas assez pour résoudre le problème, au-delà le nombre de propositions différentes est très vite trop grand pour être toutes cohérentes entre elles (satisfiables). Forts de cet exemple combien pourrait-on compter de propositions et de variables booléennes dans les Centuries de Nostredame, combien chaque quatrain associe-t-il de prémisses (de propositions différentes), peut-on facilement identifier ces variables et ces propositions, ces propositions sont-elles vraiment toutes compatibles entre elles, existe-il des problèmes différents à résoudre et combien, etc. ? Pour répondre à une question (un seul problème) comportant douze variables booléennes, le nombre d'hypothèses à formuler serait égal à 4 096, et pour vingt 1 048 576. Les Centuries, avec 3764 vers de 4 à 6 mots environ pour 941 quatrains, appartiendraient à une catégorie de formule infiniment grande, et donc particulièrement difficile à résoudre, sauf à trouver des variables n'ayant qu'une seule signification (Cocco, 2002), à savoir des synonymies essentiellement.
En outre, les expressions des Prophéties rassemblent de nombreux néologismes totalement inédits – comme l'auteur d'Alice au pays des Merveilles les pratiquait lui-même aussi – rendant encore plus difficile la recherche d'une solution. Il y a une probabilité, a priori pas totalement nulle, pour que l'ensemble des Centuries reçoive une solution, tel semblait être l'avis de leur auteur : « Mourir celuy qui ceci bien accorde » (Almanach pour l'An MDLXVII ; cf. Benazra, 1990, p. 76) ; ce qui éviterait à leur auteur de rejoindre le cortège des délirants schizophréniques et psychotiques (Toone, 2000, Sachdev, 2001, de Toffol, 2001).


4) le syndrome épileptique est-il à l'origine des Prophéties ?
Ou encore la comitiale agitation Hiraclienne est-elle responsable : a) de l'énigme b) des prévisions astrologiques ? A ces deux questions, nous pouvons répondre oui, sans difficulté. D'une part nous avons réuni quelques arguments biographiques, cliniques, physiologiques et génétiques (Lewis, 1994, Habib, 2000, Billingsley, 2001, Tek, 2001, Brodtkorb, 2002, Winawer, 2002, Monaco, 2005) permettant d'affirmer, concernant le cas de Nostredame, que les éléments obsessionnels et dysphasiques sont indissociables de son syndrome épileptique, et que d'autre part cette dyslexie est responsable – au moins en partie – de l'énigme, par la difficulté que l'on éprouve à lire et à comprendre le discours nostradamien. Mais il y a plus. Car on sait depuis longtemps, mais cela a certainement été un peu oublié, que le vécu du morbus sacer est celui d'une mort apparente, d'une éclipse mentale récurrente (par la répétition des crises), et aussi – élément qui ne pouvait jadis échapper à aucun croyant – à une résurrection, même si une forte connotation diabolique est longtemps restée attachée à ce mal [63,64].

C'est en effet ce qu'on peut lire un passage de la Divine Comédie, texte que tous les humanistes connaissaient :

 
INFERNO ~ Canto XXIV ~ (v. 97-120)

   97


Ed ecco a un ch'era da nostra proda,
s'avventò un serpente che 'l trafisse
là dove 'l collo a le spalle s'annoda.
 100


Né O sì tosto mai né I si scrisse,
com' el s'accese e arse, e cener tutto
convenne che cascando divenisse ;
 103


e poi che fu a terra sì distrutto,
la polver si raccolse per sé stessa
e 'n quel medesmo ritornò di butto.
 106


Così per li gran savi si confessa
che la fenice more e poi rinasce,
quando al cinquecentesimo anno appressa ;
 109


erba né biado in sua vita non pasce,
ma sol d’incenso lagrime e d’amomo,
e nardo e mirra son l’ultime fasce.
 112


E qual è quel che cade, e non sa como,
per forza di demon ch’a terra il tira,
o d’altra oppilazion che lega l’omo,
 115


quando si leva, che ’ntorno si mira
tutto smarrito de la grande angoscia
ch’elli ha sofferta, e guardando sospira :
 118


tal era 'l peccator levato poscia.
Oh potenza di Dio, quant' è severa,
che cotai colpi per vendetta croscia !
   

Traduction de F. Lamennais (1855).

Et voilà que sur l'un d'eux, qui était près de la même rive que nous, s'élança un serpent qui le piqua là où le col s'articule à l'épaule ;
Jamais ni O, ni J ne s'écrivit aussi vite qu'il s'enflamma, et brûla tout entier, et tomba réduit en cendres :
Et lorsqu'ainsi détruit il fut gisant à terre, la poussière aussitôt se rassembla, et d'elle même redevint le même corps qu'auparavant ;
Ainsi, au dire des grands sages, le Phénix meurt et ensuite renaît, lorsqu'il approche de sa cinq centième année.
Il ne se nourrit, durant sa vie, ni d'herbe ni de grains, mais de larmes d'encens et d'amôme ; et le nard et la myrrhe sont ses derniers langes.
Tel que celui qui tombe et ne sait comment, que la force du démon l'ait jeté à terre, ou un autre mal qui lie l'homme,
Quand il se relève, regarde autour, troublé par la grande angoisse qu'il a soufferte, et, regardant, soupire.
Tel était le pécheur, après s'être relevé. Oh ! que sévère est la justice de Dieu, dont la vengeance frappe de tels coups.


Ce n'est certainement pas au hasard que Dante réunit à la suite ces trois symboles que sont le serpent, le mal caduc et le phénix : on peut les interpréter comme des symboles de renaissance après une visite passagère dans le monde des morts : c'est-à-dire l'enfer.
– le serpent (attribut médical et biblique) par sa morsure, guérit le pécheur de ses fautes, comme le serpent brûlant de l'Ancien Testament : "L`Éternel dit à Moïse: Fais-toi un serpent brûlant (latin : serpenteum aenum, grec : ὄφιν ; hébreu : saraf ; en égyptien, flamme : ns, vipère à corne : jt) et place-le sur une perche (latin : pro signo, grec : ἐπί σημεῖου, hébreu : nes [étendard, signal, cf. Isaïe, 11-12]) ; quiconque aura été mordu, et le regardera, conservera la vie. Moïse fit un serpent d`airain, et le plaça sur une perche ; et quiconque avait été mordu par un serpent, et regardait le serpent d`airain (latin : serpenteum aenum, grec : ὄφιν τόν χαλκοῦν [de χαλκός : bronze, airain, cuivre], hébreu : nachash [serpent] nechosheth [cuivre]), conservait la vie" (Nombres, XXI, 8-9) ;
– l'épileptique, dans son coma passager (un malade en état de mort apparente) "guérit" après la crise, laquelle avait depuis longtemps une connotation infernale, attestée chez les Babyloniens (Stol, 1993) et les Egyptiens qui désignaient cette maladie des enfants (ben encore en hébreu) par le mot nsjt (nsyt, Schneble, 1987), résumant l'action un démon (Halioua, 2002), dans lequel figurent le signe F20 : la langue d'un serpent [65], et le signe A14 : un homme tombé (latin caducus), du sang coulant (grec φοίνος) de la tête ;
– le phénix parce qu'à peine mort d'une chute sanglante, il renaît de ses cendres (i.e. des flammes, donc de l'enfer).

En conséquence, on ne voit pas pourquoi seul Dante serait autorisé à réunir ensemble, dans l'espace serré d'une vingtaine de lignes, cette triple renaissance symbolique : le phénix, l'épilepsie et le serpent, et pourquoi on refuserait à Nostredame la même association allégorique.

Ce qui explique chez Nostredame l'emploi des concepts de passage (cf. grec πάσχα, de l'hébreu pasah) et dualité (illustrée avec Janus, un port à deux têtes), exprimés de façon paradoxale (la maladie diabolique est le mal divin ; la mort étant aussi pour lui une naissance à un autre monde, léthargique ou spirituel, nouveau), ainsi que l'emploi du thème de la Renaissance – révolution cyclique et cosmique – étendu à l'astrologie (cf. mon corrigenda §5).
C'est encore l'Interprétation des Hieroglyphes qui permet de réunir – avec l'image du phénix – les différents élements du puzzle nostradamien. Le phénix est l'emblème mythologique réunissant toutes les qualités étymologiques et sémantiques nécessaires à l'analyse des Prophéties : mort et renaissance, parthénogénèse et androgynie, bipolarité terrestre et divine, cycle astral de cinq siècles :


Comment celuy qui revient tard de sa pérégrination
Voulant escripre au vray ce que convient
Celuy qui tard revient de son voyage
Paignoient le Phénix qu'en Egipte revient
Lors quant il a d'ans cinq cens de bon aage,
Car quant est proche de sa fin d'avantaige
Que le Phénix s'en retourne en Egipte
Il est traicté par mistères licite
Tout ce qu'ilz ont acoustumé de fayre
D'atribuer aux oyseaulx ont cogite
Tel honneur rendre à luy ont délibère.


Le phénix égyptien était représenté comme un aigle au plumage rouge et or selon Hérodote [66], appelé par les scribes benu [67], ou comme un héron [68] apparaissant aux couleurs de l'aurore sur la rive orientale du Nil au début de sa crue, un pêcheur marchant lui aussi sur l'eau, ainsi que son écriture phonétique le figurait formellement (une jambe pour b, de l'eau pour n). Ce cycle de cinq cens, attribué ce magnifique oiseau fabuleux, est aussi celui des Prophéties en II-88, et III-94 :


De cinq cent ans plus compte lon tiendra
Celuy qu'estoit l'ornement de son temps:
Puis à un coup grande clarté donrra
Que par ce siecle les rendra trescontens.

(1557 : cens ans/ on tiendra/ l'aornemẽt/ clarté dourra).


Mais pourquoi cette période de cinq siècles serait-elle attachée à la renaissance du phénix ? Pour toute réponse, « Maintenant, veux-tu connaître les raisons mystiques de ces calculs ? » demandait un moine anglais neuf siècles avant au lecteur de Nostredame en proposant une période quasi similaire. « Nous devons fixer la date de Pâques le premier mois de l'année, celui que l'on appelle aussi le mois des fruits nouveaux, puisqu'il faut que nous commémorions le mystère de la Résurrection de Notre Seigneur et notre délivrance, l'esprit renouvelé par l'amour des choses célestes (...).
Ce calcul de la Pâques, que nous t'invitons à suivre, s'inscrit dans un cycle de dix-neuf ans, que l'Eglise commença à respecter il y bien longtemps, c'est-à-dire du temps des apôtres, surtout à Rome et en Egypte, comme je l'ai dit plus haut. (...) Il y a tant de mathématiciens, aujourd'hui, dans nos Eglises, à travers la Bretagne, que l'on trouve un nombre très élevé de gens capables de comprendre les calculs des anciens Egyptiens, et d'établir, sans difficulté, les cycles de Pâques pour un nombre infini d'années, même pour cinq cent trente-deux ans, s'ils le souhaitent. Une fois expiré le nombre d'années, tout ce qui relève de la succession du soleil et de la lune, des mois et des semaines, revient dans le même ordre.
 » (Bède, Hist. Eccl., V, 21 ; Delaveau, 1995).
Ainsi avons-nous connaissance – au moins en partie – des raisons historiques présidant au choix astrologique de cinq siècles pour faire renaître le phénix : après ce temps passé tout revient dans le même ordre, et cela parce que – paraît-il – les astres en décidaient : 532 ans sont le premier multiple du cycle de Méton (19 ans, resynchronisant les phases lunaires aux mêmes dates du calendrier ; adopté en Grèce quatre siècles avant l'ère chrétienne pour accorder l'année solaire et l'année lunaire) par le cycle dominical (utilisé par les calculateurs prodiges, vaut 28 ans en raison des années bissextiles, resynchronisant les sept jours de la semaine dans le calendrier annuel).
Mais, évidemment, ce n'est pas tout, le nom du phénix, à travers les âges et les différentes cultures, a d'autres connotations sémantiques, le rapportant néanmmoins toujours tantôt à la renaissance, tantôt aux astres, voire aux deux à la fois.

Et, concernant les relations du phénix avec un cycle de révolution astrale, si Nostredame n'avait pas lu Bède ni Hérodote, ni encore Elien [69], peut-être connaissait-il Pline l'Ancien : « Le premier parmi les Romains qui ait parlé du phénix et montré le plus d'exactitude est Manilius, ce sénateur célèbre par son grand savoir qu'il ne tenait d'aucun maître : “ Personne, dit-il, ne l'a jamais vu manger ; en Arabie, il est consacré au Soleil ; il vit cinq cent quarante ans [70] ; quand il devient vieux, il construit un nid avec des branches de cannelier et d'encens, le remplit d'aromates sur lesquels il meurt. Puis de ses os et de ses moelles naît d'abord une espèce de vermisseau, qui devient ensuite oiselet ; il commence par rendre à son prédécesseur les devoirs funèbres, puis il porte le nid entier près de la Panchaïe, dans la ville du Soleil, où il le dépose sur un autel ”. D'après le même Manilius, la révolution de la Grande Année coïncide avec la vie de cet oiseau, et son retour est marqué par le même cycle de saisons et de constellations ; ce recommencement a lieu vers midi, le jour où le soleil entre dans le signe du Bélier... » (Histoires Naturelles, X, 2).
Et ce ne sont pas les quelques inexactitudes et différences rapportées par les anciens auteurs qui comptent, mais la signification mythologique d'un cycle perpétuel, celui de la Résurrection des Morts illustrée par les embaumeurs d'Egypte, comme le racontait le père des Métamorphoses : « Il n'en est qu'un, un oiseau qui se regénère et se reproduise lui-même ; les Assyriens le nomme le phénix. Ce n'est pas de graines ni d'herbes qu'il vit, mais des larmes de l'encens et du suc de l'amome. Quand il a achevé les cinq siècles de son existence, aussitôt, sur les branches et à la cime d'un palmier que balance le vent, de ses griffes et de son bec que rien ne souilla, il se construit un nid. Après y avoir étendu une couche de cannelle, de brindilles de nard aux douces odeurs, de morceaux de cinname mêlé de myrrhe fauve, il s'y place, et achève sa vie enveloppé de parfums. Alors, dit-on, un petit phénix destiné à vivre un nombre égal d'années, renaît du corps de son père. Quand, avec l'âge, il a pris des forces et qu'il est capable de porter un fardeau, il allège du poids de son nid les branches du grand arbre, et pieusement il emporte ce nid, qui fut son berceau et la tombe de son père ; et, une fois arrivé, à travers les airs légers, dans la ville d'Hypérion, il le dépose devant les portes sacrées, au temple d'Hypérion. » (Métamorphoses, XV, 391-407).

Si le phénix apparaît le plus souvent à la cîme d'un palmier, à la fois par homonymie (du grec φοῖνιξ : pourpre, couleur de sang, rouge, palmier, phénix, phénicien, carthaginois ; BSC) c'est parce que cet arbre est « lent à mourir et renaît de lui-même », mais on le voit aussi dans une forêt de pins selon Claudien [71] (Ferro, 1996), le domaine palmerin de Cybèle, alias Isis, voire Vénus ou Proserpine [72].
Entre outre, la renaissance (la vie après la mort) était liée à la lune (σελήνη en grec), par le palmier et le phénix chez les Egyptiens (ainsi qu'à l'épilepsie, σεληνιακός : lunatique par le séjour dans l'au-delà des dieux ou la lèpre [73] chez les Babyloniens [74]) :


Comment ilz signifioient le moys

Et en voulant nous dénocter le moys
Ung rameau paignent de palme verdoiant
Ou renversée la lune comme voiz.
Le rameau pource comme est dict par avand
La lune envoye, car ainsi la voyant
Quant se conjoinct les quinze pars demeurent
Aiant les cornes contremont que nous couvrent
Et quand elle est occulté si abas
A son trentiesme commung du jour s'assure
Aiant les cornes tournées contre bas.

Car les Anciens avaient imaginé, entre une forme itérative de mort récurrente – l'épilepsie – appelée bennu en assyrien, et le phénix, dit benu en égyptien [75], d'autres points communs que la ressemblance phonétique [76] : la récurrence du cycle lunaire, ordonnée par la toute puissance céleste de l'au-delà [77].

On trouvera dans plusieurs citations d'auteurs [78], ainsi que dans l'iconographie monumentale et sépulchrale [79], une relation de continuité entre deux croyances à la résurrection empruntant exactement ce même symbole : celles des paiens depuis la plus ancienne antiquité solennisant la palingénésie du phénix tous les cinq siècles, et celle des chrétiens célébrant la prétendue résurrection charnelle du Christ à la date de Pâques, le troisième jour après sa crucifixion un vendredi.

5) les pièges du raisonnement :
Pour beaucoup de lecteurs, l'œuvre de Nostredame paraîtrait ne relater que des catastrophes, des crimes et des trahisons : c'est parce que la plupart du temps les gens craignent plus qu'ils n'espèrent, ce qui fait vendre quantité de gazettes à tous les coins de rues, et a par la même occasion assuré pour plusieurs siècles le succès des Prophéties, composées par un maître du mystère, vivant du temps des épidémies de peste et des guerres de religion, circonstances psychologiquement traumatisantes. A cette époque, Machiavel lui aussi préférait enseigner le chemin de l'enfer : « Je me suis composé dans ma tête un prédicateur selon mes goûts pour le donner à Florence, car en cela comme en d'autres opinions je suis entêté comme le diable. (...) Je sais bien que là-dessus aussi j'ai une opinion opposée à celle de mes concitoyens : eux voudraient un prédicateur qui leur enseignât le chemin du paradis ; moi j'en voudrais un qui leur apprît celui de l'enfer ; ils le voudraient sage, intègre, loyal ; moi je le souhaite plus fou que Ponzo, plus rusé que frère Jerôme, plus hypocrite que frère Alberto (...) N'est-ce pas là, d'ailleurs, le vrai moyen de gagner le paradis : connaître le chemin de l'enfer pour pouvoir l'éviter ? (...) Depuis belle lurette, je ne dis jamais ce que je crois, et ne crois pas ce que je dis ; s'il m'arrive parfois de lâcher une vérité, je la dissimule au milieu de tant de sornettes qu'il est difficile de la distinguer » (Lettre à François Guichardin, le 17 Mai 1521). Mais l'arbre du diable cache parfois longtemps à ses adorateurs la forêt de Dieu.
Lors blancs & rouges jugeront à l'envers (I-3), et après avoir été baptisés, immergés, dans la religion du nom des mers, ne jetteront plus le bébé avec l'eau du bain. C'est alors qu'on pourra lire différemment – presque à l'envers – dans la Préface à César : « que je treuve le monde avant l'universelle conflagration advenir tant de deluges & si hautes inundations, qu'il ne seroit gueres terroir qui ne soit couvert d'eau ...».
Depuis leur première publication, tous les lecteurs de Nostredame ont remarqué dans les Prophéties ce qu'ils croient être l'annonce de catastrophes, de crimes ou de guerres en tout genre, mais aucun critique n'a donné une quelconque importance à la série contraire : amour, mariage, concorde, paix, harmonie [80], et pourtant cette série n'est pas totalement absente pour qui voudrait bien la voir, puisqu'il n'y aurait aucune raison de la craindre, et davantage de l'espérer.
• Rappel de la physiologie des erreurs de raisonnement :

– Rôle de l'amygdale temporale dans le blocage de la réflexion critique portant sur des stimuli angoissants :
D'aucuns avaient déjà remarqué depuis longtemps cette singulière particularité nostradamienne d'user de nombreux néologismes et autres hapax incompréhensibles, associés à une abondante fréquence de mots évoquant les dangers et les menaces les plus diverses. Or, l'évocation de situations traumatisantes et d'actes violents est loin d'être anodine et sans aucune conséquence sur l'intelligence et la réflexion critique. En effet, on sait maintenant que la perception d'images ou de mots violents engage immédiatemment une sentinelle cérébrale : les amygdales temporales (Davidson, 2001 ; Vuilleumier, 2007), et qu'afin d'assurer des réactions immédiates en cas de menace imminente, cet engagement préférentiel et précoce court-circuite notamment les régions pré-frontales du cortex cérébral gauche nécessaires à une réflexion critique ou prolongée, et cela d'autant plus que ces images ou ces mots ont une représentation mentale fréquente et sont fortement associée à l'anxiété, la peur ou la violence (Bishop, 2004 ; Nakic & al., 2006). Il n'est donc pas surprenant que pour la plupart des lecteurs, et même parmi les plus lettrés, les Prophéties soient le plus souvent comprises comme celle d'une succession de crimes et de catastrophes. Cependant, les mots choisis à dessein par Nostredame – suscitant plus particulièrement des émotions comme la peur, la crainte ou l'épouvante – présentent une polysémie vicieuse, le plus souvent cryptique, avec des significations minoritaires différentes voire opposées : mais la fonction sentinelle de l'amygdale temporale est si rapide et si puissante que les connotations les plus dramatiques sont sélectionnées en priorité, bloquant la perception des acceptions minoritaires et euphoriques. Comme on sait aussi que l'examen d'anagrammes insolubles [81] engage l'activité des amygdales temporales (Schneider, 1996), on ne devra donc pas s'étonner que cette sélection renforce encore davantage l'orientation péjorative déjà préalablement répandue par tous les lecteurs des Prophéties.
L'apprentissage volontaire de l'inhibition des comportements craintifs ou phobiques dépend de l'activation spécifique des cortex et ventro-médio préfrontal (cingulaire antérieur subgenual) et orbito-frontal (Davidson, 1999-2002 ; Phelps, 2004 ; Delgado, 2006 ; Quirk, 2006 ; Ohira, 2006 ; Sotres-Bayon, 2006 ; van Reekum, 2007), mais surtout cet effort psychique est si coûteux en résistance à la souffrance et en endurance au stress, comparativement à la facilité et à la rapidité avec laquelle l'amygdale temporale engage durablement l'ensemble des réseaux émotionnels et cognitifs vers la peur et l'anxiété (Larson & al, 2006 ; Sotres-Bayon, 2006), que certains sujets ne parviennent jamais à inhiber suffisamment leurs craintes obsessives. Plus des lecteurs craintifs sont attentifs à des évènements désagréables ou seulement imprévisibles, moins ils peuvent soupçonner la moindre issue heureuse (Irwin, 2004 ; Nitschke, 2006), comme au sein d'un labyrinthe composé de détours obscurs et de sens interdits, de faux placards et d'oubliettes, de polices vicieuses ou d'épreuves calamiteuses telles qu'on en trouve par exemple dans la dramaturgie nostradamienne. Ceci explique pourquoi les Prophéties ont englué dans l'erreur tant d'âmes angoissées souffrant d'une vulnérabilité excessive aux incertitudes de l'existence.

– Rôle des circuits neuro-sensoriels dans la résolution des ambiguités lexicales et des relations logiques :
Et même si tous les lecteurs de Nostradamus étaient des gens parfaitement sereins, aux émotions parfaitement contrôlées, aussi savants que Dumézil et Brind'Amour réunis, on assisterait quand même dans un tel aréopage à des erreurs de raisonnement logique inévitables. Car il aura fallu attendre le début du XXIème siècle pour apprendre d'une part que des circuits neurophysiologiques spécifiques sont mis en jeu différemment dans la communication verbale et dans la lecture (Habib, 2000 ; Ramus, 2003), et que d'autre part ces circuits – contrôlés génétiquement (Gopnik, 1990 ; Pennington,1991 ; Lai, 2001-03) – peuvent souffrir de déficiences sans abolir nécessairement toute intelligence (Laplane, 2000), loin s'en faut (c'est le cas des sourds-muets, ou de l'alexie sans agraphie, par exemple) ; et enfin que les lecteurs, aussi érudits qu'ils soient, n'ont pas des performances psycholinguistiques équivalentes pour résoudre les cas d'ambiguités lexicales, des plus simples aux plus inusitées (MacKay, 1966 ; Piquette, 1977 ; Gernsbacher, 1990-91-93-95 ; Reed, 1999), et deviennent alors sujets aux llusions sémantiques. Et ce ne sera certainement pas la moindre observation, sans compter les énormes difficultés que présente la résolution d'énigmes logiques complexes comme celles que proposait Lewis Carroll, des erreurs de raisonnement logique sont parfois inévitables : chaque cerveau humain comporte – les lecteurs les plus instruits n'y peuvent rien changer – des circuits neuro-anatomiques et physiologiques engageant vers des erreurs de jugement, voire des illusions logiques (Damasio, 1994 ; Houdé & Mazoyer, 2002, pp. 547-582 ; Goel, 2003).


Quant à vouloir traduire aujourd'hui les Prophéties dans une autre langue, cela relève maintenant de l'ignorance ou de l'escroquerie, sinon des deux.


Ce qui n'est pas encore démontré


1) les autres diagnostics médicaux
– aucun expert n'a jamais démontré que le langage nostradamien était d'un naturel indemne de toute anomalie lexicale, et n'a même expliqué à la fois ce que serait cette "comitiale agitation Hiraclienne", et expliqué pourquoi les Prophéties écrites dans un charabia inoui sont restées à l'évidence incomprises depuis presque cinq siècles par tout un cortège d'exégètes pratiquant le plus souvent l'astrologie, parfois les lettres anciennes, rarement la médecine, encore moins la logique mathématique, et plus du tout cette dialectique encyclopédique des Humanistes ;
– si la "comitiale agitation Hiraclienne" (déclaration faite par le médecin de Salon lui-même, avant tout autre auteur) est bien une épilepsie, convulsive ou non, d'autres syndromes épileptiques qu'une épilepsie temporale pourraient être évoqués (par exemple le syndrome de Landau-Kleffner, parce qu'il comporte une dysphasie) ;
– si la "comitiale agitation Hiraclienne" n'est pas une pathologie comitiale, d'autres pathologies neuro-psychiques sémiologiquement proches pourraient encore être discutées : des troubles psychiatriques (une schizophrénie parce qu'elle peut s'accompagner de vertiges, d'hallucinations ou de schizophasie, mais cette psychose associe un syndrome déficitaire avec une incapacité sociale notoire incompatible avec l'autonomie matérielle et intellectuelle dont jouissait Nostredame ; une psychose maniaco-dépressive, mélancolique ou bipolaire, parce qu'on peut y rencontrer des éléments obsessionnels, mais il n'y a ni chutes, ni convulsions ni le coma post-critique), d'autres troubles neurologiques (un syndrome vertigineux, parce que les vertiges ont longtemps été confondus avec de l'épilepsie à cause des chutes, voire de perte de connaissance brève, mais un simple vertige ne s'accompagne pas de convulsions, ni d'obsessions ni de troubles du langage ; une maladie de Gélineau ou narcolepsie, parce qu'elle s'accompagne de chutes, d'un sommeil paroxystique et cataleptique, parfois d'hallucinations, mais il n'y a pas d'obsessions ni les convulsions d'une agitation comitiale, fut-elle Hiraclienne ; un syndrome de Tourette, parce qu'il présente des obsessions et parfois des étrangetés lexicales, mais il y manque les convulsions et les accès comateux post-critiques) ;
– quant à la réalité d'une "comitiale agitation" qui ne serait pas de nature neuro-psychique, pour le démontrer il faudrait qu'un docte lettré trouve des arguments scientifiques réellement pertinents, et aussi qu'il puisse récuser sans fumisterie l'argument de Jean Taxil (médecin pratiquant lui aussi l'astrologie) qui avait néanmoins cru nécessaire de proposer le diagnostic d'épilepsie mélancolique (ou de mélancolie épileptique) en y ajoutant les troubles congénitaux du langage [82] , ce qui en fait une observation médicale historique tout à fait digne d'intérêt.

2) la place de l'astrologie : Dans ce domaine, je ne contesterai pas certaines carences de Nostredame – déjà dénoncées depuis Videl, et amplement étudiées par Brind'Amour – , mais il serait tout de même plus que surprenant de prétendre qu'il n'y ait aucune place pour la moindre astrologie dans ses écritures (ainsi Albumazar est cité de nombreuses fois dans les Almanachs). En matière de prédictions astrologiques, Nostredame n'aurait peut-être lui-même rien inventé, hormis le style expressif, à savoir l'énigme logique énoncée dans un méta-langage polyglotte, mais cependant ces carences arithmétiques n'écartent pas davantage la responsabilité d'un syndrome obsessionnel épileptique dans la génèse de l'œuvre littéraire, où le concept de renaissance – certes cryptique – est partout omniprésent, envahissant, et qu'il importe de bien évaluer pour éviter d'accorder aux éléments d'apparence astrologique une signification erronée.

Mais, si dans les Prophéties il y a beaucoup moins d'astrologie que les gens ont généralement cru, nous y avons cependant reconnu quelques éléments déjà exposés par d'autres auteurs contemporains de la Renaissance, en particulier Pic de la Mirandole et Guillaume Postel. Ainsi parmi les 900 Conclusions de l'humaniste florentin, publiée le 7 Décembre 1486, on trouve celle-ci, à rapprocher – Renaissance oblige – du cycle pascal de 532 ans (cf. quatrains III-94 et X-72) : « S'il est une conjecture humaine sur les derniers temps, nous pouvons découvrir par la voie la plus secrète de la Cabale que la fin des temps adviendra dans 514 ans et 25 jours. » ([83] ; Schefer , 1999 ; Secret, 1985, p. 35). Or 1486 plus 514 font 2000, et 25 jours ajoutés à 7 font 31 plus 1 : on ne pourrait demander plus de précision. Que le "Phénix de son âge" ait précisément publié ceci à pareille date pourrait apparaître à certains comme le comble de l'orgueil, et pour certains autres une coïncidence.
Puis après Pic, juste avant la parution des premières Prophéties, la même conclusion aurait pu être tirée – selon certains auteurs [84] – d'une lecture minutieuse de l'Apologie de Guillaume Postel rédigée en 1552 : « Combien que la sentence de ceste fin aye esté donnée au ciel il y a dix ans en l'an trente et ung de mon aage, neantmoins premier que par ceste verbale et instrumentale sentence de sa fin aye prins l'essence nouvelle pour en faict Reel estre par le Roy mis en execution, elle ne sera au monde manifeste, ainsi que l'advenement premier de Jesus Christ combien que deulx mille ans devant eust este manifesté par Parole, Promesse et Escript, et combien que il y a mil cinq centz cinquante ans que il fut faict, neantmoins il n'est pas encores a la pluspart du monde bien cogneu, receu et approuvé, qui est sa vraie essence reelle, et finalle. » (Dubois, 1972).
Une ancienne prophétie, remise en vogue à la Renaissance, est à l'origine de cette déclaration, et fut ensuite exposée par Postel lui-même : « La profetie, non sans cause par tradition de l'ancienne Eglise à Elie attribuée, là où il est dict : Le monde des siecles dure six mille ans, 2000 ans Nature, d'Adam à Abraham, 2000 la Loy, d'Abraham à Christ, et 2000 ans le temps du Messie, et en après sera ruyné » (F. Secret, Le Tresor des Prophéties de l'Univers, p. 55, 187).
La prophétie d'Elie, issue du Talmud [85], était connue non seulement de Postel et de Pic de la Mirandole, mais aussi de Reuchlin, Melanchton et Luther [86] qui en firent un usage différent, et avant eux Isidore de Séville et Bède le Vénérable ; et il n'est pas démontré que Nostredame l'aurait délibérement ignorée et bannie de son comput. Dans l'Epître à Henry, il s'y est même longuement attardé : d'une part sur la chronologie biblique revue par Eusèbe, et d'autre part en faisant une longue description astronomique de l'année 1608, attendue par certains comme celle des "derniers jours" ; il y a donc une forte présomption pour que ces deux rappels aient été l'occasion pour Nostredame de marquer son désaccord avec les calculs de ses contemporains craignant une "fin des temps" imminente [87]. Mais en espérant qu'ils soient capables de garder un raisonnement scientifique je laisserai à d'autres que moi, bien plus compétents dans le domaine de l'astrologie historique, le soin de vérifier ces chronologies.

Néanmoins, redoutée depuis les débuts du christianisme, la fin du monde était une crainte vécue par les humanistes, voire une menace imminente. Après Eustache Deschamps (1346-1407, Ballade CXXVI) qui déclarait que « De pou en pou le siecle va a declin/ Charitez fault et li uns l'autre tue/ Car li mondes est bien pres de sa fin » (Delumeau, 1983, p. 132), Sébastien Brant dénonça en 1494 dans La nef des fous (“Das Narrenschiff”) l'impiété généralisée et l'état de déréliction avancée de la société ; l'ouvrage connut un immense succès, le nombre de ses lecteurs dépassant un temps celui de la Bible. On trouvera dans cet ouvrage une atmosphère de fin du monde exactement comparable à celle des Prophéties : « Dieu dit un jour dans sa colère :/ Puisque vous n'observez ma loi/ Sur vous mort et fléaux j'envoie/ Guerre et famine, peste, canicule/ Cherté, grands froids, et grêle et foudre,/ Plaies empirant de jour en jour » (Chap. 88, cf. Chap. 99, 103, 108). La diffusion de l'œuvre fut telle que Jacob Locher en fit une paraphrase latine (Stultifera navis), reprise en français par Pierre Rivière (La nef des folz du monde).
On trouvera le même constat catastrophique chez deux humanistes d'une grande audience, comme celui d'Henri Estienne dans l'Apologie pour Hérodote en 1566 : « Notre siècle est pire que tous ceux qui l'ont précédé » (Delumeau, 1983, p. 134), ou celui de Guillaume Budé : « Quant à moi, je serais plutôt d'avis que le dernier jour a commencé à tomber, et que le monde, déjà sur son déclin, vraiment décrépit et en délire, révèle, prédit, annonce sa fin et sa destruction prochaine » (Budé, 1993, p. 114 ; Delumeau, 1983, p. 134 : trad. M. Le Bel, Sherbrooke, 1973, Ed. Paulines); [...] « O sort misérable et catastrophique de notre époque, qui a pourtant restauré de façon prestigieuse la gloire des lettres, mais qui par le crime de quelques-uns et les méfaits d'un grand nombre s'est chargée d'une impiété sinistre et inexpiable !... Tout... a été mêlé et embrouillé, le plus haut avec le plus bas, l'enfer avec le ciel, le meilleur avec le pire. (...) Autant en ce temps l'étude et le renom des lettres ont atteint leur apogée, autant le navire du Seigneur se trouve en difficulté dans les ténèbres les plus épaisses et la nuit la plus profonde. Bien plus, le navire de transport est maintenant fracassé par les outrages et peut ... être amené à sombrer, exposé qu'il est aux yeux de tous et bafoué par la haine ». (De transitu Hellenismi ad Christianismum, Budé, 1993, p. 103 ; Delumeau, 1983, p. 157).
Luther croyait lui aussi à une fin du monde imminente (Sermon sur l'Evangile du 2e Dimanche de l'Avent ; Oeuvres, X, p. 116) : « Dans l'espace de dix ou douze ans, nous avons vu et entendu de tels vents et de tels mugissements -- sans compter ce qui viendra après -- que j'ai peine à croire qu'auparavant une époque ait entendu des vents et des mugissements si grands et si nombreux. ... Car notre temps voit à la fois le soleil et la lune perdre leur éclat, les étoiles tomber, les hommes devenir angoissés, les grands vents et les eaux mugir... Tout s'accumule en une fois. C'est ainsi que nous avons vu aussi des comètes et, récemment, beaucoup de croix sont tombées du ciel et, entre temps, est aussi arrivée une maladie nouvelle et inouïe, la maladie des Français » (Delumeau, 1983, p. 154). Luther était même persuadé qu'un monstre aperçu quelque part – un “veau moine” – devait « annoncer une immense catastrophe guerrière ou encore le dernier jour » (Delumeau, 1983, p. 156).

Mais, signes de la fin des temps, les monstres de Nostradamus comme ceux de Luther, servaient moins à faire l'apologie d'une magie profane servilement copiée sur Lycosthènes ou Julius Obsequens, comme le pensaient Brind'Amour et Dupèbe, qu'à démonstrer que « les phénomènes insolites doivent être interprétés comme des signes de la puissance et la colère de Dieu à l'égard des hommes pécheurs » (Delumeau, 1983, p. 153). D'ailleurs, on pouvait facilement trouver cette explication sous la plume de quelques humanistes du siècle, comme celle de Jean Fincelius (1557) : « En parcourant l'histoire des nations, on ne verra jamais autant de signes miraculeux qu'en notre temps. A peine l'un s'est-il produit qu'un autre survient ; ce qui prouve bien que Dieu a quelque grand dessein, et que nous sommes destinés à voir une grande angoisse dans l'Eglise chrétienne » (Delumeau, 1983, p. 155).

Au vu des éléments de la 837ème des 900 Conclusions, lesquelles avaient fait grand bruit, pourquoi Nostredame n'aurait-il pas lui aussi – contrairement donc à d'autres auteurs de l'époque (Secret, 1985, p. 35) – abouti au même résultat que Postel, en particulier dans ces quatrains III-94 et X-72 où la signification en serait néanmoins totalement révisée. Il ne manque presque rien pour que cette conclusion – pourtant apparemment dépassée, mais néanmoins déplaisante à tous les gens superstitieux – ne trouve quelque autre clause concordante dans le reste des Prophéties ; c'est pourquoi je dis que cette conjecture – à évaluer à l'aune du concept de renaissance, i. e. de résurrection spirituelle – n'est pas encore entièrement démontrée, en particulier faute d'avoir établi un lexique suffisamment complet d'une part, et d'avoir retrouvé avec ce lexique tous les éléments du comput nostradamien d'autre part, certains auteurs ayant déjà démontré que ces éléments étaient eux-mêmes très hétéroclites (Béhar, 1996).


Les perspectives

1) l'histoire de l'éxégèse :
– témoin de l'ignorance médicale : la biographie nostradamienne étant insuffisamment renseignée, le profil neuro-psychologique de l'humaniste provençal reste encore à préciser, on manque aussi de témoignages sur la période de son enfance pour mieux évaluer la profondeur de la dyslexie et de la dyscalculie.
– témoin de l'ignorance éditoriale : les Prophéties sont-elles un recueil – fait après coup – de morceaux choisis, une collection de strophes écrites à différentes occasions (Almanachs, brouillons, notes personnelles), puis réunies en édition séparée comme pour en faire une anthologie à la gloire de son auteur et de sa mystique, un testament adressé à une postérité lointaine militant pour une seconde Renaissance ?
– témoin du recul de la religion chrétienne : pendant la Renaissance, tandis que le Tout Puissant abandonnait sa créature aux épidémies, au clergé catholique corrompu et à la fièvre aurifique des Conquistadors, aux guerres civiles et inciviques, aux Ottomans et aux mahométans, alors les astres de Ptolémée, de Copernic et de Kepler reprirent progressivement une partie du pouvoir que le Dieu chrétien leur avait ravi. La crise de la spiritualité chrétienne poursuivit ainsi sa marche dérélictueuse jusqu'au siècle des Lumières, jusqu'à ce que les foules soient enfin éblouies jusqu'à l'abrutissement par les prouesses de l'homo technocraticus maîtrisant la foudre, l'atome et l'electron ; alors l'homo demagogicus n'ayant plus besoin ni d'aucuns dieux ni de mystères, se mit enfin à croire tout pouvoir faire, tout savoir expliquer, tout devoir diriger, au mépris même de Dame Nature,
– donc, le matérialisme athée progressant au-delà de toute espérance (le métal jaune, puis l'électronique fiduciaire remplaçant Dieu comme puissance suprême), les exégètes se mirent à pratiquer de plus en plus une interprétation mécaniste de l'astrologie nostradamienne (les créatures extra-terrestres remplaçant enfin les anges et la Vierge),
– mais les plus sceptiques (au sens étymologique du mot, s'il vous plaît) devraient maintenant bien observer et même retenir, pour vraiment comprendre quelquechose aux Prophéties, que le mystique de la Renaissance répétait sans cesse et partout, d'une manière obsessionnelle : « Dieu est sur tout », non seulement sur les hommes, mais aussi les astres.

2) la mutation spirituelle :
– parmi les concepts philosophiques et moraux fondant les comportements religieux, celui de la liberté – discuté par Luther dans Du Libre arbitre, par La Boétie dans le Discours de la servitude volontaire – a sans cesse été l'objet d'un débat interminable depuis l'Antiquité, à la recherche d'une unification du hasard et de la nécessité, mais sans aucune considération scientifique des processus psychiques et cognitifs présidant à l'émergence du concept,
– ainsi comment un être humain, de sa naissance à sa mort, peut-il se croire libre : car de quelle liberté jouit le nourrisson ou le vieillard dément, de quelle liberté jouit le myopathe, le schizophrène ou l'épileptique ? Sinon de quoi, de qui les hommes sont-ils esclaves : de leur corps ? de leur code génétique ? de leur planète ? des étoiles ? de leurs dieux ? de la nécessité d'une organisation en société ?
– les religions sont-elles une activité humaine naturelle fondée diversement sur des croyances magiques et surnaturelles librement choisies, ou un ensemble bien plus complexe de processus cognitifs assortis de comportements rituels et de règles sociales contraignantes ? Et quel humaniste de la Renaissance aurait pu imaginer que l'abandon d'une infime partie aléatoire de cet ensemble complexe n'est pas la fin du monde spirituel ? que l'habit ne fait pas le moine, ni le prèche le dieu...

Juste avant la Réforme, le monde à l'envers de Brant et consorts (Delumeau, 1983, p. 150-152) ressemblait beaucoup à cette fameuse république démocratique « qui loue et honore, dans le privé comme en public, les gouvernants qui ont l'air de gouvernés et les gouvernés qui prennent l'air de gouvernants. [...] où le maître craint ses disciples et les flatte, et les disciples font peu de cas des maîtres [...] où les chiennes y sont bien telles que leurs maîtresses [...] où les chevaux et les ânes, accoutumés à marcher d'une allure libre et fière, y heurtent tous ceux qu'ils rencontrent en chemin, si ces derniers ne leur cèdent point le pas. » (Platon, République, VIII, 562-564).
Car c'est de la même façon que Brant décrivait la société teutone de son siècle : « Ainsi les doctes prolifèrent/ Qui ne recueillent nulle estime./ Les arts sont méprisés de tous/ Sur eux l'on hausse les épaules./ Les maîtres n'ont que honte à boire/ De leur art, leur robe et renom,/ On met en chaire des paysans/ On écarte les vrais savants./ On dit du maître : Quel ahuri !/ Satan nous conchie de curés ! » (Brant, La Nef des fous, 103).
Un peu plus tard en France, la Renaissance atteignant son apogée, Guillaume Budé dénonçait pareillement les mêmes plaies : « Or, de nos jours, aussi bien les hautes magistratures que les plus éminentes dignités sacerdotales sont confiées quelquefois, ou souvent, à des individus incapables (pour ne pas dire fort peu parfaits) ; et, comme si cela ne suffisait pas, on les accumule sur eux, au grand scandale de Némésis et d'Adrastée. [...] tout a été (comme dit le proverbe) mis en quelque sorte sens dessus-dessous. » (Budé, 1993, De transitu, p. 148-151). Cette opinion avait recueilli un large écho dans toutes les couches savantes de la société avec, parmi d'autres, Bucer (1523, Traité de l'amour du prochain) : « Au lieu d'apôtres nous n'avons plus que des faux prophètes, au lieu d'éducateurs que des séducteurs, ... au lieu de princes et de supérieurs pieux,.... que des tyrans, des loups, des ours, des lions, des enfants et des fous » (Delumeau, 1983, p. 134).

C'est bien l'avenir de ce monde à l'envers, impie et débauché, qui se trouve dénoncé en filigrane dans le quatrain IV-32 des Prophéties, où l'auteur regrettait que la “loy commune” – la πάντα κοινὰ φίλων de Pythagore [88], popularisée par Platon [89], puis valorisée par les chrétiens [90] – sera “faicte au contraire” : contrariée, répudiée, mise au rancart (fort en arrière), quand maîtres et élèves enflés d'ignorance, pères et fils rassasiés de pain et de jeux ne ne feront plus aucun effort sacrificiel, la moindre charité ni le moindre Carême : quand le Vieux – l'Ancien des jours [91] – sera “osté du milieu”, “mocqué & privé de sa place”, déclaré ennemi de toute république.

Et, puisque ce monde renversé de Brant n'était à l'époque aucunement celui d'une république démocratique, mais plutôt celui d'une oligarchie, c'est probablement dans la perte brutale des repères sociaux traditionnels qu'on trouvera une possible explication à la génèse de l'anarchie annoncée par Platon dans la République : en effet aucune société ne peut fonctionner sans la moindre hiérarchie, aucun métier ne peut s'acquérir sans enseignants ni maîtres, aucune compétence sociale – médiée spécialement pas des réseaux de neurones miroir – ne peut se développer sans exemples à imiter ni règles auxquelles s'accorder. Et si des hommes aventureux, frivoles comme ces capricieuses grenouilles de la fable d'Esope, font d'exaspération mourir leurs dieux, ou si des tyrans bien plus cruels ne finissent par s'y substituer, ou par déclarer en leur nom que les dieux ne se soucient plus de leurs créatures, alors pour surmonter ces rois maudits une inévitable nécessité leur envoie une hydre ...

après l'abandon des anciens dieux tout-puissants, les structures sociales athées bénéficient-elles d'une autorité suffisante et incontestée pour réguler à coup sûr les conflits issus d'idéaux libertaires individuels, nécessairement antagonistes ? le concept de liberté n'est-il qu'une illusion désirable, une utopie avec laquelle les hommes voudraient vivre mais sans désespérer de vivre ? dieux et maîtres déchus, les enfants privés de pères comme de repères, la violence grandissant avec le désespoir, un changement radical d'utopie devient-il souhaitable, ou même inéluctable ? alors une révision radicale de la critique théologique deviendra-t-elle nécessaire, une conversion spirituelle générale deviendra-t-elle inévitable ?

C'est probablement une telle conversion [92] que voulait suggérer dans l'œuvre nostradamienne l'espoir prophétique d'une eutopie proto-altermondialiste, abandonnant les batrachomyomachiesdes tribales et les guerres picrocholines pour une servitude volontaire des individus acquis à une coopération tyrannique [93], c'est-à-dire aussi librement consentie qu'obligatoire pour la survie de l'espèce dans un milieu naturel sujet aux instabilités de toutes sortes.
Ainsi, depuis l'âge de pierre, devant un péril s'imposant à tous sans distinction de religion, de sang ou de rang, la nécessité se fera peut être un jour à nouveau davantage sentir pour chaque homo erectus d'activer davantage ses réseaux de neurones miroir (miroir) dans un comportement plus coopératif que compétitif, afin d'observer ce que Diodore de Sicile remarquait déjà à propos des Egyptiens : « que les meilleures lois ne sont pas celles qui assurent aux hommes la plus grande prospérité, mais celles qui lui inspirent la plus grande modération dans leur comportement et les rendent plus aptes à la vie en société. » (I, 93, 4). Ce sont d'ailleurs certains individus, ayant souffert de maladie et de pénibles souffrances, qui parfois enseignent à ceux qui se croient forts, riches et tout-puissants, ce qu'il conviendrait de faire dans une inexorable adversité : « Les hommes devenus orphelins se serreraient aussitôt les uns contre les autres, plus étroitement et plus affectueusement ; ils se prendraient les mains, comprenant que désormais ils sont tout les uns pour les autres. Alors disparaîtrait la grande idée d'immortalité, et il faudrait la remplacer ; tout ce grand excès d'amour pour Celui qui était l'immortalité se détournerait sur la nature, le monde, les hommes, chaque brin d'herbe. Ils s'éprendraient de la terre et de la vie irrésistiblement (…) d'un amour particulier, qui ne serait plus celui d'autrefois. Ils remarqueraient et découvriraient dans la nature des phénomènes et des mystères jusque-là insoupçonnés, car ils la regarderaient d'un œil nouveau, d'un regard d'amoureux pour sa bien-aimée. Ils s'éveilleraient et se hâteraient de s'embrasser les uns les autres, se dépêcheraient d'aimer, sachant que leurs jours sont éphémères et que c'est tout ce qui leur reste. Ils travailleraient les uns pour les autres, et chacun donnerait tout à tous et par là seraient heureux (…). Que demain soit mon dernier jour, se dirait chacun en regardant le soleil couchant ; je mourrai, mais peu importe : ils resteront, tous et après eux leurs enfants, et cette pensée qu'ils resteront en continuant à s'aimer et à trembler les uns pour les autres remplacerait l'idée de la rencontre d'outre-tombe ». (Dostoïevski, L'Adolescent). On fera remarquer, alors que la future révolution bolchévique athée n'avait évidemment pas donné toutes les preuves de sa vanité, qu'ici l'écrivain russe en rejettant ce « grand excès d'amour pour Celui qui était l'immortalité » ne voulait pas de ce Dieu, de cette construction anthropomorphique et narcissique, mais lui préferait la nature, le monde, donc une instance matérielle tout de même supérieure à l'individu prolétarien [94]. « Deus sive natura » (avec une relation d'égalité et non de subordination), aurait pu lui souffler Spinoza en guise d'avertissement. « Que tous soient un, Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu'eux aussi soient un en nous » aurait également pu lui souffler l'apôtre chrétien (Jean 17, 21), pour rappeler à qui voudrait l'entendre que ce n'est pas la Révolution qui inventa le Communisme ou le Socialisme, ni même la République.

Après l'Age d'or et l'Atlantlide des Anciens, le jardin d'Eden biblique et la Cité de Dieu du chrétien Augustin d'Hippone, après Li Fabliaus di Coquaigne de l'époque médiévale, pour combatte le pessimisme général de la Renaissance, et continuer à espérer malgré tout, refusant de croire à une irrémédiable fin des temps, on sait que les humanistes de la Renaissance contemporains de Nostredame [95] inventèrent alors eux aussi une utopie (Delumeau, 1983, p. 141), où tout ne serait qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté.

Alors, quand l'exégèse de l'œuvre nostradamienne sera bientôt arrivée à un stade plus achevé, peut-être reconnaîtra-t-on en elle un de ces généreux projets humanistes pour une divine république, altruiste et fraternisante, utopienne sinon eutopienne, et non pas seulement une vulgaire compilation servile d'auteurs latins, ni un plagiat naïf de prophéties séculaires, ni même une litanie mélancolique de poèmes effrayants, et encore moins une incroyable manipulation d'introuvables faussaires.

A Quimper, le 09/04/2007



NOTES

[1] Cf. Excellent & moult utile Opuscule : «... à un personnaige qui tomberoit du mal epilentique, il conforte le cerveau en si bonne preservation que sil tomboit une foys le moys, il ne tomberoit de trois moys une foys. » (Chap. XI ; p. 59). « (...) cõposition, qui est egale en vertu & efficace à l'or potable (...) preserve le personnaige de tomber en inconveniens de maladie, conforte le cœur, l'estomac, & le cerveau, guerit du mal epilentique à ceux qui n'ont encore vingtcinq ans... » (Chap. XXVII ; p. 97). « Pour faire l'huylle que Medœa faisoit (...) pour subitemẽt exciter un personnaige qui seroit tumbé du mal epilentique, que tant seulement luy en mettant une goutte dens les naseaux, subitement il s'eveillera : & si l'on se trouvoit quand il veut tomber, garderoit quil ne tomberoit point ceste fois. » (Chap. 31 ; p. 113).

[2] Probablement à cause de cette observation d'Hippocrate (Epidémies, VI, 8, 31), reprise plus tard par Galien (des Lieux affectés, X), puis par tous les médecins de la Renaissance (Cornarius, 1546, p. 467) : « Atrabiliarii, etiam comitiali morbo corripi plerumque solent, & vicissim comitiales fieri solent atrabiliarii. Uterque vero morbus magis sit, prout ad alteram partem inclinarit. Si quidem enim ad corpus inclinarit, comitiales fiunt. Si vero ad animum, atrabiliarii melancholici dicti : Les mélancoliques deviennent d'ordinaire épileptiques, et les épileptiques mélancoliques ; de ces deux états, ce qui détermine l'un de préférence, c'est la direction que prend la maladie : si elle se porte sur le corps, l'épilepsie, si sur l'intelligence, mélancolie. » (Littré, vol. 5, pp. 354-356). Dans cette observation historique on commencerait à percevoir une notion de maladie psycho-somatique encore assez floue, en décrivant une attaque humorale qui serait seulement encéphalique, presque psychique, et qu'il faudrait appeler mélancolie (dûe à la bile noire, issue de la rate, obstruant la circulation du pneuma dans l'encéphale), pour la distinguer d'autres attaques corporelles qu'on appellerait épilepsie. Mais les influences conjointes du christianisme et du néoplatonisme auront finalement raison du pneuma des médecins grecs ayant abandonné leurs dieux, et le clergé chrétien cantonnera pour longtemps le domaine spirituel dans la seule soumission à leur unique théocratie, délaissant aux médecins le seul soin du corps détaché de l'âme.

[3] Rhodiginus : « Melancolici magna parte comitiales efficiuntur, sive caduci : & contra, morbo comitiali laborantes efficiuntur melancholici [...] qui epilepticorum, sive comitialum filiis, aut melancholicorum exercitationes inducit » (Lectionum antiquarum, VI, 9-14 ; p. 195, 207).
La confusion mêlant mélancolie et possession perdura au moins jusqu'à la fin du XVIIIe siècle : « Le mélancolique Oreste passa pour être possédé de Mégère, et on l'envoya voler une statue pour obtenir sa guérison. » (Voltaire, L'ABC ou dialogue entre A, B, et C, 1768).

[4] « On raconte qu’Euripide lui donna un jour à lire les ouvrages d’Héraclite, et lui demanda ce qu’il en pensait. Socrate répondit : “Ce que j’en ai compris me paraît génial ; pour le reste, que je n’ai pas compris, je crois qu’il en est de même, mais j’aurais besoin pour interprète d’un bon nageur de Délos” » (Diogène Laerce, Vie de Socrate, II, 22). Le thème, en vogue chez les Humanistes, a été repris par Erasme dans ses Adages (Chil. I, Cent. VI, Ad. XXIX, Delius natator), et Nostredame aura pu le trouver ici ou là, sans se fatiguer.

[5] « Comment ilz escripvoient le taire ou silence. Pour la signification du taire & silence ilz escrpivoient le nombre de M.LXXXXV. abrege qui est le nombre de troys ans a cõpter troys cens soixante cinq jours pour chascun an voulans entendre que de ce temps de troys ans lenfant ne parle point & combien quil ait la lãgue si nen a il pas lusaige. » (Orus Apollo, Ed. J. Kerver, 1543).
« Quomodo taciturnitatem. Taciturnitatem significantes, numerũ scribũt .M.XXXXV. qui numerus est annorum trium, cõ situto anno ex diebus. CCCLXV. Intra qď tẽpus cum nõ loquatur infans significatur, & si lĩguam habuerit, illi tamẽ vocem defuisse. » (Ori Apollinis, Trebazio, 1521).

[6] (Horapollo : I-28) Πῶς ἀφωνίαν. Ἀφωνίαν δὲ γράφοντες ἀριθμὸν ˙Ϟ˙˙ γράφουσιν [...]. (Hieroglyphica graecae, Venetiis, 1505).

[7] « Iam minus etiam diducto rictu sonatur ac pene coeuntibus dentibus, quibus sensim lingua illiditur, qua parte sunt genuini, sic vt labia nihil adiuuent sonitum, sed reducantur potius aliquantulum, vt in e.(...).Et hic bifariam peccatur a multis. Siquidem apud Brabantos campestres quidam pro i sonant diphtongum Graecum ει, quam euidenter audis quum nostrate lingua dicis ouum, et quum Latine dicis hei mihi, veluti quum pro via dicunt veia, pro pia peia. Rursus Scoti quidam pro e sonant propemodum i, dicentes pro faciebat faciibat. (...). Siquidem Victorinus Afer obiurgat discipulos suos, quod e verterent in i, et rursus i scriberent pro e. (...).
Rursus aliquot ideo dicuntur propriae diphtongi, quod duae vocales vt scribuntur, ita sonantur, quod idem in his non fit quae dicuntur abusiuae diphtongi. (...). Atqui in αι, οι, ει quid audis nisi simplicem voacalem, in prima e, in caeteris ? » (De recta latini graecique sermonis pronvntiatione dialogus ; 1529, 1540, 1973 p. 936, 938).

[8] Cf. Geofroy Tory : « (...) De Epsilon & Iota. ΕΙ. ει. & de Omicrõ & Ypsilon. ΟΥ. ου. Lesquelles diphthongues propres sonnent en pronunciation. AE. AF. EF. I. & O. » (Champfleury, Declaration de la lettre grecque. 1529 ; Art et Science de la vraie proportion des Lettres. Geofroy Tory, Ed. Bibliothèque de l'Image, 1998).

[9] Aristote, Réfutations sophistiques. « Il est donc inévitable qu'un même énoncé et qu'un seul et même mot signifient plusieurs choses » (I, 165). « Dans le cas des paralogismes dont le ressort est l'homonymie et la proposition, la mystification a lieu parce qu'on ne parvient pas à différencier les nombreuses significations d'un terme ... tandis que pour les paralogismes qui tiennent à la liaison et à la séparation, elle vient de ce que l'on croit qu'il ne fait aucune différence que l'énoncé soit lié ou séparé, comme c'est d'ailleurs le cas pour un grand nombre d'énoncés [...] Quant aux arguments qui tiennent à la forme, la mystification se produit en raison de la ressemblance de l'expression » (VII, 169).

[10] Horapollon, I-5 :
(Aldes, 1505) : Πῶς τὸ ἐνιστὰμεον ἔτος. – Ἔτος τὸ ἐνιστὰμεον γράφοτες, τέταρτον ἀρούρας γράφουσιν. ἔστι δὲ μέτρον γῆς ἡ ἄρουρα πηχῶν ἑκατόν · βουλόμενοί τε ἔτος εἰπεῖν, τέταρτον λέγουσιν, ἐπειδή φασι κατὰ τὴν ἀνατολὴν τοῦ ἄστρου τῆς Σώθεως, μέχρι τῆς ἄλλης, τέταρτον ἡμέρας προτίθεσθαι, ὡς εἶναι τὸ ἔτος τοῦ θεοῦ τριακοσίων ἑξήκοντα πέντε ἡμερῶν (καὶ τετάρτου) , ὅθεν καὶ διὰ τετραετηρίδος περισσὴν ἡμέραν ἀριθμοῦσιν Αἰγύπτιοι · τὰ γὰρ τέσσαρα τέταρτα ἡμέραν ἀπαρτίζει.
(Van de Walle & Vergote, 1943) : [Comment ils représentent l'année en cours.] Quand ils veulent écrire l'année en cours, ils écrivent le quart d'une aroure. L'aroure est une mesure de superficie équivalant à cent coudées. Quand ils veulent dire « l'année », ils disent « le quart » ; car ils prétendent que depuis un lever de l'étoile Sothis jusqu'au lever suivant vient s'ajouter un quart de jour, de façon que l'année du dieu est de 365 jours <et un quart> ; c'est pourquoi les Egyptiens comptent un jour de plus tous les quatre ans, car ces quatre quarts forment un jour (entier).
(Trebazio, 1521) : Quomodo annum insequentem. Annum insequentem significantes quartam partem arvi describunt. Est autem arvum mensura terrae cubitorum centum, volentes autem annum dicere, quartum dicunt, quoniam, ut perhibent, ab ortu astri, quod sothidem vocant, ad alium ortum interest diei pars quarta. Et esse annum solis dierum trecentorum, et quinque supra sexaginta. Unde quarto quoque anno diem superfluum aegyptii adnumerant. Quater enim pars quarta diem complet.
(Kerver, 1543) : Comment ilz signifioient l'an ensuyvant. Ilz figuroient la quarte partie d'une espace de champ dict aruum qui contient cent coubdees car en leur langue ilz appellent l'an quart pource que ainsi qu'ilz dient d'un lever de l'estoille appellee par eulx Sothis à l'autre il y a distance de la quarte partie d'ung jour, & comme l'an du soleil soit de trois soixante cinq jours, & ung quart de jour : au bout de quatre ans se trouve ung jour superhabondant car quatre fois la quarte partie de jour faict ung jour entier.
Le commentaire de Gardiner sur Horapollon I-5 semble nuancer la traduction du grec ἐνιστὰμεον (latin insequentem) par un mot en composition (regnal year) pour distinguer le mot ordinaire "année" d'un autre plus savant, dédié : « It is at least clear from the combined evidence of the Edfu writings and of the word for “quarter-aroura” that the Egyptians possessed a word for “regnal year”, reckoning Hsp among its consonantal constituents. » (The Reading of the Word for Regnal Years, Journal of Near Eastern Studies, 1949, vol. 8, pp. 165-171, erratum 364).

[11] C'est aussi ce que Nostredame pouvait lire dans le latin de Censorinus (De die natali, XVIII, 10) : « Ad Aegyptiorum vero annum magnum luna non pertinet, quem Graece κυνικον, Latine canicularem vocamus, propterea quod initium illius sumitur, cum primo die eius mensis, quem vocant Aegyptii Θωθ, caniculae sidus exoritur. Nam eorum annus civilis solidus habet dies CCCLXV sine ullo intercalari; itaque quadriennium aput eos uno circiter die minus est, quam naturale quadriennium; eoque fit ut anno MCCCCLXI ad idem revolvatur principium. Hic annus etiam heliacos a quibusdam dicitur, et ab aliis θεου ενιαυτος : Les Égyptiens, dans la formation de leur grande année, n'ont aucun égard à la lune appelée par les Grecs κυνικον, par les Latins canicularis, pour la raison qu'elle commence avec le lever de la canicule, le premier jour du mois que les Égyptiens appellent thoth. En effet, leur année civile n'a que trois cent soixante-cinq jours, sans aucune intercalation. Aussi l'espace de quatre ans est-il, chez eux, plus court d'un jour environ que l'espace de quatre années naturelles ; ce qui fait que la correspondance ne se rétablit qu'à la quatorze cent soixante et unième année. Cette année est aussi appelée par quelques-uns héliaque, et par d'autres l'année de Dieu. ».

[12] l'aroure ne "contenait" pas "cent coudées" mais dix mille : un carré de cent coudées de coté (100 x 100 = 10.000) ; l'expression utilisée par Horapollon et ses traducteurs désignait le côté du carré servant à calculer la surface : un carré de cent coudées de côté était dit "contenir" cent coudées.

[13] Hérodote (II-109) : κατανεῖμαι δὲ τὴν χώρην Αἰγυπτίοισι ἅπασι τοῦτον ἔλεγον τὸν βασιλέα, κλῆρον ἴσον ἑκάστῳ τετράγωνον διδόντα, καὶ ἀπὸ τούτου τὰς προσόδους ποιήσασθαι, ἐπιτάξαντα ἀποφορὴν ἐπιτελέειν κατ' ἐνιαυτόν. Εἰ δὲ τινὸς τοῦ κλήρου ὁ ποταμός τι παρέλοιτο, ἐλθὼν ἂν πρὸς αὐτὸν ἐσήμαινε τὸ γεγενημένον · ὁ δὲ ἔπεμπε τοὺς ἐπισκεψομένους καὶ ἀναμετρήσοντας ὅσῳ ἐλάσσων ὁ χῶρος γέγονε, ὅκως τοῦ λοιποῦ κατὰ λόγον τῆς τεταγμένης ἀποφορῆς τελέοι. Δοκέει δέ μοι ἐνθεῦτεν γεωμετρίη εὑρεθεῖσα ἐς τὴν Ἑλλάδα ἐπανελθεῖν. Πόλον μὲν γὰρ καὶ γνώμονα καὶ τὰ δυώδεκα μέρεα τῆς ἡμέρης παρὰ Βαβυλωνίων ἔμαθον οἱ Ἕλληνες. Ce roi, disaient les prêtres, partagea le sol entre tous les Egyptiens, attribuant à chacun un lot égal aux autres, carré ; et c'est d'après cette réparition qu'il établit ses revenus, imposant qu'on s'acquittât d'une redevance annuelle. S'il arrivait que le fleuve enlevât à quelqu'un une partie de son lot, celui-là venait le trouver et lui signalait ce qui s'était passé ; lui, envoyait des gens pour examiner et mesurer de combien le terrain était amoindri, afin qu'il fut fait à l'avenir une diminution proportionnelle dans le paiement de la redevance fixée. C'est ce qui donna lieu, à mon avis, à l'invention de la géométrie, que des Grecs rapportèrent dans leurs pays. Car, pour l'usage du polos, du gnomon, et pour la division du jour en douze parties, c'est des Babyloniens que les Grecs les apprirent.
(Trad. L. Valle, 1494 ; f° XXVII v°) : Propter haec Ægyptus incisa est , & ab hoc rege, ut dicebant, regio in omnes Ægyptios dispartita, soli quadrati æqua portione viritim per sortem data : atque hinc proventus institui, imposita certa pensione, quam illi quot annis solveret. Quod si cujus portionem alluvione flumen decurtasset, is adiens regem, rei quae contigerat certiorem faciebat. Rexque ad praedium inspiciendum mittebat qui metirentur quanto minus factum esset, ut ex residuo pro portione taxatum vectigal penderetur : atque hinc geometria orta mihi videtur in Graeciam transcendisse. Nam polum & gnomonem, & duodecim diei partes a Babyloniis didicerunt.
(II, 168) : ἡ δὲ ἄρουρα ἑκατὸν πηχέων ἐστὶ Αἰγυπτίων πάντῃ, ὁ δὲ Αἰγύπτιος πῆχυς τυγχάνει ἴσος ἐὼν τῷ Σαμίῳ. L'aroure contient cent coudées d'Égypte en tout sens ; et la coudée d'Égypte est égale à celle de Samos.
(Trad. L. Valle, 1494 ; f° XXXIIIIv°) : Est autem agri [arura] centum cubitorum Ægyptiorum quoquoversus.

[14] Histoire des mots composés.
(Catach, Dictionnaire historique de l'orthographe française, 1995 ; p. 1177) : « Le trait d'union des composés était inconnu en ancien français, très peu utilisé au XVIe siècle (il n'apparaît pas chez Estienne, et il est rare chez Nicot), et même au XVIIe siècle. [...] Suivant l'usage général de son temps, Robert Estienne utilise soit la soudure, soit le blanc, soit, exceptionnellement, l'apostrophe (s'entr'aimer), mais il ignore le trait d'union. [...] C'est Thierry (1564) et, un peu plus nettement Nicot (1606) qui introduisent les premières séparations par le trait d'union. ».
(Nicot, 1606) :
Beau pere, Socer.
Belle mere, Socrus.
Beau frere, ou frere du mari, Leuir. [...]
Belle soeur, Glos.
¶Cheval ... Chevaux legiers, Ferentarij equites. B. ex Sallustio.
¶Ratepenade, quasi mus pennatus, Autrement Chauve souris, Vespertilio.
¶Fresaye, Strix strigis. Aucuns l'appellent Effraye pour ce que de nuict en volant cet oiseau fait un cry effroyant, et le nomment pareillement, Fur nocturnus, et Caprimulgus, nimirum a capris noctu mulgendis, Petit chat huant.
Loup cervier, Ceruarius lupus. C'est un chat sauvage grand comme leopard, dont la pane est de grand pris et requeste envers les grands seigneurs.
¶Chahuant, m. acut. Est une espece d'oiseau, qui va voletant et huant de nuict, duquel chant huant il est ainsi nommé, car son chant n'est que hu et cry piteux : pour laquelle cause les Latins l'ont appelé Vlula, tiré comme Servius dit, de ce mot Grec ολολυζειν, qui vaut autant que pleurer, gemir, et hurler, comme si vous disiez chahurlant. Ils l'ont aussi appelé Noctua, parce qu'il ne chante et ne erre que la nuict. Ils l'ont aussi nommé Bubo, par onomatopée, representans le chant d'iceluy par ce nom, et dient que cest oiseau est feral et funebre, pour estre tenebreux et nocturne et effrayant : et à ceste occasion tenoit on anciennement son chant pour presage de calamité future, mesmes par mort de maladie. [...] De ce que dessus se voit que de l'appeler chathuant, et pour la difficulté de la prolation Francoise en l'aspiration H apres la consone, dire que Chahuant est fait de chathuant, il n'y a pas raison grande veu que ceste particule cha, est ailleurs commune au Francois, comme en ces mots chatouille, chatfourré, chafouyn, esquels le mot de chat n'a que veoir.
Guet appensé, ou à pensé, n. qu'on dit Guet appens, ou à pens, par apocope, signifie embusche premeditée, pourpensée, Insidiae praemeditatae, ex consulto et praeparato structae. Il se prend aussi pour le delict commis et perpetré par voye de telle embusche, Scelus, facinus meditato perpetratum, comme, C'est un guet appensé, ou à pens, et se prend tousjours en mauvaise part pour un vilain cas commis, apres longue menée et deliberation faite et euë sur iceluy, Crimen conspirato admissum, De quo quis diu agitauit, cogitauit. Et n'est, à bien le considerer, un mot seul, ne deux aussi, ains sont trois mots desquels est faite cette locution, à sçavoir Guet à pens, et le dernier d'iceux estoit anciennement en commun et frequent usage, pour dire pensée. Rigauld de Berbezill en une sienne chanson : Tan m'abelis lamoros pensamens, Que ses venguts en mon fin cor assire, Que no i pot nuils autre pens caber.
(Rabelais, 1532) : Le Chat fourré des Procureurs (in Pantagruel, chap. VII).

[15] au XVIe siècle, on admettait les deux orthographes "cent" et "cens".
Cf. Nicot, 1606 : L'an cinq cens et cinq, Anno vrbis quingentesimo quinto. /.../ Avoir deux cens ans accomplis, Annos ducentos explere.

[16] Cf. le grammairien de Galien et l'épilepsie à la lecture

[17] III-27 : Prince libinique puissant en Occident/ François d'Arabe viendra tant enflammer/ Sçavans aux lettres sera condescendent/ La langue Arabe en François translater.

[18] Mot voisin du provençal charrá, causerie, charrado, charade (Rey,1994), synonyme de l'espagnol algarabia, la langue arabe, ou du portugais algravia, arabia.

[19] Cf. I-42 : Cherchant les os du d'Amant & Pselin.

[20] Cf. I-22 : Ce que vivra & n'ayant aucun sens,/ Viendra leser à mort son artifice,...

[21] ΒΑΡΒΑΡΟΣ : Barbarus, Pronũtiatione vitiosa & insuavitens literasq ; malè exprimens, blæorũ balborumque more (...). H. Estienne, 1572, Thesaurus graecae linguae.

[22] Cf. VIII-36 : Non Bleteram resister & chef d'oeuvre.

[23] « Hinc efficitur, ut qui ingenij acumine pollent, huic morbo frequenter obnoxij sint, ut de Cæsare, Mahumete, Carolo quinto Imperator scriptum legimus. » (Rondelet, 1575, Methodus curandum..., De Epilpesia, caput alterum. p. 172).

[24] « Plusieurs sont en proie à la crainte d'une bête féroce prête à s'élancer sur eux, ou croient voir un spectre à leur coté, et tombent ainsi dans l'accès » (Arétée de Cappadoce, Des causes et des signes des maladies chroniques, I, 4 ; trad. R. Th. Laënnec ; Ed. Droz, 2000).

[25] Le livre d'Albucassis (Abu al-Qasim, Liber theoricae nec non practicae Alsaharavii qui vulgo Acarius dicitur), a été traduit en latin et édité en 1519 à Augsburg (cf. Penfield, 1963).

[26] Les thèmes, le style littéraire de Nostredame, et son portrait psychologique aussi, ressemblent à celui de Guillaume Postel : répétitions, retours et variations, thèmes de mort et de renaissance, pléonasmes, antithèses, paradoxes, néologismes, barbarismes (cf. Simonnet, Bailbé, Actes du Colloque international d'Avranches, 1985) ; avec des différences : l'un a écrit des vers incompréhensibles, l'autre une prose explicite.

[27] Pourquoi Kant a-t-il écrit à quarante ans, un Essai sur les maladies de la tête, alors qu'il allait devenir victime quelques années plus tard d'une tumeur cérébrale frontale qui, bien que très lentement évolutive, ne l'empêchera nullement d'être l'auteur génial de la Critique de la raison pure, avant de mourir dément ? (Marchand, 1997).

[28] Ἑτέρα δὲ μήκων ἡρακλεία καλεῖται τὸ μὲν φύλλον ἔχουσα οἷον στρουθὸς ᾧ τὰ ὀθόνια λευκαίνουσι, ῥίζαν δὲ λεπτὴν ἐπιπόλαιον, τὸν δὲ καρπὸν λευκόν. Ταύτης ἡ ῥίζα καθαίρει ἄνω · χρῶνται δέ τινες πρὸς τοὺς ἐπιλήπτους ἒν μελικράτῳ. Ταῦτα μὲν οὖν ὥσπερ ὁμωνυμίᾳ τινὶ συνείληπται. (Theophraste, Hist. plant., IX. 12, 5) ; Spumeum papaver, Aliud papaveris genus, aphrodes, id est spumeum vocatur, ab aliis heracleum... Nam herbula alba est, a spumea tota ..., comitialibus prodest. [...] Glaucium, ... corniculati papaveris ... tota croceo succo mandet (Dioscoride, III-82, IV-57; Ruellio, 1537) ; Alterum e silvestribus genus heraclium vocatur, ab aliis aphrodes, foliis, si procul intuearis, speciem passerum praebentibus, radice in summa terrae cute, semine spumeo. ex hoc lina splendorem trahunt. aestate tunditur in pila. comitialibus morbis acetabulo seminis in vino albo — vomitionem enim facit —, item medicamento, quod δια κωδυων et arteriace vocatur, utilissimum (Pline, H.N., XX, 207) ; Panaces nonnullis heracleum dicitur, ex quo opopanax colligi solet... qui lanugine quadam incanescit,... flore luteo (Dioscoride, III, 46 ; Ruellio, 1537, p. 121) ; Spumei sive heraclei papaveris semen tunditur in pila comitialibus morbis acetabuli mensura in vino albo (Gabuccini, de comitiali morbo, 1561 ; p. 95).
(Cf. Lemery, Pharmacopée universelle, T.2., 1697 ; p. 364 — Portal, Observations sur la nature et le traitement de l'épilepsie, 1827 ; p. 400 — Spach, Histoire naturelle des végétaux, Phanérogrammes, T.8. 1839 ; p. 170 — Vaucher, Histoire physiologique des plantes d'Europe, T.2. 1841 ; p. 601 — Loret, Flore de Montpellier, 1876 ; p. 271 — Trousseau & Pidoux, Traité de thérapeutique et de matière médicale, 1877 ; pp. 456-9, 781 — André, Les noms de plantes dans la Rome antique, 1985).

[29] Dans le style nostradamien, les compositions pléonastiques par synonymie sont très fréquentes, comme ruse inventée en IX-87 (σόφισμα, sophisme, invention, ruse), fraudulente dole en IV-42 (δόλος, fraude).
J'ai décrit pour la première fois en 2001 dans « Logodaedalia, Clinique d'une comitiale agitation hiraclienne », la triade plénonasmique – ainsi que le paradoxe – comme un des éléments de signature psycholinguistique de la production littéraire nostradamienne. Il ne s'agit pas seulement d'une figure de style décorative, comme on la trouvait chez quelques auteurs du Moyen-Age (Willems, 2003), mais d'un élément comportemental psycho-linguistique particulier, décrit dans le syndrome de Geschwind (Benson, 1991), et qu'on retrouve pour la même raison chez un autre mystique de la Renaissance en la personne de Guillaume Postel. En outre, l'ambiguité comme conséquence d'un pléonasme a été décrite pour la première fois par Galien dans son traité des Sophismes verbaux.

[30] Cf. Gabuccini (de comitiali morbo, 1561) : « siquidem Græcia sacrum pro magno usurpat : ut quum sacrum os dicit ; sacrum mare, sacrum domum ; uel ut Tragicus poeta, sacram noctem, hoc est magnam : & nautæ qui sacram anchoram appellant ; nempe maximam, ac ualidissimam ; quam tum mittunt, quum extrema laborant discrimine : En effet, au lieu de grand les Grecs abusent du mot sacré, de telle sorte que l'on dit ou bien parole sacrée, ou mer sacrée, ou maison sacrée, mais aussi tel le poète tragique : n'est-elle pas sacrée cette nuit interminable, et les matelots n'appellent-ils pas sacrée, et tant qu'à faire la plus forte et la plus résistante, l'ancre à laquelle ils ne cessent de penser lorsqu'ils travaillent dans des circonstances pénibles. »
Cf. Plutarque (Amyot, 1587) : « comme l'ancre sacree en quelque coing de la navire, attendant l'extreme besoing et necessité de son païs pour s'employer » ... « secourir en jettant la derniere ancre sacree » (Instruction pour ceulx qui manient affaires d'Estat, p. 170, p. 172) ; « une ancre sacree alencontre de la tourmente » (de la Fortune des Romains, p. 302).
Cf. Rhodiginus (Lectionum Antiquarum, XII, 28 ; p. 448)
Cf. Plutarque (Scripta moralia, T2, Dübner, 1856, A.F. Didot ; p. 1201) : Τὸ δὲ τοῦ ἀνθίου θαυμασιώτατόν ἐστιν, ὃν Ὅμηρος ἱερὸν ἰχθὺν εἴρηκε · καί τοι μέγαν τινὲς οἴονται τὸν ἱερὸν, καθάπερ ὀστοῦν ἱερὸν τὸ μέγα, καὶ τὴν ἐπιληψίαν, μεγάλην νόσον οὖσαν, ἱερὰν καλοῦσιν · ἔνιοι δὲ κοινῶς τὸν ἄφετον καὶ ἱερωμένον : Maxime admirabilis est anthias piscis, quem sacrum Homerus appelat : etsi pro magno piscem sacrum quidam interpretantur, quo modo os magnum sacri appellationem habet, et morbus comitialis quum sit magnus, sacer dicitur : alii sacrum eum intelligunt, qui liber ac dissimus sit, utpote alicujus numinis tutelæ consecratus. (De solertia animalium, [981,D]).
En 1512, Jean Lemaire de Belges utilise le mot herculien dans ses "Illustrations de Gaule". Employé dans l'Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des Sciences, des Arts, et des Métiers, Chateaubriand reprend l'adjectif dans ses Etudes historiques (I, 2 – de Dèce ou Décius à Constantin ; éd. 1861) : « Dioclétien diminua le nombre des prétoriens, et leur opposa deux nouvelles cohortes, les joviens et les herculiens ».
En 1571, Maurice de la Porte dans les Epithètes, emploie plusieurs fois l'épithète herculien, et dit d'Alcmème qu'elle est “herculienne”.

[31] Ιρά. ας. ή. sacra, sacrificia, admiranda. (Gesner, 1537, Lexicon graecolatinum).

[32] Cf. VIII-16 (Au lieu que HIERON feit sa nef fabriquer), et X-63 (Cydron, Raguse, la cité au saint Hieron).
Cydron : adjectif neutre transcrit du grec κυδρόν, glorieux, illustre (de κῦδος, gloire, synonyme de κλέος).
Raguse : jadis Rausium, puis Ragusium, aujourd'hui Dubrovnik, port fortifié établi sur un îlot rocheux de l'Adriatique dalmate (cf. grec ἁδρός, fort) est donc un passage quasi herculéen, sinon héracléen (J. Gassot, 1550, Voyage de Venise à Constantinople, p. 6 ; Nicolay, 1576, Les navigations, pérégrinations, et voyages faits en la Turquie, IV, 23, p. 261 ; Wheler, 1589, Voyage de Dalmatie, p.39 ; Vergoncey, Le pélerin véritable de la Terre saincte, 1615, p. 139) ; « Raguse a été autrefois connue sous les noms d'Hybla minima, d'Hera, ou d'Heroea » (Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des Sciences, des Arts et des Métiers).
Ainsi, dans les Prophéties, Raguse n'est qu'un port incogneu, comme le port de l'Orguion (II-73) ou le port Selyn (en I-94, II-1, IV-23), ou le grand port Ionique (en III-64), alias port Phocen (en I-18, II-79) : un port nullement matériel ni géographique mais un port spirituel accueillant des exilés fuyant l'aventure, un passage à double sens (au sens du latin portus : c'est le latin passage de V-50) pratiqué par un nocher souffrant d'une sacrée obsession mystique.
Pour la circonstance, on démontrera dans les Prophéties l'identité sémantique entre grand port Ionique, port Phocean, et Marseille en citant non seulement Athénée (XIII, 576a) : « Φωκαεῖς οἱ ἐν Ἰωνίᾳ ἐμπορίᾳ χρώμενοι ἔκτισαν Μασσαλίαν : Les Phocéens, peuple marchand venu d'Ionie, fondèrent Massalia », mais encore Stéphane de Byzance : « Ἰωνία. οὕτως ἡ Ἀττικὴ πρότερον, ἀπὸ Ἴωνος τοῦ Ἀπόλλωνος καὶ Κρεούσης τῆς Ἐρεχθέως. „ οὕτω μὲν οἱ Ἀθηναῖοι. ἐν μέν τοι Δωριεῦσιν Αἰτωλοί, ἐν δὲ Αἰολεῦσι Βοιωτοί, ἐν δὲ τοῖς Ἴωσιν Ἀθηναῖοι ”. ὁ οἰκῶν Ἴων καὶ Ἰωνίς καὶ Ἰάς καὶ Ἰωνικός καὶ ἰωνίζω ῥῆμα. : L'Ionie. [...] d'où la race des Ioniens et des Ioniennes, d'Ionie et Ionique, et le verbe ioniser », « Μασσαλία, πόλις τῆς Λιγυστικῆς κατὰ τὴν Κελτικήν, ἄποικος Φωκαέων. Ἑκαταῖος Εὐρώπῃ. Τίμαιος δέ φησιν ὅτι προσπλέων ὁ κυβερνήτης καὶ ἰδὼν ἁλιέα ἐκέλευσε μάσσαι τὸ ἀπόγειον σχοινίον · μάσσαι γὰρ τὸ δῆσαί φασιν Αὶολεῖς · ἀπὸ γοῦν τοῦ ἁλιέως καὶ τοῦ μάσσαι ὠνόμασται. », repris en 1516 par Rhodiginus : « Massiliam inde appellationis traxisse causam, quod quum forte illuc Phocenses classe appulissent, vidit gubernator piscatorem, quem vocant Græci ἁλίεα, protinusque μᾶσαι ἐκέλευσε τὸ ἀπὸγειον σχοινίον, idest religare abterraneum jussit funem : quippe μᾶσαι lingua Æolica destinare significat, quod Timaeus tradit : le nom de Marseille vient donc du fait que la flotte des Phocéens aborda là par hasard, et qu'aussitôt le pilote – un marin pêcheur appellé “aliea” en grec – “ekeleuse to apogeion schoinion”, ordonna d'attacher les amarres au rivage : car en éolien “masai” signifie attacher, comme le rapporte Timée. » (Lectionum Antiquarum, XVI, 8).
En outre, au cas où il faudrait être absolument encore plus explicite sur l'onomastique de Marseille et des Phocéens, émigrés d'Ionie : le verbe ἰωνίζω [ioniser] employé par Stéphane vient de ιών, participe du verbe εἶμι : aller, venir, partir, fuir, émigrer, s'exiler.
On doit ajouter, et ce n'est pas pour compliquer inutilement la démonstration, que pour quelques humanistes de la Renaissance, le participe ιών signifiait encore une errance universelle, une perpétuelle vedette fugitive qui « alla, va et ira » pour ceux qui, entrés en religion, n'en sortent pas : une incarnation de cette essence éternelle qui « fut, est et sera » évoquée dans l'Exode (3:14) et l'Apocalypse (1:1). C'est en effet ce qu'avait retenu Conrad Gesner : « ιών. tria tempora significat. præsens, præteritum, & futurum : allant, signifie les trois temps, présent, passé & futur » (Lexicon graecolatinum, 1537), pour résumer une lecture de Guillaume Budé : « Εἰσιὼν, ut dixi, tria habet tempora : de præsenti & præterito clarum est. Tertii est exemplum apud Demosthenem : Κατά Τιμοκράτης. Ἐγὼ μὲν γὰρ ἡγοῦμαι δεῖν τὸν εἰς ἱέρὰ εἰσιόντα καὶ χερνίβων καὶ κανῶν ἁψόμενον, καὶ τῆς πρὸς τοὺς θεοὺς ἐπιμελείας προστάτην ἐσόμενον ... τὸν βίον ὅλον ἡγνευκέναι τοιούτων ἐπιτηδευμάτων οἷα τούτῳ βεβίωται. » (Commentarii linguæ græcæ, 1548 ; p. 101) A savoir, selon l'humaniste, que « pour entrer dans un lieu saint, pour toucher aux urnes lustrales et aux corbeilles sacrées, pour présider au service des dieux », il ne suffit pas d'être pur juste à cet instant présent, mais de l'être aussi avant et après, soit toute sa vie durant.
Ainsi prévenu le lecteur ne sera-t-il pas davantage étonné de lire sous la plume d'un mystique pris de fantaisie auriculaire qu'au port seront entrants (II-14), de voir les exilés dedans (II-67), dedans Marseille (III-86), dedans l'entrée (VIII-35), chef fuyant sauvé en marine grange [port] (I-98), etc.

[33] Cf. Postel : « Chapitre XXXI. Qu'il falloit qu'il souffrist double mort la plus estrange et excellente ou exquise en tourment qui onc au monde fut, ne qui jamais sera. (...) Voluntairement, et non pas nécessairement mourir, c'est le rapt ou l'ecstase, qui par force voluntaire d'eslever le cœur, ou pour dire mieulx la mente, l'esprit, l'anime et l'âme à contempler prier et glorifier Dieu, se faict en tele sorte et par tele douleur que le corps demeurant du tout comme mort, soufrant d'estre taillé, rompu, brisé et bruslé sans aulchune douleur, jusques à ce que l'âme, anime, esprit et mente retournant au corps, luy faict sentir les douleurs qu'alors qu'elles se faisoient ne se sentoient. » (TPU, p. 149).

[34] Sachant que le grec ἐπιληψία peut être traduit par "arrêt soudain", et qu'ensuite "arrêt" peut encore signifier "capture", "passage", mais aussi "décision", "sentence" [DHLF, Rey], on pourra comprendre le mot "épilepsie" autrement que par "convulsion", et on lira différemment les vers suivants : Par mer fera arrest dedans Marseille,... Fera arrest pour Paris desolé (III-86-93).
Nicot (1606) : Passage : Ainsi Passage cy endroit sera partie ou particule de פסק [pâsaq] mot Chaldée, qui signifie cesser et faire arrest.
(Levita, 1541) : Pasak] ... prohibitio... cessatio... defectio... Iudices qui sententiam pronuntiant in causa... (Opusculum Recens Hebraicum ; Pasak p. 276, Salak p. 232, Karah p. 314 -- pagination défectueuse).
C'est aussi le bon moment, devant Marseille, ce grand port Ionique, pour ajouter que le vocable mer revêt une acception particulièrement mystique dans le corpus nostradamien : dans le Bahir (se référant à Deutéronome, 33, 23 et Job, 11, 9), la mer (alias occidens) désigne la Torah, chez les chrétiens elle supporte la Nef de l'Eglise, c'est pourquoi Ambroise de Milan soutenait « qu'on a souvent comparé avec vérité la mer à l'Eglise » (Hexameron, III), et que le mystique Nostredame priait pour une certaine “religion du nom des mers”.
A la Renaissance, le thème marin de l'Eglise a amplement été popularisé par Brant dans La Nef des fous, et plus particulièrement dans le chapitre 103 de l'Antichrist (“vom Endkrist”) de cet ouvrage : « La nef s'enfonce peu à peu/ Perdus la rame et le timon/ Au naufrage court le vaisseau/.../Nef verra-t-elle jamais le port/Nef de Saint-Pierre tout agitée ?/Naufrage en mer, je crains pour elle/Assaillie d'eau de tous côtés/Contre elle sévit la tempête. ». L'ouvrage, rédigé en allemand, était illustré de gravures tout fait à évocatrices, et a inspiré une paraphrase latine : « Clavigeri Petri navem, lacerosque rudentes./ Frangunt, remigium dilaniantque sacrum./ Fluctuat ergo ratis tumidas agitata per undas :/ In vastoque freto naufraga vela iacent. [...] Naviculam Petri tempestas turbida iactat,/ Et quatit exstructam dira procella ratem :/ Iam titubat malus, titubant quoque carbasa celsa,/ Ne ruat exitio puppis operta gravi. » (Stultifera navis), résumé en français par Rivière : « Les pauvres d'entendemens simples en la nacelle saint Pierre portant la clef lequel conduit la nacelle laquelle est forte & maulvaise a destruire elle est sans mat ni voille & se vire sur les undes enflees & profondes [...] Ceste nef ne durera pas long temps sur ceste mer orgueilleuse, ains sera destruicte » . Toute cette littérature inspira de nombreux passages de Guillaume Budé dans De transitu Hellenismi ad Christianismum : « Mais maintenant une licence honteuse a éclaté dans l'entreprise de navigation du Christ, armateur suprême, à tel point que les passagers font peu de cas des exhortations de ceux qui se tiennent à la poupe ou à proximité. En effet, les hommes placés à la barre du gouvernail et ceux qui en sont le plus proches ont visiblement dormi du sommeil de l'insousiance, le jour comme la nuit, par ciel nuageux ou serein. [...] Et alors qu'il dépendait des armateurs et des capitaines, à peu de choses près, que la navigation se poursuivît avec des flots et des brises favorables, le bruit pourtant s'est répandu depuis longtemps que dans cet ordre bien des choses s'étaient dégradées, à la fois par la cupidité des capitaines et par les passions et l'insouciance des passagers de première classe. » (Budé, 1993, p. 50, 145).

[35] Tante, Pic. Ante, & Belle ante.
Tente. Est ores un pavillon de camp. Tabernaculum militare. Ores un drap de chanvre ou autre toile soustenue à baston servant de ciel aux revendeurs & autres petits ouvriers... (Nicot, 1606).

[36] Du latin illac-intus, à l'intérieur, là-dedans. (Catach, 1995, GK).
« Ens, se dit pour dedens : comme ici ens. Et parlans d'un lieu plus loing, nous disons, il est liens, va liens, je vien de liens. Et ne fault pas escrire leans, non plus que ceans a bon vin, mais liens, ciens. » (Godefroy, 1885 ; R. Estienne, Traicté de la Grammaire françoise, p. 91, éd. 1569).

[37] – Erasme (Eloge de la folie, § 68) : « Hoc igitur quibus sentire licuit, (contingit autem perpaucis,) ii patiuntur quoddam dementiae simillimum ; loquuntur quaedam non satis cohaerentia, nec humano more, sed dant sine mente sonum ; deinde subinde totam oris speciem vertunt, nunc alacres, nunc deiecti, nunc lacrymant, nunc rident, nunc suspirant ; in summa, vere toti extra se sunt. Mox ubi ad sese redierint, negant se scire ubi fuerint, utrum in corpore, an extra corpus, vigilantes, an dormientes ; quid audierint, quid viderint, quid dixerint, quid fecerint, non meminerunt, nisi tanquam per nebulam ac somnium ; tantum hoc sciunt, se felicissimos fuisse, dum ita desiperent. Itaque plorant sese resipuisse, nihilque omnium malint, quam hoc insaniae genus perpetuo insanire. Atque haec est futurae felicitatis tenuis quaedam degustatiuncula. [...] Quare valete, plaudite, vivite, bibite, Moriae cleberrimi Mystae :
    Ceux à qui il est permis de faire l'expérience de ces choses – et ils sont très peu nombreux – souffrent de quelque chose qui ressemble très étroitement à la démence : ils prononcent des paroles qui n'ont rien de cohérent et rien d'humain ; ils émettent des sons insensés et à chaque instant changent complètement "l'aspect de leur visage" [Luc 9:29]. Tantôt gais, tantôt déprimés, tantôt pleurant, tantôt riant, tantôt soupirant : en somme ils sont vraiment et totalement hors d'eux-mêmes. Dès qu'ils sont revenus à eux-mêmes, ils disent qu'ils ne savent où ils sont allés, "était-ce en leur corps ? était-ce hors de leur corps" ? [2 Corinthiens 12:2], "était-ce éveillés ou endormis" ? Ils ne se rappellent pas ce qu'ils ont entendu, ce qu'ils ont vu, "ce qu'ils ont dit", ni ce qu'ils ont fait, si ce n'est à travers une nuée comme dans un sommeil [Luc 9:33-34]. Mais ce qu'ils savent bien c'est qu'ils étaient très heureux lorsqu'ils déliraient. Et ainsi ils regrettent d'être revenus à la réalité, car ils ne rêvent plus que de rester insensés à perpétuité. Et encore, cela n'est-il qu'un faible avant-goût du bonheur futur ! [...] Donc, adieu ! Applaudissez, prospérez, buvez, illustres Initiés de la Folie !  ».
– Ficin (Klibansky, 1989 ; Theologia platonica, XIII, 2) : Porphyrius, Plotini discipulus, scribit Plotinum saepe solitum solvi a corpore, mutare vultus, tunc mira quaedam invenire, quae postea scriberet. Quater autem affuisse se asserit iis Plotini miraculis, seipsum vero, cum ageret octavum et sexagesimum aetatis annum, a numine correptum semel inter contemplandum affirmat. Multis annis ante istos idem fecisse Heraclitum et Democritum legimus. Utrique in solitudinem secesserunt. Alter intentione studii subtristis videbatur aspectu, alter cum mentem a sensibus avocare coepisset et impediretur ab oculis, sese excaecavit. Quid multa ? Quicumque magnum aliquid in quavis arte nobiliori adinvenerunt, id fecere praecipue, quando digressi a corpore in arcem animi confungerunt.[...] Ob id scribit Aristoteles omnes in qualibet arte viros excellentes melancholicos extitisse, sive tales nati fuerint, sive assidua meditatione tales evaserint. Quod ego ob eam causam arbitror evenire, quoniam humoris melancholici natura terrae sequitur qualitatem, quae numquam late sicut caetera elementa diffunditur, sed arctius contrahitur in seipsam. : Porphyre, disciple de Plotin, écrit que son maître, qui avait l'habitude de s'abstraire de son corps, changeait de visage et trouvait alors d'admirables pensées qu'il écrivait ensuite. Il prétend avoir été quatre fois témoin de ces scènes merveilleuses chez Plotin et affirme qu'à l'âge de soixante-huit ans, il fut lui-même ravi en extase par la divinité [correptum, saisi, de rapio, saisir, emporter, ravir] pendant sa méditation. Nous lisons que, longtemps avant eux, Héraclite et Démocrite ont fait de même. Tous deux se sont retirés dans la solitude. L'application à l'étude donnait au premier une expression un peu triste, le second, qui avait commencé à détourner des sens son intelligence et s'en trouvait empêché par ses yeux, se rendit lui-même aveugle. Bref, tous ceux qui réalisèrent une découverte importante dans un art élevé le firent surtout quand, délaissant le corps, ils se réfugièrent dans les régions supérieures de l'âme. [...] C'est pour ce motif qu'Aristote écrit qu'il n'y a pas de génie sans mélancolie, soit par ce qu'ils sont nés tels, soit parce qu'ils le sont devenus par suite de l'assiduité de leur méditation. (p. 201-202).
[...] Divum Paulum Theologum tres caelestium hierarchiarum caelos in divina abstractione animi conscendisse scripta eius, gesta discipuli monstrant [...] Cornelium sacerdotem castissimum scribit Aulus Gellius Patavi mente motum fuisse, eo tempore quo Caesar et Pompeius in Thessalia confligebant, adeo ut et tempus et ordinem et exitum pugnae videret. Plinius quoque tradit Harmonis Clazomenii animam relicto corpore vagari solitam et multa ac vera e longiquo nuntiare, donec cremato eo inimici eius, qui Cantaridae vocabantur, remeanti animae velut vaginam ademerunt. [...] Aurelius Augustinus refert sacerdotem Calamensem solitum se suo arbitratu a corpore advocare, praesertim cum querula harmonia demulceretur. Iacebat, inquit, simillimus mortuo, sine anhelitu et, cum ureretur et secaretur, non sentiebat. Experrectus autem dicebat se nihil praeter ipsam melodiam et voces loquentium in ipsa abstractione sensisse. : Dans un ravissement divin de l'âme, Paul, éminent théologien, s'est élevé aux trois ciels des hiérarchies célestes, comme le font connaître ses écrits et les Actes de son disciple. [...] Aulu-Gelle écrit qu'à l'époque où César et Pompée se livraient combat en Thessalie, Corelius, prêtre recommandable par la pureté de sa vie, fut saisi à Padoue d'un tel transport qu'il voyait l'heure, les péripéties et l'issue du combat. Pline, lui aussi, rapporte que l'âme d'Hermotime de Clazomène ayant quitté son corps errait ça et là et apportait de pays lointains beaucoup de nouvelles exactes, jusqu'au moment où, ayant brûlé son corps, ses ennemis, appelés Cantharides, privèrent en quelque sorte de son enveloppe cette âme qui revenait . [...] Augustin rapporte qu'un prêtre de Calama se séparait souvent de son corps à son gré, surtout lorsqu'il était sous le charme d'une harmonie plaintive. Il demeurait étendu, dit-il, tout à fait semblable à un mort, sans souffle et restait insensible quand on l'écorchait ou le brûlait. Revenu à lui, il disait n'avoir rien entendu dans ce transport que la mélodie elle-même et des voix qui parlaient. (p. 204-205).
[...] Quiescenti rationi lux infinita invisilibisque occurit, quae ubique tota et in seipsa sit seque ipsam per se sine oculo videat : A la raison au repos se présente une lumière infinie et invisible, tout entière partout et en elle-même, et qui se voit-elle même par soi-même et sans l'oeil. (p. 217).
[...] Tertius vacationis modus fit ex melancholici humoris contractione animam ab externis negotiis sevocantis, ut anima tam cavet homine vigilante, quam solet dormiente quandoque vacare : Le troisième mode de vacance provient de la contraction de l'humeur mélancolique qui détourne l'âme des affaires extérieures, de sorte que l'âme est aussi absente quand l'homme est à l'état de veille qu'elle l'est d'ordinaire quand il dort. (p. 219).
[...] Per hanc ut refert Aurelius Augustinus, rusticus quidam suis temporibus secedebat a corpore et vigilare se sciebat, dum tamen videret mira quaedam oculis non corporeis. Per hanc Ioannes, theologus omnium divinissimus, in Pathmo universum vidit ordinem saeculorum ; per hanc Ezechiel campum ossibus mortuorum inspexit refertum et ossa postmodum resurgentia ; per hanc Ysaias Deum sedentem a Seraphim circumdatum : C'est grâce à ce détachement, rapporte Augustin, qu'un de ses contemporains, un paysan, se séparaît de son corps et avait conscience d'être en état de veille, pendant que, pourtant, il voyait des merveilles par ses yeux qui n'étaient pas ceux de son corps. C'est grâce à cette vacance que Jean, théologien éminent entre tous, vit à Pathmos, toute la suite des siècles, qu'Ezéchiel vit la plaine jonchée des ossements des morts et ces ossements ressusciter ensuite, qu'Isaïe a vu Dieu assis, entouré des Séraphins. (p. 222).
[...] Putant Chaldaei posse insuper aliud quiddam ab anima mirabile fieri, ut scilicet radiis effusis in corpus suum ipsum lumine circumfundat et radiorum levitate tollat in altum : Les Chaldéens pensent que l'âme accomplit encore un autre miracle, qui consiste à entourer son corps d'une lumière en répandant sur lui des rayons et à le soulever par la légéreté des rayons, miracle que, selon quelques-uns, leur père Zoroastre a accompli sur sa propre personne. (p. 239).
– Augustin d'Hippone : « comme sont les choses que l'on voit en dormant ou dans l'extase, lesquelles, bien qu'incorporelles, apparaissent pourtant comme des corps. L'homme qui est en cet état, quoiqu'il n'y soit qu'en esprit, ne laisse pas de se voir si semblable à son corps qu'il n'y trouve point de différence. » (Cité de Dieu, XXI, 10 ; cf. aussi XXII ; Ed. E. Saisset, 1855, p. 209).

[ 38] En langage médical, "manie" est le mot désignant une symptomatologie d'hyperactivité psychique, excessive et désordonnée, appartenant (avec la mélancolie) à ce qu'on appellait jadis "psychose maniaco-dépressive", aujourd'hui dénommée "trouble bipolaire", ce qui revient au même ; tandis que l'obsession est un des symptômes du "trouble obsessionnel compulsif", maladie différente du trouble bipolaire, car les deux maladies ont une évolution différente et ne reçoivent pas la même thérapeutique. Donc, on évitera de confondre le symptôme et la maladie. Néanmoins, à l'époque de la médecine hippocratique, on était bien loin de pouvoir distinguer ces nuances subtiles. D'ailleurs, le mot grec μανία recouvrait plusieurs acceptions dérivées du verbe μαίνω (rendre fou, furieux), et désignait la démence, la folie, mais aussi le transport, l'inspiration, le délire prophétique.

[39] – obséder : obses (otage), obsidio (siège, blocus, détention, captivité), obsideo, obsidere, obsessum (être assis, installé), vexo, vexare (tourmenter, persécuter), circumstare (encercler, entourer, menacer), coquere (cuire, mûrir, méditer, tourmenter), urgeo, urgere, ursi, urgeri (presser, empresser, serrer, accabler, saisir, poursuivre) ; θύελλα i.e. thuella (tourmente, tempête), de θυΐω : s'élancer, bondir, se précipiter avec fureur, être saisi d'un transport prophétique (passer sur le gril suite à d'un "tuyau" céleste ? tuyau : du latin tuellus, chemin, conduite, trompe ; DHLF, Rey). « Οὐ γὰρ προσεληλύθατε ψηλαφωμένῳ καὶ κεκαυμένῳ πυρὶ καὶ γνόφῳ καὶ ζόφῳ καὶ θυέλλῃ καὶ σάλπιγγος ἤχῳ καὶ φωνῇ ῥημάτων, ἧς οἱ ἀκούσαντες παρῃτήσαντο μὴ προστεθῆναι αὐτοῖς λόγον : Non enim accessistis ad tractabilem montem, et accensibilem ignem, et turbinem, et caliginem, et procellam ; Et tubæ sonum, et vocem verborum, quam qui audierunt, excusaverunt se, ne eis fieret verbum : Car vous n'êtes pas venus à une montaigne qui se puisse toucher à la main, ny au feu bruslant, ny au tourbillon, ny à l'obscurité & tempeste, et son de trompette, et voix des paroles : laquelle ceux qui l'oyoyent, resquirent que la parole ne leur fust plus adressee ? » (Bible, 1561, Ed. J. de Tournes ; Epître aux Hébreux, 12:18 ; cf. Exode, 19:16).
– (Nicot, 1606) :
Bailler ostage, Obsides dare.
Bailler ostage jusques à ce qu'on ait baillé tout l'argent promis, Obsidibus cauere de pecunia.
Prendre ostages, Obsides accipere.
Du Cange
OBSIDIUM, Pro Obsidiae, Insidiae
Obsessus a Possesso.
TUEL. Tuyau, canal, conduit, le canon d'une serrure. Gl. Tuellus 2.
Nostredame (Prophéties) : (II-66) : Par bon augure la cité est assiegee ; (III-71) : Ceux dans les isles de long temps assieges (les îles des Bienheureux, dans l'Utopie, etc...) ; (IV-6) : Couleur Venise insidiation (obsession-infection – colorer, teindre : inficere) ; (IV-40) : Les forteresses des assiegez serrez (pléonasme sur obsessum-ursi : obsédé-poursuivi) ; (IV-52) : En cité obsesse, aux murs hommes & femmes (cité “obsesse” : l'ensemble des hommes et des femmes, obsédés, tourmentés) ; (IV-59) : Deux assiegez en ardente ferveur (obsédés fervents, enthousiastes, épris de Dieu) ; (IV-83) : Son propre fil le tiendra assiégé ; (VI-34) : Viendra troubler au grand chef assiegez ; (VII-4) : Le duc de Langres assiégé dedans Dole (assiégé dans une cité dite "Dole", ou d'ole, du “Tout entier”, intact, intègre, sauf) ; (VII-18) : Les assiegez couloureront leurs paches (colorer, teindre : inficere) ; (VII-33) : La classe obsesse, passaiges a l'espie (la classe : l'ensemble des citoyens ; passer à l'espie : délation, trahison, révélation – DHLF) ; (IX-82) : La cite grande de long temps assiegee (“grande” pour sacrée, sainte) ; (I-19) : Le sang Troyen vexe par les Hespaignes (obsédé par le besoin, la nécessité) ; (VIII-57) : Vexer les prestres comme l'eau fait l'esponge ; (II-3) : De Negrepont les poissons demy cuits (ensemble mûris, tourmentés) ; (V-87) : De sang Troyen sera son mariage/ Et sera seur d'Espaignols circondé (circondatus : soutenu, entouré).
Cf. Actes, 22:7 : « Saule, Saule, quid me persequeris ».

[40] De même : « Le Traité des Fardements et Confitures est écrit dans un français que plusieurs auteurs ont jugé mauvais, notant une addition de mots sans suite logique, une accumulation d'amphibologies et de termes équivoques, à tel point que l'ésotériste P.V. Piobb a pensé à la dissimulation d'une clef cryptographique. » (Benazra, 1990).

[41] II-32 : Laict, sang, grenoilles escoudre en Dalmatie/ Conflit donné, peste pres de Balenne:/ Cry sera grand par toute Esclavonie/ Lors naistra monstre pres & dedans Ravenne.

[42] « ἄνδρ' εἶδον πυρὶ χαλκὸν ἐπ' ἀνέρι κολλήσαντα οὕτω συγκόλλως ὥστε σύναιμα ποιεῖν. : J'ai vu un homme coller de l'airain au moyen du feu sur un homme vivant, avec une telle adhérence qu'il en résultait une alliance par le sang » (Athénée, Déipnosophistes, X, 452).

[43] Démétrios (Du style, 102).

[44] Aristote (Rhétorique, III, 2).

[45] Sextus Empiricus (Contre les grammairiens, 314-317).
Reprise dans une scholie de la République de Platon (V, 479) : «  Αἶνος τἰς ἐστιν ώς ἀνήρ τε κοὐκ ἀνὴρ ὄρνιθα κοὐκ ὄρνιθ' ἰδών τε κοὐκ ἰδὼν ἐπὶ ξύλου τε κοὐ ξύλου καθημένην λίθῳ τε κοὐ λίθῳ βάλοι τε κοὐ βάλοι : Ceci est une énigme : un homme qui n'est pas un homme, voyant et ne voyant pas un oiseau qui n'est pas un oiseau, perché sur un arbre qui n'est pas un arbre, le frappe et ne le frappe pas avec une pierre qui n'est pas une pierre  ». A savoir qu'un eunuque borgne vise une chauve-souris perchée sur un sureau avec un pierre ponce et la manque.

[46] Voir Rabelais dans le Tiers Livre (Chap. XIV) : « Aultrement seroit repous non repous : don non don : Non des dieux amis provenent, mais des diables ennemis, iouxte le mot vulgaire : ἐχθρῶν ἄδωρα δῶρα  », repris sur Erasme dans ses Adages (I, III, 35) : "Hostium munera non munera", d'après une citation de Sophocle dans Ajax (v. 665). L'adage grec a été repris en 1549 par Alciat dans l'un de ses Emblèmes (In dona hostium).

[47] Est eadem sed non eadem, quae est ipsa nec ipsa est : Il est lui et non lui, le même et non le même. (Lactance, de ave phoenice, v. 169).
« C'était une question que de savoir à quel sexe appartenait le phénix. Rien ne le prouve mieux que le v. 163 du Carmen de ave phoenice de Lactance, où le poète se demande si l'oiseau est femelle, mâle ou ni l'un ni l'autre ou encore l'un et l'autre : Femina seu mas sit seu neutrum seu sit utrumque. [...] Les genitalia du phénix devaient avoir une particularité mystérieuse, car Achille Tatius (Leucippe et Clitophon, III, 24) assure que lorsqu'il était parvenu à Héliopolis après sa résurrection, le phénix montrait à un prêtre les απορρητα de son corps. Le prêtre sortait du sanctuaire, portant un livre où se trouvait l'image du phénix, d'après laquelle il jugeait de l'authenticité de l'oiseau nouvellement arrivé. Pour les Pélasgiens, contre lesquels saint Augustin dirige une polémique dans le De anima, le phénix, être intersexué, était par sa résurrection, le symbole d'un état analogue à celui dans lequel ressusciteraient les âmes. "C'est impossible", assure le savant docteur, "ou bien le phénix a des genitalia masculina et, dans ce cas, il est mâle, ou bien il a des genitalia feminina et, dans ce cas, il est femelle. Tu vois bien que tu te trompes ; tu l'admettrais toi-même, si tu ne te répandais en de complaisantes déclamations au sujet du phénix, comme font les écoliers" (De anima et ejus origine, IV, XXI, 33 ; MIGNE, P.L., XLIV, col. 543). Des dissertations comme celles-là, auxquelles saint Augustin ne ménage pas son mépris, apparaissent encore chez saint Zénon de Vérone (Tract., lib. I, XVI, 9) : "Le phénix, cet oiseau précieux, nous apporte des preuves évidentes de notre résurrection. La noblesse de sa race, il ne la doit pas à des parents, il ne la transmet pas à des descendants : il est pour lui-même l'un et l'autre sexe..., il ne naît point d'une copulation, etc .. » (Hubaux & Leroy, 1939, p.5 ; Cf. Delcourt, 1958 ; Van den Broek, 1972, p.365 sq.).

[48] (Nicot, 1606) : Vueil, Un mesme vueil, id est, un mesme vouloir, Eadem voluntas.
(Estienne, 1549) : Timidus, pen. corr. Adiectiuum. Cic. Craintif, Timide, Couard. [...] Deorum timidus. Ouid. Craignant d'offenser les dieux.
Cf. Luc, II, 25 : iustus et timoratus, juste et pieux, δικαιος και ευλαβης.

[49] « Seignor missayre, mon genie n'est poinct apte nate à ce que dict ce flagitiose nebulon, pour escorier la cuticule de nostre vernacule Gallicque, mais vice versement je gnave opere, et par vele et rames je me enite de le locupleter de la redundance latinicome. » (Pantagruel, Chap. 6).

[50] « Car alors sera mise la pierre réprouvée au chef de l'angle et pignon de l'edifice de la nature humaine comme elle doibt  » (G. Postel, Le Candélabre de Moyse, in Dubois, 1972 ; p. 62). «...la pierre Jésus reprouvé par les bastisseurs doibt estre mise au pignon ou chef de l'anglet le plus hault de tout l'edifice humain...  » (TPU, Chap. XLV, p. 185, 200, 222). Cf. Lefevre de la Boderie : « Il est commun à tous que nostre Christ & Messie est celebré en plusieurs mysteres & appelé de plusieurs noms. Car il est appellé Aigneau, Liõ, la pierre de l'anglet, le Christ, le Verbe, la Verité, la Vie, & de tels autres noms. Ainsi encore est-il dict l'arbre de vie, qui est plantée au milieu du jardin des delices, afin qu'elle departe la vie à tous, comme cy dessus avons demonstré.  » (L'Harmonie du monde, 1579 ; I, II, 3, p. 364).
«...l'esguillon & stimulement de juste raison & non simulée cause m'a semont & enhorté comme tuteresse de tout bien & honneur à reintegrer et en son entier remettre le livre qui, par long temps devant ceste moderne saison, tant a esté de tous gens d'esprit estimé, que bien l'a daigné chascun veoir & tenir au plus haut anglet de sa librairie, pour les bonnes sentences, propos & dictz naturelz & moraulx qui dedans sont mis & inserez.  » (Exposition moralle du Romant de la Rose, Marot, 1526).
« Angleterre... ainsi dite pource qu'elle est comme le gond ou l'anglet de nostre monde  » (Maurice de la Porte, Epithètes, 1571).

[51] Cf. V-58 : « De laqueduct d'Uticense,Gardoing,/ Par la forest & mont inaccessible:/ En my du pont sera tasché au poing,/ Le chef Nemans qui sera tant terrible. ». L'aqueduc "d'Uticense" se réfère en fait – moins à celui d'Utique (Utica) près de l'ancienne Carthage, comme je l'avais supposé depuis 2001 – et davantage au pont du Gard [30], un aqueduc sur le Gardon en Uzégeois (d'abord Territorium Uceticum ou Pagus Uzeticus au Moyen Age, puis Civitas Uticensis en 1096, et Uticensis metropolitana en 1512 : Germer-Durand, 1868, p.250 ; Ménard, 1750-58, T.4, p. 90, col. 2) . C'est l'usage pléonasmique de Gardoing qui justifie ici de retenir Uticense comme synonyme déjà attesté d'Ucetia (Uzès), mais aussi d'Utica (Vtica, Vsees, E. Vticencis ; Cousin, T. 2, p. 83). Le système aqueducal, construit à l'époque romaine, cheminait en pente douce sur une cinquantaine de kilomètres depuis un premier ouvrage long de 275 mètres à la source d'Eure (située à 71 mètres d'altitude) à Uzès dans la vallée de l'Alzon, jusqu'à Nîmes (60 mètres d'altitude), en passant par l'ouvrage monumental le plus remarquable de la région, le pont du Gard. On savait au XVIe siècle que la partie supérieure du pont du Gard avait servi d'aqueduc, même s'il n'était plus exploité depuis longtemps : c'est que qu'on peut lire dans les mémoires de Thomas Platter. Dans les Prophéties ce qu'il faut retenir c'est donc l'aspect baptismal, allégorique (cf. IV-58 : Chef seille d'eaue mener son filz filer), d'une source abandonnée, mais appelée si besoin à jaillir de nouveau après une longue période de sécheresse.

[52] La latinisation de certains mots grecs, pratiquée par des humanistes comme Thomas More et François Rabelais, était connue de Nostredame. On en trouve la relation dans sa correspondance privée (Lettre du 15 Juillet 1561 ; Lettres inédites), avec “Apocham” (latinisation de l'accusatif grec ἀποχήν, distance, quittance), recopié d'après une traduction latine de Lucillius par Alciat en 1529 dans les Selecta epigrammata græca latine versa (cf. www.logodaedalia.com/lucillius.htm).
Cf. (Nicot, 1606) : Signer, act. acut. Faire un seing ou marque pour cognoissance et foy de quelque chose, Signum ac notam appingere, De là dit on signer de sa main une scedule, Apocham chirographo sancire, et Signé de la propre main du Roy, Ipsiusmet Regis chirographo subscriptum.
Cf. Junius : Agatha, vel Agathopolis. Opp. Gall. Poldus vult eandem esse cum Civitate Nigra in Narbonensi Gall. Agde dictam, aliis Mons pessulanus. Montpellier. (Nomenclator Octolinguis, in Thresor de la langue françoise, 1606).
Cf. Stéphane de Byzance : Ἀγαθη, πόλλις Λιγύων ἢ Κελτκῶν. Σκύμνος δὲ Φωκαέων αὐτήν φησιν ἐν τῇ Εὐρώπῃ. Τιμοσθένης δὲ ἐν τῷ σταδισμῷ Ἀγαθὴν τύχην αὐτήν φησιν.

[53] Stéphane de Byzance : Μαιῶται, ἔθνος Σκυθικὸν μέγιτσον καὶ πολυάνθρωπον. καὶ τὸ θηλυκόν, ὼς Μαιῶτις λίμνη, ἥν φασι κληθῆναι ἀπὸ [τοῦ μαῖαν εἶναι] τοῦ Εὐξείνου πόντου. ἔστι καὶ μαιώτης ἰχθῦς τις. λέγεται καὶ κτητικὸν Μαιωτικός.

[54] VIII-69 : Aupres du jeune le vieux ange baisser,/ Et le viendra surmonter à la fin/ Dix ans esgaux au plus vieux rabaisser/ De trois deux l'un l'huitiesme seraphin.

[55] Lepre, rongne, & galle, ce que les ignorans appellent le mal S. Main, ou de sainte Raphine. (R. Estienne, 1549).

[56] « But in the time of Agust there appears a standard formula guaranteeing that the slave is “without the Sacred Disease and epaphē ” (...). The word is derived from of verb meaning “to touch (upon)”, “to attain” (epháptomai), the basic meaning of which reminds us of Neo-Assyrian sibtu, deriving from sabātu “to seize” (...). What disease can be meant by epaphē. The word reminds us of its simple form, haphē, in Septuagint Greek standing for Hebrew nèga, one of the word for “leprosy” in the Old Testament and in later Rabbinical litterature. This Greek translation of the Old Testament, made in Egypt, used this Greek word as equivalent for “leprosy”. (...) But if it is accepted that eléphas in Hellenistic Greek and Latin is identical with epaphē, the translation “leprosy” would be certain. And if we could see a continuous legal tradition connecting the Assyrian pair bennu sibtu with the pair Greek Sacred Disease – epaphē, we might also be inclined to posit “leprosy” as the meaning of Assyrian sibtu, lit. “seizure”...» (Stol, 1993 ; p. 139-140).

[57] « Thinking in more sophisticated terms, one might say that epilepsy and leprosy (or any another severe skin disease) can be considered as internal and external manifestation of the same affliction. Then, it is logical that the same plants were used against both : the ellebore by the Greeks, the urānu by the Babylonians. The Greeks saw as their common natural cause the black bile. » (Stol, 1993 ; p. 147).

[58] Φοίνικη, phoenicia, Syria, & morbus in ea regione, aliisquam orientalibus frequens, quidam pro elephantiasi, quam nos lepram dicimus, accipunt. (Gesner, 1537, Lexicon graecolatinum).

[59] Michel de Nostredame emploie le mot NERSAF dans ses Prophéties en VIII-67 avec l'expression “Nersaf du peuple”, que l'on pourrait comparer à cette autre en IV-97 “Esleu du peuple”. Une décomposition de NERSAF en NER (lumière, flamme) et SAF (porte, source) fait de cet élu un porte-flambeau, une sorte de guide ou de phare :
Nouveau Testament, Jean 8:12 : « Ἐγώ εἰμι τὸ φῶς τοῦ κόσμου : Ego sum lux mundi : Je suis la lumière du monde » ; Mat. 5:14 : « Ὑμεῖς ἐστε τὸ φῶς τοῦ κόσμου : Vos estis lux mundi : Vous êtes la lumière du monde »; dans le Nouveau Testament le grec κόσμου (l'ordre de l'univers, ou celui des hommes) est traduit en latin par mundus et désigne le monde terrestre (par opposition au monde céleste, l'au-delà), la réunion des hommes, le peuple (cf. Jean 1:9-10, 7:4-7, 12:25) ;
Erasme (Paraphrase de Jean, 1:4) : « Car comme il est source de la vie pour tous, il est aussi la source de la lumière, car bien sûr le Père grâce à l'éternelle nativité transfuse en lui la plénitude de la nature divine, si bien que seul il rend la vie même aux morts et par sa lumière chasse la nuit des âmes, si épaisse soit-elle [...] il voulut que Jean fut le précurseur de la lumière, comme l'Etoile du matin précède et annonce au monde le lever du Soleil [...] c'est le Langage de Dieu, dont je parle en ce moment, qui était la vraie Lumière, toujours émanée de Dieu le Père, source de toute lumière...». (Oeuvres choisies, 1991 ; p. 118-121) ;
Syméon le Nouveau Théologien (Catéchèses, 28-33, p. 153-261) : « Εἰ γὰρ φῶς τοῦ κόσμου καὶ θύρα ὁ Χριστός, φωτοειδὴς πάντως θύρα ἐστὶ καὶ οὐκχὶ θύρα μόνον ἁπλῶς : Si en effet le Christ est la lumière du monde, et la porte, c'est à coup sûr une porte lumineuse et non pas seulement et uniquement une porte » (XXVIII, 303) ; « πῦρ ἐστιν ὁ Θεὸς : Dieu est un feu [...] Ὁ οὖν οὕτως ἔχων ἔτι τὴν λυχνίαν τῆς ψυχῆς αὐτοῦ – ἀμέτοχον δελονότι τοῦ θείου πυρός –, ὁδηγοῦ δέεται μᾶλλον καὶ λύχνου φαίνοντος : Ainsi celui dont la lampe de l'âme est encore dans cet état, c'est-à-dire n'a rien reçu du feu divin, a plutôt besoin d'un guide avec un flambeau qui brille...» (XXXIII, 17) ; « Τοῦτο τοιγαροῦν δεικνύει τὴν θύραν ἡμῖν ὅτι ἐστὶ φῶς : C’est donc lui [Πνεῦμα, l’Esprit] qui nous montre la porte, cette porte qui est lumière. » (XXXIII, 160) ;
Saint Jean Chrysostome (Homélie sur le mot Cœmeterium et sur la Croix ; PG. 49, col. 396) : « Καθάπερ γὰρ σκότῳ κατεχομένου οἴκου λαμπάδα τις άνάψας καὶ ὀρθὴν ἀναστήσας ἀπελαύνει τὸ σκότος · οὕτω τῆς οἰκουμένης ὑπὸ ζόφου κατεχομένης, καθάπερ λαμπάδα τινὰ τὸν σταυρὸν ἀνάψας καὶ ὀρθὸν ἀναστήσας ὁ Χριστὸς, τῆς γῆς ἅπαντα τὸν ζόφον ἔλυσε. Καὶ καθάπερ ἡ λαμπὰς ἐπὶ τῇ κεφαλῇ ἄνω τὸ φῶς ἔχει, οὕτω καὶ ὁ σταυρὸς ἄνω ἐν τῇ κεφαλῇ τὸν ἥλιον τῆς δικαιοσύνης εἶχεν ἐκλάμποντα. : Quemadmodum enim si quis lucernam in domo quapiam tenebris obsita accendat et in altum statuat, tenebras derepente fugat : sic tenebris per universum orbem sparsis, Christus, tanquam lampadem quamdam, crucem accendit, et in altum erexit, omnemque caliginem totius terræ diisipavit. Et quemadmodum lampas supra in vertice lumen habet, sic et crux habuit supra in vertice Solem justitiæ effulgentem : En effet, comme pour dissiper les ténèbres d'une maison obscure, on allume et on élève un flambeau, de même Jésus-Christ, allumant et élevant la croix comme un flambeau, a dissipé les ténèbres épaisses dans lesquelles toute la terre était plongée. Et comme un flambeau est surmonté de la lumière qui le rend lumineux, ainsi la croix était surmontée du Soleil de justice qui la rendait brillante. »
Jacques de Voragine (Legenda aurea) : « Habuit autem triplex nomen, sicut ex euangelio manifestatur, scilicet filius dei, Christus et Ihesus. [...] Quantum ad tertium uocaliter, quia quo ad hanc uocem Ihesus, sed non quo ad rationem nominis, quod est saluare. [...] Tertium nomen est Ihesus. Hoc autem nomen secundum Bernardum dicitur cibus, fons, medicina et lux [...] Quarto est lux, unde ait : Vnde putas in toto orbe tanta et tam subita fidei lux, nisi de predicatio Ihesu ? Hoc est nomen quod Paulus portabat coram gentibus et regibus tamquam lucernam super candelabrum : Or, J.-C. a eu trois noms, comme l’Evangile le dit, savoir, Fils de Dieu, Christ et Jésus. [...] Quant au troisième, il n'était connu que quant au mot : Jésus n'était pas compris d'après sa véritable signification qui est Sauveur. [...] Le troisième nom c'est Jésus. Or, ce nom de Jésus, d'après saint Bernard, veut dire nourriture, fontaine, remède et lumière. [...] Secondement, c'est une fontaine. [...] Quatrièmement, c'est une lumière, dit-il : « D'où croyez-vous qu'ait éclaté sur l’univers entier la si grande et si subite lumière de la foi, si ce n'est de la prédication du nom de Jésus ? C'est ce nom que Paul portait devant les nations et les rois comme un flambeau sur un candélabre. » (La légende dorée, La circoncision du Seigneur) ;
Cyrille d’Alexandrie (Homélie 12, PG 77, col. 1041) : « Ἐνστάσης δὴ οὖν τῆς ὀγδόης, ἐν ᾗ σύνηθες τὴν ἐν σαρκὶ τελεἲσθαι περιτομὴν κατά γε τὸ δοκοῦν τῷ νόμῳ, δέχεται τὸ ὄνομα, τοῦτ' ἔστιν τὸ, Ἰησούς. Ἑρμηνεύεται δὲ τοῦτο Σωτηρια λαοῦ Igitur cum octava dies adventasset, qua die carnis circumcisio ex præscripto legis perfici solebat, nomen accipit, nimirum Jesus, quod exponitur Salus populi : Donc, lorsque fut venu le huitième jour, où l’on obéissait à la loi en accomplissant la circoncision, il reçut son nom, celui de Jésus, qui se traduit par "Salut du peuple." ».
– Or, pour les lecteurs bibliques, l'incarnation divine est "source de lumière" (Isaïe, 60:1-3, 19-20 ; Apocalypse, 21:23-24, 22:5), et d'après ce qui précède on peut donc facilement établir l'équation spirituelle "source de lumière = salut" et la concordance nostradamienne "Nersaf du peuple = Sauveur du peuple" ; néanmoins le salut du peuple n'est pas une invention purement chrétienne si l'on en croit Cicéron, résumant la Loi des XII tables chez les païens du Latium : « Ollis salus populi suprema lex esto : Que le salut du peuple soit pour eux la suprême loi. » (De Legibus, III, 3, 8).

[60] Sextus Empiricus (Contre les Professeurs, 314-317) : [314] οἶόν ἐστι τὸ [“ἐβαρβάριζε τὸ ὅλον, ἕλκη ἔχον ἐν τῇ χειρί”, τοῦ μὲν] ἐβαρβάριζε ἀντὶ τοῦ ἐσύριζε κειμένου, βάρβαροι γὰρ οἱ Σύροι, τοῦ δὲ ὅλου ἀντὶ τοῦ παντός, ὅλον γὰρ καὶ πᾶν συνώνυμον, τοῦ δὲ ἕλκους άντὶ τῆς σύριγγος, εἶδος γὰρ ἕλκουςσύριγξ · ὥστε τὸ ὅλον γίνεσθαι τοιοῦτον “ἐσύριζεν ὁ Πάν, σύριγγας ἔχων ἐν τῇ χειρί” :
[316] Τί δὲ καὶ ἐροῦσιν ἐκ λέξεών τινων συντεθέντος τινὸς ποιήματος ·

ἦ γάρ σοι δισσοῖσιν ὑπ' οὔρεσι διττὸς ἐραστὴς
ἔφθιτο καὶ νε&άτην μοῖραν ἔθηκε φύσιν ·
ἄρθρῳ ἐν ἀσπιδόεντι βεβηκότα γυῖα καθ' ὁλμοῦ
βᾶσα τροχαντήρων ἄχρι περιστρέφεται
σμερδαλέα δ' ὑπἐνερθεν ἀλώπεκος ἄχρι δοχαίης
αἰῶνος χαλαρὰν σύνδρομον ἁρμονίης.

[317] Τοὺς γὰρ ἐραςτὰς οἴτινές εἰσι καὶ τὶ ὄρη καὶ τὸ ἀσπιδόεν ἄρθον καὶ τοὺς τροχαντῆρας, ἔτι δὲ καὶ τὸν ὅλμον καὶ τὰς ἀλώπεκας δοχαίην τε καὶ αἰῶνα καὶ ἁρμονίαν, μήτε τροπικῶς μήτε κατὰ ἱστορίαν ἀλλὰ κυρίως ἐξενεχθέντα ὀνόματα, τἄν μυριάκις ἐπιστήσωσιν, οὐ συνήσουσιν :

[61] Qu'on se reporte à une étude presque exhaustive d'Adrien Baillet parue en 1725 dans les Jugemens des savans sur les principaux ouvrages des auteurs. J'en donne seulement un extrait : « Table des Chapitres du Discours préliminaire des Auteurs déguisés [...] CHAP. V. Prendre des noms appellatifs. Appellatifs pour être substitués aux noms Propres. Des Appellatifs de diverses sortes ; de dignités, de professions, de conditions, de pays, de dispositions d'esprit ou de coeur. [...] CHAP. XI. Changer son nom d'une Langue en une autre contre un nom de signification semblable ou approchante. Noms tournés du Vulgaire en Hébreu & de l'Hébreu en Latin & en Vulgaire. Noms tournés du Vulgaire en Grec. Noms tournés du Vulgaire en Latin. Noms tournés en Langues Vulgaires. [...] CHAP. XVI. De la pluralité des Surnoms qui donne lieu aux Auteurs de varier dans l'expression de leur nom. »

[62] Plutarque, Propos de table, VIII, 9.
Sur l'arithmétique des nombres de Plutarque, voir sur Internet :
http://www.findarticles.com/p/articles/mi_qa3742/is_199704/ai_n8765282
http://mathworld.wolfram.com/PlutarchNumbers.html
http://mathworld.wolfram.com/Bracketing.html
htpp://www-math.mit.edu/~rstan/papers/hip.ps

[63] « On croit qu'elle vient de l'influence de la Lune aux hommes méchants et perdus de mœurs ; d'où vient qu'on l'a nommée mal sacré. Mais ce nom peut venir encore de la grandeur du mal (car ce qui est grand est dit sacré), soit de l'insuffisance de la médecine humaine et de la nécessité d'une intervention divine pour la guérir, soit de l'espèce d'influence démoniaque sous laquelle semble être l'homme qui en est atteint, soit enfin de toutes ces choses à la fois. » (Arétée de Cappadoce, Des causes et des signes des maladies chroniques, I, 4 ; trad. R. Th. Laënnec ; Ed. Droz, 2000).

[64] cf. Taxil, Traicté de l'Epilepsie, Chap. XVII, Que les Dæmoniaques font Epileptiques.

[65] Langue d'un serpent.

[66] « Il y a encore un autre oiseau sacré appellé le phénix. Je ne l'ai pas vu, sinon en peinture; aussi bien visite-t-il rarement les Egyptiens, tous les cinq cents ans, à ce que disent disent les gens d'Héliopolis : il viendrait d'après eux, quand son père meurt, (...) les plumes de ses ailes sont les unes couleur d'or, les autres d'un rouge vif, (...) il ressemble de très près à l'aigle. » (Histoires, II, 73).

[67] « Le nom du phénix est la transcription du nom égyptien benou, le héron Ardea cinera ou Ardea purpurea (...). La racine du nom est bn, elle est redoublée (bnbn) lorsqu'elle désigne la pierre sacrée dressée dans le temple d'Héliopolis, pierre qui fut par la suite représentée sous la forme de l'obélisque. Le temple de Rê, à Héliopolis, était « la demeure du Ben-ben ». (...) Le phénix, sous la forme du héron, est représenté dans les tombes où il est adoré par le défunt. Selon le Livre des Morts, le défunt s'identifie à lui. » (Rachet, 1992).

[68] a) « Le flament, ou flambant, (...) Phoenicopterus en grec & latin ». (Belon, 1555, De la nature des Oyseaux, IV, 8, p. 199).
b) « Une espèce d'oiseau à long col, à longues jambes, et peint de couleur rouge vif dans les légendes hiéroglyphiques monumentales, détermine souvent l'adjectif copte rouge. ». (Champollion, 1836, Grammaire égyptienne, XI, p. 321 ; Réed. 1997, Solin Actes Sud).
c) Dans son Interprétation des Hiéroglyphes le lecteur d'Horapollo fait suivre immédiatement après chaque épigramme traitant du Phénix, un autre épigramme figurant une cigogne. Après celui montrant la correspondance de Mercure avec la cigogne, vient celui mis avec ce Que faict le Phénix après sa naissance : « Comment ilz signifioient amateur de parents/ Et l'enfant qui est du père amateur/ Pourtant amour aux parens cordiale/ Signifier voulant sont inventeurs/ Bien paingdre exprès la cigoigne loyale/ Pour ce que pourte au père amour féale/ Ne l'abandonne par froit, ne par pouvresse/ Lui pourchassant vivre par sort équalle/ Le secourant à l'extrême vieillesse. », compilé depuis l'édition anonyme de Kerver en 1543 : « Comment ilz signifioient lenffant aymant son pere. Pour signifier lenfant qui ayme son pere ilz mectoient la cigogne pource q apres quelle a este nourrie de ses pere & mere elle ne les habandonne point mais demeure auec eulx iusqs a lextreme vieillesse & les sert & nourrit ». Un peu plus loin, « l'homme scavant et docte aux choses célestes » est figuré par une grue (Rollet, 1968, p. 122, 145).
d) « Just how the benu was visualised in the time of the Old Kingdom is not enterely clear. It is usually assumed that it was thought to ressemble the yellow wagtail. At a later period it was always represented as a heron bearing two long feathers at the back of its head. In Roman times the Egyptian manner of representing the benu was merged with the Classical iconography of the phenix. » (Van Den Broek, 1972 , p. 15).

[69] « De Phoenicum auium numerandi peritia, quae quingentesimo quoque anno aduolare in Aegyptum folent. Phoenices alites absque ulla calculandi arte numerum quingentorum annorum, veluti sapientissimae naturae discipuli, computare norunt ; neque vel digitis vel alia re ad hanc cognitionem opus habent...[Αυευ δε λογιστικης οί φοίνικες συμβαλεϊν έτων πεντακοσίων ίσασιν άριθμόν...] » (Elien, 1556, De Animalium Natura, VI, 58).

[70] « Probatũ est quadraginta & quingẽtis eũ durare annis. (...) Cum huius uitam magni anni fieri cõuersione rara fides est inter auctores. Quãuis plurimi eorum magnum annum non quingẽtis & quadraginta sed duodecim milibus. Dcccc.liiii. annis constare dicant. » (De mirabilibus Mundi, Solin, 1498).
« Il vit cinq cent quarante ans. (...) La révolution de la grande année se rapporte, d'après les auteurs, à la vie du phénix ; quoique beaucoup plus d'entre eux disent que cette grande année n'est pas de cinq cent quarante, mais bien de douze mille neuf cent cinquante quatre ans. » (Solin, Polyhistor, 34 ; Agnant, 1847).

[71] Ardua Caucasio nutat de vertice pinus. » (Idylles, v. 32).

[72] « Car les Phrygiens m'appelent la mère des dieux : les Atheniens, Minerve : les Cypriens, Venus, les Candians, Diane : les Sicilens, Proserpine : les Eleusins, Ceres : aucuns Iuno : les autres Bellone, puis Hecate, & principalement les Ethiopiens, qui habitent au Soleil levant, & les Egyptiens qui sont excellens en toute doctrine ancienne, & qui par propres cerimonies ont de coutume de m'adorer, m'appelent la Royne Isis. » (Apulée, La Métamorphose, XI, 2 ; éd. 1553, p.388).

[73] « In Pharaonic Egypt, we come across a very similar belief : certain sores on the skin, discussed in the medical Ebers Papyrus, are named “sores of Chons” – and Chons is the god of the moon. » (Stol, 1993 ; p.128).

[74] « The Babylonian demon of epilepsy, the deified Bennu, is named “deputy of Sîn” which seems to illustrate this indirectness : the Moon-god, not being present himself, sends his messenger. (...) ; Omina of the Seleucid age forecast that lunar eclipse at the moment of the conception means that right after birth the baby will be seized by incubus of Hand of the God. We already have seen that these afflictions are forms of epilepsy or closely related to it. (...) ; A prayer to Sîn is to be recited three times, before a reed altar while the patient is present. (...) ; The epithets used in the prayer show that Sîn is invoked as the god who rejuvenates mankind (because the moon is reborn every thirty days, so one reads between the lines). (...) In this prayer Sîn is asked “that the bennu which seized him will not approach him” (...) ; bennu is the regularly recurring form of epilepsy. » (Stol, 1993 ; p. 131-132).

[75] Le nom égyptien du phénix a été transmis par les hébraïsants de langue latine jusqu'à la Renaissance, pour désigner un fils éternel et unique, lumineux et igné : « Ben. filius vel filiatio. ; Benir. filius incẽdẽs vel filius lucidus seu filius luminis aut filius igneus. ; Bennum. filius servus vel filius piscis sive filius unicus aut filius sempiternus. (Jérôme, 1513, Interpretationes Nominum Hebraicorum). Isidore, Etymol., XII, 7, 22 : « ...vel quod sit in toto orbe singularis et unica. Nam Arabes singularem “phoenicem” vocant. » (cf. Van Den Broek, 1972 , p. 61).

[76] Pour certains l'origine du mot grec φοῖνιξ serait égyptienne, pour d'autres l'origine serait sémitique par un intermédiaire mycénien po-ni-ke en écriture linéaire B désignant tantôt un griffon, tantôt la teinture rouge des Punites, les fils d'Issachar de la Génèse (Chantraine_1999, Hubaux & Leroy, 1939, Van Den Broek, 1972 , pp. 62-66, 397). Bien que les premiers Hébreux aient migrés de l'Euphrate vers le Nil (vers -1950), que Joseph le fils de Jacob se soit trouvé en Egypte au moment où le roi de Babylone, Hammourabi, inscrivait le mot prononcé “bennu” dans son code de lois (vers -1700), et que l'on ait retrouvé dans la cité d'Akhénaton (Tell El-Armana) des tablettes cunéiformes datant de 1350 av. J.-C. prouvant l'existence d'échanges linguistiques, le mystère des origines étymologiques s'efface devant la nécessité d'une étude sémantique des réprésentations mentales de la résurrection sous toutes ses formes.

[77] « How is the form of epilepsy called bennu distinguished from the others forms ? Not at all, one is inclined to say, because it is the general word for “epilepsy”. However, periodicity may be its special characteristic. The clausula about the possibility of bennu in slave contracts, to be studied later, points to a chronic disease with reccurent manifestations, and the iterative form in the letter from Mari has the same implications : bennu falls on the woman “time and again”. The title of a literary work preserved in a catalogue also suggests periodicity : “Bennu was renewed” ; the same verb was used for the moon “renewing” every month. » (Stol, 1993, p. 7).
« The texts from the Book of Dead cited above have already made it clear that the dead could identify himself with the benu. In this identification the benu could be taken as the “ba of Re” that brings the elements of life to the realm of the dead. But in this context the bird could also be seen as a form taken by Osiris, the god of the realm of the dead. The New Kingdom knew a tendency to identify Re with Osiris, and therefore the benu could also be indicated as the “ba of Osiris” ». (Van Den Broek, 1972 , p. 18).

[78] Job (29, 18) : « εἶπα δέ ἡ ἡλικία μου γηράσει ὥσπερ στέλεχος φοίνικος πολίν χρόνον βιώσω : In nidulo meo moriar, et sicut palma multiplicabo dies : J'expirerai dans mon nid et comme le phénix je multiplierai mes jours » [nid = Strong N° 07064 (qen) ; sable, palmier, phénix = Strong N° 02344 (chowl)]
Tertullien, Traité de la résurrection de la chair (de Resurrectione carnis, 13) : « Si parum universitas resurrectionem figurat, si nihil tale conditio signat, quia singula eius non tam mori quam desinere dicantur, nec redanimari sed reformari existimentur, accipe plenissimum atque firmissimum huius spei specimen, siquidem animalis est res, et vitae obnoxia et morti. Illum dico alitem orientis peculiarem, de singularitate famosum, de posteritate monstruosum, qui semetipsum libenter funerans renovat, natali fine decedens atque succedens, iterum phoenix ubi nemo iam, iterum ipse qui non iam, alius idem. Quid expressius atques signatius in hanc causam, aut cui alii rei tale documentum ? Deus etiam in scripturis suis, Et florebis enim inquit velut phoenix, id est de morte, de funere, uti credas de ignibus quoque substantiam corporis exigi posse. Multis passeribus antestare nos dominus pronuntiavit: si non et phoenicibus, nihil magnum. Sed homines semel interibunt, avibus Arabiae de resurrectione securis ? : Si le renouvellement de l'univers figure imparfaitement la résurrection ; si la création ne prouve rien de semblable, parce que chacune de ses productions finit plutôt qu'elle ne meurt, est rendue à sa forme plutôt qu'à la vie, eh bien ! voici un témoignage de notre espérance complet et irrécusable. Il s'agit en effet d'un être animé, sujet à la vie et à la mort. Je veux parler de cet oiseau particulier à l'Orient, célèbre parce qu'il est sans pareil, phénoménal parce qu'il est à lui-même sa postérité ; qui, préparant volontiers ses propres funérailles, se renouvelle dans sa mort, héritier et successeur de lui-même, nouveau phénix où il n'y en a plus, toujours lui quoiqu'il ait cessé d'être, toujours semblable, quoique différent. Quel témoignage plus explicite et plus formel pour notre cause ? ou quel autre sens pourrait avoir cet enseignement ? Dieu l'a déclaré lui-même dans ses Ecritures : “Il se renouvellera, dit-il, comme le phénix” qu'est-ce à dire ? Il se relèvera de la mort et du tombeau, afin que tu croies que la substance du corps peut être rappelée, même des flammes. Le Seigneur a déclaré que nous “valons mieux que beaucoup de passereaux”. Si nous ne valons pas mieux que le phénix aussi, l'avantage est médiocre. L'homme mourra-t-il pour toujours, quand l'oiseau de l'Arabie est sûr de ressusciter ? »
Ambroise de Milan (Migne, P.L. 14 ; Hexameron, 5, 23, 79) : « Phoenix quoque avis in locis Arabiae perhibetur degere : atque ea usque ad annos quingentos longaeva aetate procedere. Qquae cum sibi finem vitae adesse adverterit, facit sibi thecam de thure & myrrha & caeteris odoribus, in quam impleto vitae suae tempore intrat, et moritur. De cujus humore carnis vermis exsurgit, paulatimque adolescit, ac processu statuti temporis induit alarum remigia, atque in superioris avis specimen formamque reparatur. Doceat igitur nos haec avis vel exemplo sui resurrectionem credere, quae et sine exemplo, et sine rationis perceptione ipsa sibi insignia resurrectionis instaurat. [...] Qui igitur huic annuntiat diem mortis ; ut faciat sibi thecam, et impleat eam bonis odoribus, atque ingredatur in eam, et moriatur illic ubi odoribus gratis foetor funeris possit aboleri. Fac et tu, o homo, tibi thecam, exspolians veterem hominem cum actibus suis, novum indue. Theca tua, vagina tua, Christus est : qui te protegat & abscondat in die malo. On dit que c'est dans les contrées de l'Arabie que se rencontre l'oiseau phénix et qu'il vit jusqu'à l'âge de cinq cents ans. Lorsqu'il sent la fin de sa vie approcher, il se compose une espèce d'étui avec de l'encens, de la myrrhe et d'autres parfums, où, le terme de son existence arrivé, il se retire et meurt. De la dissolution de ses chairs naît un ver, qui grandit peu à peu, avec le temps prend des ailes, et offre bientôt l'aspect et la forme de l'oiseau qui n'était plus. Que le phénix nous enseigne donc par son exemple à croire à la résurrection; lui qui sans instruction et sans raison, se prépare les moyens de ressusciter. [...] Or qui annonce à cet oiseau le jour de sa mort, pour qu'il se construise une espèce d'étui, le remplisse de bonnes odeurs, s'y retire, et meure là où des parfums suaves ne laissent plus sentir la puanteur de la mort ? Fais-toi un gîte à toi-même, ô homme ; et, dépouillant le vieil homme avec ses actions, revêts l'homme nouveau. Ton étui, ton fourreau, c'est le Christ, qui te protegera et te défendra dans les jours mauvais. »
Clément de Rome (Lettre aux Corinthiens, I, 24-25) : « 24.1. Κατανοήσωμεν, ἀγαπητοι, πῶς ὁ δεσπότης ἐπιδείκνυται διηνεκῶς ἡμῖν τὴν μέλλουσαν ἀνάστασιν ἔσεσθαι, ἧς τὴν ἀπαρχὴν ἐποιήσατο τὸν κύριον Ἰησοῦν Χριστὸν ἐκ νεκρῶν ἀναστήσας. [...] 25.1. Ἴδωμεν τὸ παράδοξον σημεῖον τὸ γινόμενον ἐν τοῖς ἀνατολικοῖς τόποις, τουτέστιν τοῖς περὶ τὴν Ἀραβίαν. 2. Ὄρνεον γάρ ἐστιν, ὃ προσονομάζεται φοίνιξ · τοῦτο μονογενὲς ὑπάρχον ζῇ ἔτη πεντακόσια, γενόμενόν τε ἤδη πρὸς ἀπόλυσιν τοῦ ἀποθανεῖν αὐτὸ σηκὸν ἑαυτῷ ποιεῖ ἐκ λιβάνου καὶ σμύρνης καὶ τῶν λοιπῶν ἀρωμάτων, εἰς ὃν πληρωθέντος τοῦ χρόνου εἰσέρχεται καὶ τελευτᾷ. 3. Σηπομένης δὲ τῆς σαρκὸς σκώληξ τις γεννᾶται, ὃ ἐκ τῆς ἰκμάδος τοῦ τετελευτηκότος ζῴου ἀνατρεφόμενος πτεροφυεῖ · εἶτα γενναῖος γενόμενος αἴρει τὸν σηκὸν ἐκεῖνον, ὅπου τὰ ὀστᾶ τοῦ προγεγονότος ἐστιν, καὶ ταῦτα βαστάζων διανύει ἀπὸ τῆς Ἀραβικῆς χώρας ἕως τῆς Αἰγύπτου εἰς τὴν λεγομένην Ἡλιούπολιν. 4. Καὶ ἡμέρας βλεπόντων πάντων, ἐπιπτὰς ἐπὶ τὸν τοῦ ἡλὶου βωμὸν τίθησιν αὐτὰ καὶ οὕτως εἰς τοὐπίσω ἀφορμᾷ. 5. Οἱ οὖν ἱερεῖς ἐπισκέπτονται τὰς ἀναγραφὰς τῶν χρόνων καὶ εὑρίσκουσιν αὐτὸν πεντακοσιοστοῦ ἔτους πεπληρωμένου ἐληλυθέναι. 26.1. Μέγα καὶ θαυμαστὸν οὖν νομίζομεν εἶναι, εἰ ὁ δημιουργὸς τῶν ἁπάντων ἀναστασιν ποιήσεται τῶν ὁσίως αὐτῷ δουλευσάντων ἐν πεποιθήσει πίστεως ἀγαθῆς, ὅπου καὶ δι' ὀρνέου δείκνυσιν ἡμῖν τὸ μεγαλεῖον τῆς ἐπαγγελίας αὐτοῦ : Remarquons, biens aimés, comment le Maître [despote] nous manifeste sans cesse la résurrection à venir, dont il a donné les prémices dans le Seigneur Jésus-Christ en le ressuscitant d'entre les morts. [...] 25.1. Considérons le signe étrange qui a lieu dans les régions du Levant, je veux dire celles de l'Arabie. Il y a là un oiseau auquel on donne le nom de phénix. Cet oiseau est seul de son espèce et vit cinq cents ans. Lorsque arrive le moment où il va se dissoudre dans la mort, il se fabrique, avec de l'encens, de la myrhhe et autres plantes aromatiques, un nid funéraire [enclos sacré] où il pénètre, une fois son temps accompli, et où il meurt. De la chair en putréfaction en naît un ver ; il se nourrit des humeurs de l'animal mort et se couvre de plumes. Puis, lorsqu'il a acquis de la vigueur, il soulève le nid où se trouvent les os de son ancêtre, et avec ce fardeau il passe d'Arabie en Egypte jusqu'à la ville qu'on appelle Héliopolis. En plein jour, aux yeux de tous, il dirige son vol vers l'autel du soleil, y dépose le nid et prend alors son élan pour s'en retourner. Les prêtres compulsent leurs annales et il découvrent qu'il est venu au bout de cinq cents ans révolus. 26.1. Allons-nous donc trouver que c'est un prodige extraordinaire si le créateur de l'univers fait ressusciter ceux qui l'ont servi dans la sainteté et avec la confiance d'une foi parfaite, alors que même à travers un oiseau il manifeste la grandeur de ce qu'il avait annoncé ? »
Cyrille de Jérusalem (Catéchèse, 18, 8-9) : « Ἀλλὰ ζητοῦσιν Ἕλληνες νεκρῶν ἀνάστασιν ἔτι φανεράν · καὶ φασιν, ὅτι εἰ καὶ ἐγείρεται ταῦτα, ἀλλ' οὐκ ἐσάπη παντελῶς · καὶ ζητοῦσιν ἰδεῖν σαφῶς παντελῶς ζῶον σαπὲν καὶ ἀναστάν. ᾔδει Θεὸς τῶν ἀνθρώπων τὴν ἀπιστίαν, καὶ ὄρνεον εἰς τοῦτο κατειργάσατο, φοίνικα οὕτω καλούμενον. Τοῦτο, ὡς γράφει Κλήμης, καὶ ἱστοροῦσι πλείονες, μονογενὲς ὑπάρχον, κατὰ τὴν Αἰγυπτίων χώραν ἐν περιόδοις πεντακοσίων ἐτῶν ἐρχόμενον, δείκνυσι τὴν ἀνάστασιν · οὐκ ἐν ἐρήμοις τόποις, ἵνα μὴ ἀγνοηθῇ τὸ μυστήριον γινόμενον · ἀλλ' ἐν φανερᾷ πόλει παραγενόμενον, ἵνα ψηλαφηθῇ τὸ ἀπιστούμενον. Σηκὸν γὰρ ἑαυτῷ ποιῆσαν ἐκ λιβάνου καὶ σμύρνης, καὶ λοιπῶν ἀρωμάτων · καὶ ἐν τῇ συμπληρώσει τῶν ἐτῶν εἰς τοῦτον εἰσελθὸν, τελευτᾷ φανερῶς καὶ σήπεται. Εἶτα, ἐκ τῆς σαπείσης σαρκὸς τοῦ τελευτὴσαντος, σκώληξ τις γεννᾶται · καὶ οὗτος αὐξηθεὶς, εἰς ὄρνεον μορφοῦται (μὴ ἀπιστήσῃς δὲ τούτῳ · καὶ γὰρ τὰ μελισσῶν γεννήματα οὕτω βλέπεις ἐκ τῶν σκωλήκων μορφούμενα · καὶ ἐξ ᾠῶν ὑγροτάτων ἐθεώρησας ὀρνέων πτερὰ καὶ ὀστέα καὶ νεῦρα ἐξερχόμενα). Εἶτα, πτεροφυήσας ὁ προειρημένος φοίνιξ, καὶ τέλειος, οἷος ἦν ὁ πρότερος, φοίνιξ γενόμενος · ἀνιπταται τοιοῦτος εἰς ἀέρα οἷος καὶ ἐτετελευτήκει. σαφεστάτην νεκρῶν ἀνάστασιν ἀνθρώποις ἐπιδείξας. Θαυμαστὸν μὲν ὄρνεον ὁ φοίνιξ · ἀλλ' ὄρνεον ἄλογον, καὶ οὐδέποτε ἔψαλε τῷ Θεῷ. Περιπέτεται τὸν ἀέρα, ἀλλ' οὐκ οἶδε τίς ἐστιν ὁ μονογενὴς Υἱὸς τοῦ Θεοῦ. Εἶτα, τῷ μὲν ἄλόγῳ ζώῳ καὶ μὴ γινώσκοντι τὸν Ποιητὴν, νεκρῶν ἀνάστασις δεδώρηται · ἡμῖν δὲ τοῖς δοξολογοῦσι Θεὸν, καὶ τὰ προστάγματα αὐτοῦ τηροῦσιν, οὐ δίδοται ἀνάστασις ; Verum adhunc requirunt Græci conspicuam mortuorum resurrectionem, aiuntque, etiamsi res modo memoratæ resurgant, non tamen penitus in putredinem abivisse : aperteque videre cupiunt animal penitus putrefactum quod resurrexerit. Noverat Deus hanc hominum in credendo pervicaciam, atque ad id avem comparavit phœnicem appellatam. Hæc, ut scribit Clemens, aliique complures narrant, cum sit sui generis unica, in Ægyptiorum regionem quadrigentis quibusque annis adveniens, resurrectionem ostendit ; non in desertis locis, ne res illa mysterium facta lateret ; sed in urbe conspicua, præsentem se sistens, uti manu contrectetur res quæ alioqui fidem non inveniret. Facto enim sibi ex thure, myrrha, cæterisque aromatibus nido, in hunc expleto annorum curriculo ingrediens, moritur palam, ac putrescit. Deinde ex putrefacta demortuæ avis carne vermis quidam enascitur, hicque augmentum capiens in volucrem conformatur. (Ne rei isti detrahas fidem ; nam et apum soboles eodem modo cernis vermibus informari : atque ex liquidissimis ovis volucrum pennas, ossa, et nervos erumpentia conspexisti.) Deinde phœnici prædicto sucerescunt pennæ ; perfectusque, qualis erat prior, phœnix factus, in aera talis avolat qualis et demortuus fuerat, evidentissimam mortuorum resurrectionem hominibus ostentans. Admirabilis quidem volucris est phœnix ; avis tamen ratione destitua, quæ nunquam Deo psalmos cecinit ; aera circumvolat ; sed quis sit unigenitus Dei Filius, non novit. An vero irrationabili et proprium Conditorem nescienti animanti mortuorum resurrectio data fuerit : nobis vero qui Deum glorificamus et præcepta ejus observamus, eadem non dabitur ? Mais les Grecs veulent une résurrection des morts qui soit encore plus évidente, et ils disent que sans doute les êtres (cités) ressuscitent, mais qu'ils n'étaient pas entièrement décomposés, et ils demandent à voir clairement un être vivant tout à fait décomposé et ressuscité. Dieu connaissait cette incrédulité des hommes, aussi avait-il créé un oiseau qu'on appelle “le phénix”. Ce dernier, comme l'écrit Clément, et comme beaucoup le racontent, unique dans son espèce, s'en va tous les cinq cents ans dans le pays des Egyptiens, et quand il y est arrivé, il donne le spectacle de la résurrection ; ceci, non pas dans les déserts, de crainte que l'acte mystérieux qui s'accomplit ne demeure inconnu, mais dans une ville illustre, pour que l'incroyable soit touché du doigt. Le phénix, en effet, se construit un nid de cèdre, de myrrhe et d'autres végétaux aromatiques ; il y entre quand il a accompli le nombre de ses années, et aux yeux de tous, il y meurt et se décompose. Alors, la chair décomposée de son cadavre donne naissance à une certaine larve qui grandit et se change en oiseau. – Ne va pas douter de ce fait : tu vois bien la progéniture des abeilles se former à partir de larves ; tu a pu également voir des ailes, des os et des nerfs sortir d'œufs parfaitement liquides. – Puis notre phénix s'emplume et finalement, il est redevenu le phénix de naguère. Il s'envole dans les airs, tel qu'il était au moment de sa mort, mais il a maintenant fait voir aux hommes une évidente résurrection des morts. Oiseau merveilleux que le phénix, mais oiseau sans raison, qui n'a jamais chanté Dieu. Il parcourt les airs, mais sans savoir qui est le Fils unique de Dieu. Alors ? La résurrection des morts aurait été accordée à un oiseau sans raison, qui ignore le Créateur, et à nous qui glorifions Dieu et qui observons ses commandements, la résurrection ne serait pas accordée ? »
DEPROOST P.A. Les métamorphoses du phénix dans le christianisme ancien. In : L'oiseau entre ciel et terre, M. Mazoyer, J. Pérez Rey, F. Malbran-Labat, R. Lebrun ed., Paris, L'Harmattan, 2005, 113-138, Kubaba, Actes VI.
VAN DEN BROEK R. (Van den Broek, 1972) – A coptic text on the Phoenix : « This bird indicates to us the resurrection of the Lord. [...] At the time now that God brought the children of Israel out of Egypt by the and of Moses, the phoenix showed itself on the temple of On, the city of the sun. According to the number of its years it was its tenth time since its genesis after the sacrifice of Abel that it made a sacrifice of itself : in the year now the Son of God was born in Bethlehem » (The myth of the Phoenix. According to classical and early christian tradition. 1972 Brill ; p. 47 ; cf. p.122, 130, 214, 284 ; notes icono. ref. p. 425, 444 sq.)

[79]RAOUL-ROCHETTE Désiré (Tableau des catacombes de Rome, 1837 ; p. 231 ; Cf. Mémoires de l'Institut royal de France, Académie des Inscriptions et Belles Lettres, Tome XIII, 1838, p. 208 sq) : « Sans entrer dans une discussion étrangère à l'objet de cet ouvrage, je me bornerai à dire que cette image du phénix, à l'époque où elle apparut sur les monuments publics de l'antiquité, notamment sur les monnaies des empereurs, y figura comme un symbole d'éternité, de consécration, d'apothéose ;  ce qui résultait de la présence même de l'oiseau merveilleux, et de l'inscription, ÆTERNITAS, CONSECRATIO, dont elle était accompagnée. C'est au même  titre, pour exprimer l'immortalité de l'âme, que le symbole du phénix fut placé sur des pierres sépulcrales, telle que celle qui est rapportée par Fabretti ; et l'on sent avec quelle facilité un pareil symbole se prêtait aux applications diverses qu'il pouvait recevoir dans le christianisme, pour indiquer la résurrection des morts, ou celle du Christ. De là les fréquentes allusions à ce mythe, qui se rencontrent dans les écrits des Pères et des docteurs de l'Eglise ; de là aussi l'usage qui s'en fit sur les monuments funéraires du premier âge du christianisme, et qui n'était évidemment qu'une tradition de l'antiquité profane, rapportée à une idée chrétienne ; à défaut de ces monuments mêmes, la légende si connue de sainte Cécile, qui aurait fait graver un phénix sur la tombe de saint Maxime, pour exprimer la confiance du disciple du Christ en la résurrection, prouverait à quel point cette idée était devenue de bonne heure populaire au sein de l'Eglise. ».
GUÉRANGER Prosper, Histoire de sainte Cécile, vierge romaine et martyre, 1853 (p. 120 sq)
Cf. http://www.abbaye-saint-benoit.ch/gueranger/cecile/cecile%2002.htm
RENAN Ernest (Marc Aurèle ou La fin du monde antique, 1882) - Chapitre XXIX : « La palme, la colombe avec le rameau, le poisson, l'IXY, l'ancre, le phénix, l'A, le T désignant la croix, et peut-être déjà le chrisimon pour désigner le Christ ; telles étaient presque les seules images allégoriques reçues. ».
SCHAFF Philip (History of the Christian Church, Vol. 2, VI-78) : « The following symbols, borrowed from the Scriptures, were frequently represented in the catacombs, and relate to the virtues and duties of the Christian life : The dove, with or without the olive branch, the type of simplicity and innocence ; the ship, representing sometimes the church, as safely sailing through the flood of corruption, with reference to Noah's ark, sometimes the individual soul on its voyage to the heavenly home under the conduct of the storm-controlling Saviour ; the palm-branch, which the seer of the Apocalypse puts into the hands of the elect, as the sign of victory ; the anchor, the figure of hope ; the lyre, denoting festal joy and sweet harmony; the cock, an admonition to watchfulness, with reference to Peter's fall ; the hart which pants for the fresh water-brooks ; and the vine which, with its branches and clusters, illustrates the union of the Christians with Christ according to the parable, and the richness and joyfulness of Christian life. The phoenix, the symbol of rejuvenation and of the resurrection, is derived from the well-known heathen myth. ».

[80] : I-11 Seront d'accord Naples, Leon, Secille (Neapolis, nouvelle cité, Lugdunum, cité de lumière, Caecilia, aveugle : lumière aveuglante ?) ; I-57 Accord rompu, dressant la teste au ciel (rompu : ouvert, permis) ; II-25 haut mariage ; III-39 mis en concorde ; IV-5 Croix paix sous un accompli divin verbe/ L'Hespaigne & Gaule seront unis ensemble ; IV-77 l'Itale pacifique ; V-6 Empereur pacifique ; V-87 sera son mariage ; VI-7 les unis freres ; VI-24 pacifiera la terre ; VIII-54 du traicté mariage ; VI-59 par rage d'adultere (ad ulterius : vers l'autre) ; VIII-67 amour et concorde ; VIII-93 Pres de Venise paix union renaistre ; IX-66 Paix, union sera & changement/.../ Guerre cesser... ; X-10 enormes adulteres ; X-17 germain mariage (amour fraternel) ; X-36 l'Isle Harmotique (l'île harmonieuse) ; X-39 malheureux mariage ; X-22 ne consentir au divorce (préfèrer l'union, et refuser le schisme) ; X-42 Fera son regne paix union tenir ; X-89 années pacifiques.

[81] NERSAF, FERTSOD, Noudam, ne sont l'anagramme d'aucun mot de la langue française.

[82] Taxil avait peut-être lu, comme Nostredame, ce passage de Rhodiginus : « Melancholico prætera habitu sunt : qui lingua hæsitant : quoniam propere sequi imaginationem, non nisi melancholicorum est : hæsitantes autem eiusmodi homines proculdubio sunt, impetus nanque dicendi præruit, anteceditque facultatem eorum, utpote quum animus uisa sequatur. Balbis etiam idem accidit, hos etenim omnes membra uoci accommodata tardiora habere, certum est. » (Lectionum antiquarum, XXIX, 14).
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Cf. http://www.medscape.com/viewarticle/492981_7

[83] « Si qua est de nouissimis temporibus humana coniectura, inuestigare possomus per secretissimam uiam Cabalae, futuram esse consumationem seculi hinc ad annos quingentos, et quatuordecim, et dies uigintiquinque. » (Pic de la Mirandole, 1486 , Conclusiones DCCCC, 837).

[84] « Dans le Candélabre de Moyse, en suivant et en adaptant à ses propres convictions la mystique millénariste qui s'était développée derrière le joachinisme, Postel distingue une successsion de quatre âges : la canne, la vascule, la sphère, le lys correspondant à l'âge de la nature, de la loi, du messie, et de la restitution. (...) Or, si l'on combine la distinction qualitative des quatre âges avec la prophétie dite d'Elie, qui établit une équivalence d'un millénaire pour un jour de la semaine, on peut prévoir la fin du monde pour l'an 2000 (la 6.000e année de la création). » (Dubois, 1972 ; p. 81-82).

[85] « In the school of Rabbi Eliyyahu (ca. A.D. 240) it was taught that history can be divided into three periods of 2,000 years ; the first period occurred before Moses received the Tablets on Mt Sinaï, the second encompasses the period under the authority of the Torah, and the third comprises the dominion of the Mesiah. This opinion must, however, be much older than the time of Rabbi Eliyyahu, because the Palestinians traditions transmit, in the name of Rabbi Joshua (ca. A.D. 90), that the Messianic time will last 2,000 years. Paul must have the same concept in mind when he wrote, in Rom. v.12-21, about the eras before the law, under the law, and under grace. » (Van Den Broek, 1972 ; p. 128-129).

[86] « ELIA Propheta, Sex milibus annorum stabit mundus. Duobos milibus inane. Duobos milibus Lex. Duobos milibus Messiah. Insti sunt Sex dies hebdomadae coram Deo. Septimus dies Sabbatum aeternum est. Psalm 90. Et 1 Pet. 2. Mille anni sicut dies unus. » (Martin Luther, Supputatio Annorum Mundi, 1541 ; page de titre).

[87] (Delumeau, 1978) pp. 197-231 ; (Delumeau, 1983) pp. 129-138 ; (Delumeau, 1995) pp. 101, 130, 149, 173.

[88] Jamblique, Vie de Pythagore (§§ 30, 72, 74, 81, 92, 32, 167, 168) ; Porphyre, Vie de Pythagore (33) : « Τοὺς δὲ φίλους ὑπερηγάπα, κοινὰ μὲν τὰ τῶν φίλων εἶναι πρῶτος ἀποφηνάμενος, τὸν δὲ φίλον ἄλλον ἑαυτόν : Il aimait extrêment ses amis, lui qui le premier avait déclaré qu'entre amis tout est commun et que l'ami est un autre soi-même ».

[89] Platon, République (III, 416d, 464d; IV, 423e, 449c; V, 462c, 463b; VIII, 543b) ; Phèdre, 279c.

[90] Actes des Apôtres (II, 44) : « πάντες δὲ οἱ πιστεύοντες ἦσαν ἐπὶ τὸ αὐτὸ καὶ εἶχον ἅπαντα κοινά : Omnes etiam qui credebant, erant pariter, et habebant omnia communia : tous ceux qui croyaient étaient égaux et mettaient tout en commun » ; (IV, 32) : « ἀλλ᾽ ἦν αὐτοῖς ἅπαντα κοινά : sed erant illis omnia communia : mais entre eux tout était en commun ».

[91] Daniel (VII, 9-13-22) : « παλαιὸς ἡμερῶν : antiquus dierum ».

[92] X-62 : les viendra convertir ; IX-56 : Convertira en instant ; X-30 : convertiront leur vert ; VII-48 : l'epithalame converty ; « Et les contrees, villes, citez, Regnes, & province qui auront delaissé les premieres voyes pour se delivrer se captivant plus profondement serõt secretemẽt fachés de leur liberté, & perfaicte religion perdue, commenceront de frapper dans la partie gauche, pour retourner à la dextre » (Lettre à Henry Second, p. 12)

[93] « la mort d'un fort grand apportera beaucop de troubles tant en la hierarchie, qu'en l'aristocratie, & beaucop plus en la democratie [...] son gazophilacium se treuvera tellement espuisé qu'il sera contraint de tyranniquement exiger ses subjets & deviendra splenetique [...] Au reste les plus grands seront trestous en alegresse, joye & supreme hylarité par nouvelles aliances, par nouveaux mariages, & par autres agreables constitutions & ordonnances, qui seront causes que les regnes croistront en augmentation de tous biens avec paix, amour, union, & paisible tranquilité. Que je prie à Dieu le pere tout puissant, & son unique fils Iesus Christ, par l'intercession de la glorieuse Vierge mere intermeree qu'ainsi puisse estre. Amen. Dieu est sur tout les astres. » (Almanach pour 1566).

[94] La différence entre le communisme chrétien et le communisme marxiste consiste non seulement dans la nature de leur projet éthique : une justice divine et l'amour du prochain pour le premier, la dictature du prolétariat et la lutte des classes pour le challenger, mais aussi dans l'inversion des prémisses de la “loi commune” énoncée dans l'adage pythagoricien où l'on doit d'abord s'accorder entre amis avant de partager les biens matériels, et non l'inverse : ce n'est pas le partage des richesses, obtenu au besoin par la réquisition ou le vol, qui fait les amis ; d'autant plus que le partage des richesses et des honneurs est en l'occurence arbitré par une autorité humaine, toujours contestable puisque faillible comme le sont toutes les décisions humaines. Déjà, dans l'Antiquité Diogène Laerce avait fait remarquer que d'une part ce n'est pas le partage des richesses qui fait les amis : « Epicure n'approuvait pas la communauté de biens entres ses sectateurs, contre le sentiment de Pythagore, qui voulait que toutes choses fussent communes entre amis, parce que, disait notre philosophe, c'était plutôt le caractère de la défiance que de l'amitié » (Vie d'Epicure, X, 11), et que d'autre part dans toute société les hommes doivent trouver une instance incontestable pour protéger matériellement leur sécurité sociale et leur dignité morale : « Il disait que les sages ont toutes choses communes, et se servait de ces raisonnements : “Toutes choses appartiennent aux dieux. Les sages sont amis des dieux. Les amis ont toutes choses communes : ainsi toutes choses sont pour les sages”. Il prouvait d'une manière semblable que la société ne peut être gouvernée sans lois : “Il ne sert de rien d'être civilisé, si l'on n'est dans une ville. La société d'une ville consiste en cela même qu'on soit civilisé. Une ville n'est rien sans loi : la civilité est donc une loi”. » (Vie de Diogène, VI, 72). Ce sont tous ces éléments complétifs qui ont été rassemblés par Jamblique : « la constitution la meilleure, l'accord au sein du peuple, le principe “Entre amis tout est commun”, le culte rendu aux dieux, la piété à l'égard des défunts, la législation, l'éducation, la pratique du silence, le respect des autres espèces vivantes, la continence, la sagesse, l'intelligence, la divinité... » (Vie de Pythagore, 32).

[95] Clément Marot (Le Temple de Cupido, 1515) ; Thomas More (L'utopie, 1516) ; Rabelais (dans Gargantua, 1532 ; associe son utopique abbaye de Thélème à une Enigme en Prophétie, comme pour lui donner une infaillible et fatale légitimité) ; Antonio Francesco Doni (I Mondi del Doni, 1552) ; Francesco Patrizzi da Cherso (La Citta felice, 1553) ; Kaspar Stiblin (De Eudaemonensium republica, 1555) ; Bernard Palissy (Recepte veritable, 1563) ; Ronsard (Les Mascarades, Contre l'Amour, 1565 ; Deuxième livre des Poèmes, Discours contre Fortune).


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